Marie Caron, poussée par la crainte de voir un lecteur non averti tomber sur une histoire qu’elle se plaît à caractériser de « sensuelle, tendre, croustillante » et dont elle avoue en toute franchise qu’elle recèle même des « interludes charnels », fait précéder son texte d’une Note personnelle pour mettre tout le monde en garde. Malheureusement, elle ne se borne pas à cela (après tout, cela peut arriver à tout le monde et même à votre serviteur qui s’est vu poussé par son éditeur à rédiger un Avertissement pour accompagner la première version publiée de l’Aventure de Nathalie (dont il n’existe plus que la version en ligne), mais se croit obligée de développer quelques idées à propos de la sexualité et du sexe dont elle va jusqu’à affirmer qu” « il est devenu bestial, primaire »… Et la faute de tout cela, Mesdames, Messieurs mes lecteurs amateurs d’érotisme, où croyez-vous que Mme Caron va chercher la faute ?
« Remercions cette ère dans laquelle les images véhiculées sont les idées des hommes et non celles des femmes … »
Qu’en diront mes consœurs dont j’ai eu l’occasion de saluer les textes remplis non pas seulement de sève et de cris orgasmiques, mais surtout d’une passion pour la chose littéraire, d’une volonté de transgression pour voir ce qui se cache au-delà des frontières de la sacro-sainte normalité et d’une recherche stylistique pour un langage à la hauteur des exploits des corps et des esprits ? Hein, ChocolatCannelle, Aline Tosca, Marie Godard, Erika Sauw, Alix Langevin, Emma Cavalier, Chloé Saffy, Anne Bert, qu’en dites-vous ? Franchement, rien qu’à contempler cette énumération on aurait le droit d’affirmer que l’érotisme littéraire est aujourd’hui un genre en majorité féminin. Et quand je dis érotisme, je n’exclue pas du tout une approche que certains n’hésiteraient pas à qualifier de pornographique, comme celle notamment d’Erika Sauw, écrivaine que j’ai eu l’honneur de faire entrer dans la Bauge littéraire avec sa petite série érotico-pornographique, Compromission, des textes dont je ne peux assez recommander la lecture. Et vous imaginez que ce n’est pas par hasard que j’omets de parler des exploits d’Annie May, de peur de faire fuir les âmes trop sensibles qui se seraient égarées dans ma repaire en suivant le nom d’une auteure qui affirme vouloir produire de la « romance érotisée ». Le voilà, le terme qui a le pouvoir de me faire fuir pour me terrer au fin fond de mes forêts nordiques, le groin profondément enfoui entre les cuisses d’une jolie dame dont le parfum me fait oublier la bêtise qui court le monde… Je suis sûr que vous vous souvenez, chers lecteurs, chères lectrices, du malheureux épisode de la Muse… Et dire que j’ai été assez faible pour me laisser séduire par une petite remarque de l’auteure, proférée comme en passant, qui a qualifié son texte d” « aventure estivale, mais surtout amoureuse, d’Alexandra Boesmans ». Ouais, le Sanglier et ses obsessions estivales, c’est ce qui sans aucun doute finira par le perdre. Mais bon, en attendant, allons voir un peu à quoi peut ressembler un texte dont la Note qui le précède m’a poussé à rédiger déjà plusieurs paragraphes.
Saviez-vous, chers lecteurs, que j’ai passé un certain temps en Belgique ? On peut dire que j’ai appris à apprécier ce pays et que j’y retourne volontiers chaque fois que l’occasion se présente. Je vous le rappelle, parce que c’est cet épisode de ma biographie qui m’a aidé à apprécier quelques passages du texte de Marie Caron, des passages qui n’ont pas manqué de réveiller une certaine nostalgie. Je peux donc affirmer que la lecture du texte, contrairement à ce que les deux premiers paragraphes pourraient laisser croire, m’a laissé quelques bons souvenirs . C’est ainsi que j’ai aimé m’embarquer avec Alexandra quand elle est partie à la découverte de la région en compagnie de son prof, Ethan Savage (en même temps le voisin de la donzelle). Ou quand elle se promène au Sart Tilman, campus de l’Université de Liège sis sur les hauteurs qui embrassent cette ville au charme, revêche mais indiscutable. Pour revenir au Sieur Savage, c’est lui qui incite Alexandra, séduite sans aucun doute par un patronyme propre à l’arracher aux contraintes civilisationnelles, à céder à une pulsion primaire et à se laisser happer par des rêveries :
« Oh Ethan, mon bel Apollon, emmène-moi dans le crépuscule et fais de moi ta chose ! Oh oui, gare ta bécane sur mon parking très privé… »
Avez-vous remarqué l’astuce de l’auteure qui a réussi à glisser une allusion tout ce qu’il y a de plus discrète ? Mais si, relisez-la : cré-pus-cule. Pas mal, non ?! Mais ne nous égarons pas, il faut suivre les traces de notre belle.
Résumons un peu : Alexandra et sa meilleure copine, Gabrielle, font des études de psychologie à l’Université de Liège. Alexandra en pince pour son prof, c’est le début des vacances et comme la dernière année approche avec son cortège d’examens, Alexandra se propose de bosser. C’est faire le compte sans Michael, un copain d’Ethan fraîchement débarqué du Canada. Voici donc nos quatre jeunes gens lâchés en pleine nature et l’intrigue mise sur les rails. La question est évidemment de savoir qui finira entre les bras (à moins que ce soient les jambes) de qui, et ce ne sont pas les culs-de-sac sentimentaux qui manquent au rendez-vous. Et pour rendre l’affaire plus compliquée encore, Ethan est la victime d’une sombre histoire de chantage sexuel de la part d’une méchante cougar, sorte de prédatrice sexuelle qui est en même temps la doyenne de la fac et par là même dans une position de force par rapport aux autres acteurs. Tout les éléments sont donc réunis pour en tirer une affaire bien juteuse où les sentiments s’embrouillent tandis que les sexes s’imbriquent et se frottent, le seul problème étant que les amateurs d’érotisme, auxquels on avait quand même promis une « histoire croustillante », en sont pour leurs frais. Il y a de temps en temps une bite qui se lève et des chattes qui mouillent, mais les choses tardent à se préciser, le contact des corps se résumant à une chute malencontreuse, à quelques échappées nocturnes et à des parties de jambes en l’air tout ce qu’il y a de plus conventionnelles.
Mais stop là ! Je sens que je m’égare et que je suis en train de descendre un texte qui, par endroits, n’est pas sans charme. Il y a par exemple une scène masturbatoire qui démontre avec une certaine verve que Marie Caron sait tremper sa plume dans des liquides autrement plus prometteurs que de l’encre. Lexie, mise en chaleur par tous ces beaux mecs qu’elle voit évoluer autour d’elle, frustrée par une vie sexuelle pratiquement inexistante, se rappelle l’existence de son « partenaire doux et multi-vitesse » et décide de se laisser aller à ses fantasmes impliquant un beau Canadien qu’elle aimerait se taper. Le seul problème, c’est que cela est bien trop court et laisse le lecteur sur sa faim, un peu comme les protagonistes de ce petit roman qui ne sont pas vraiment gâtés par leur auteure. Un exemple ? Alexandra et Ethan, après avoir rôdé autour du pot pendant des siècles, s’apprêtent enfin à faire la bête à deux dos, quand Alexandra, près pourtant de succomber à ses désirs, décide de trouver le temps de se libérer de l’étreinte de son étalon (ah non, désolé, Apollon) pour allumer des bougies et créer une ambiance qui lui rappelle « un de ces soirs de Noël au pied de la cheminée ». Une maîtrise de soi exemplaire, si seulement elle n’était pas censée être la protagoniste d’un texte érotique. Mais bon, passons.
Je ne vais pas vous dévoiler le dénouement, encore que ce n’est pas très difficile à deviner. Il y a sans aucun doute, quelque part dans le paysage, des amateurs et des amatrices de ce genre de textes qui demandent peut-être rien de mieux que de se laisser distraire en rêvassant un peu au monde tel qu’il pourrait être. Et c’est là effectivement tout ce qu’on peut demander à cet Été finalement très peu sauvage, le seul élément justifiant un tel épithète étant le patronyme du bel Ethan. À tous ceux et à toutes celles qui demandent à un texte d’être renversés, de voir leurs convictions ébranlées, de se faire éclater le crâne par des sentiments chauffés à blanc, je leur recommande d’aller voir ailleurs. Hint : il y a plein de liens dans cet article qui pourraient vous guider vers des auteurs qui sauront satisfaire vos besoins …
Un été sauvage
Auto-édition
ISBN : 979−10−93210−02−5