En-tête de la Bauge littéraire

Sélène Alys, Rus­tic Fatales

Il y a quelques semaines, j’ai reçu Rus­tic Fatales, le pre­mier roman de Sélène Alys, une jeune auteure qui a choi­si pour s’illus­trer le domaine assez dif­fi­cile du fan­tas­tique. C’est un genre que je lis assez peu sou­vent, parce que la « Fan­ta­sy », pour moi, c’est sur­tout l’ombre immense et pesante de l’in­com­pa­rable J.R.R. Tol­kien qui, autour de sa Saga aux allures d’é­po­pée cos­mo­go­nique, a lais­sé un tel nombre de détails dans des écrits tel­le­ment volu­mi­neux que son fils a pas­sé une vie entière rien qu’à les com­pi­ler en de nou­veaux livres, des décen­nies après la mort du géant sud-afri­cain. Mais une telle com­pa­rai­son n’est pas seule­ment injuste dans la mesure où on com­pa­re­rait l’œuvre de toute une vie consa­crée à la recherche au pre­mier roman d’une jeune écri­vaine, mais aus­si parce qu’elle nous ferait pas­ser à côté des petites beau­tés qu’on peut ren­con­trer en regar­dant à gauche et à droite de la route.

Le lec­teur qui consent, mal­gré la cou­ver­ture quelque peu inquié­tante, à se lais­ser empor­ter par la main que l’au­teure lui tend découvre un monde qui res­semble étran­ge­ment au nôtre – jus­qu’aux abri­bus qui, soit dit en pas­sant, jouent un cer­tain rôle dans cette intrigue, rôle sans doute peu com­pa­tible avec les clauses des trans­ports publics. Un monde donc comme le nôtre sauf qu’on peut y croi­ser des Naes, des êtres qui eux aus­si res­semblent au com­mun des mor­tels mais ont reçu, par-des­sus le mar­ché, des « dons » sur­na­tu­rels. Leur socié­té a de forts relents de féo­da­li­té, et au sein de la famille régnante, d’âpres conflits san­gui­naires opposent les membres de la pro­gé­ni­ture royale. L’is­sue de tels conflits est pra­ti­que­ment tou­jours fatale, parce qu’il n’y a qu’un seul héri­tier qui puisse mon­ter sur le trône.

À lire :
Anne Bert, L'emprise des femmes. Un écheveau vocal

Une fois embar­qué par l’i­ma­gi­na­tion débor­dante de Sélène Alys, on arrive au bon milieu du conflit san­glant qui oppose Sté­phane à Vanes­sa. Tan­dis que celle-ci aime­rait, fidèle à la tra­di­tion, se débar­ras­ser défi­ni­ti­ve­ment de son frère, lui a pré­fé­ré quit­ter le ter­ri­toire nae en s’exi­lant dans la ville des humains où il peut goû­ter à une vie « nor­male ». Mais le pas­sé, évi­dem­ment, l’y rejoint très rapi­de­ment, et il devra pas­ser à tra­vers maintes épreuves avant le dénoue­ment qui, ne nous en éton­nons pas, lais­se­ra entra­per­ce­voir de futures esca­pades dans le royaume de Rus­tic Fatales.

Voi­ci donc un livre dont l’é­cri­ture alerte et la construc­tion réus­sie arrivent à nous dépay­ser, l’es­pace de quelques heures, vers un monde ima­gi­naire où on aime se bala­der en com­pa­gnie des habi­tants de ces contrées à mi-che­min entre enchan­te­ment et quotidien.

La seule remarque que j’ai­me­rais adres­ser à l’au­teure, c’est de repen­ser le choix de sa nomen­cla­ture qui semble par­fois quelque peu – sur­pre­nante. Mais cela ne gâche aucu­ne­ment le plai­sir que pro­cure ce livre agréable qui se ter­mine en pro­met­tant des heures sup­plé­men­taires d’une lec­ture légère et pétillante. Chapeau !

Sélène Alys
Rus­tic Fatales
Édi­tions Kiro­gra­phaires
ISBN : 978−2−8225−0114−9

2 réponses à “Sélène Alys, Rus­tic Fatales”

  1. rooh, j’ai­me­rai bien qu’il voyage celui là (à moins que ce ne soit déjà fait, alors, je l’at­tends de pied ferme) chouette chronique :)

    1. Je l’ai envoyé, fin sep­tembre, à Jeff Jou­bert. Je viens de regar­der dans le forum des Kirau­teurs, mais il n’y a pas de nou­velle. Je sup­pose donc qu’il séjourne tou­jours en Bretagne :-)