Certains d’entre vous sont sans doute déjà tombés sur un texte qui a fait partie des Lectures Estivales de cette saison 2024, à savoir Quatre paires de seins sur la plage, une petite merveille d’érotisme décomplexé signée Ero Tismo. Une recherche rapide sur la page Kindle de l’autrice en question révèle que celle-ci publie aussi sous le nom de Pénélope Lassalle, nom qu’affiche au moins un des titres rassemblés sur cette page, celui-même dont je m’apprête à vous parler, Souillée. Je ne sais pourquoi l’autrice a choisi de publier sous plusieurs noms (de plume), mais comme l’identité des auteurs de textes érotico-pornographiques fait toujours débat et qu’on ne peut jamais exclure d’avoir affaire à un pseudonyme – surtout quand il s’agit de (prétendues) femmes – je ne vais pas pousser plus loin ici les interrogations et clore la petite parenthèse introduite dans le seul but d’éclairer mes lectrices et mes lecteurs sur le fait qu’il y a derrière les deux noms une seule et même autrice.
Souillée, donc. Un titre qui me laisse quelque peu perplexe, parce que les niveaux d’interprétation se chevauchent ici, et si une partie de jambes en l’air peut évidemment laisser des traces bien visibles – il suffit de penser à l’état des draps après une nuit consacrée aux galipettes, sans même devoir appeler à la barre les adeptes de la sodomie -, il peut aussi y avoir des traces moins clairement perceptibles, preuves d’une blessure psychique voire d’une atteinte à la qualité morale d’une personne qui aurait perdu de sa valeur – de sa pureté – par le seul fait d’avoir consenti à participer à certains actes. Je me contente pour l’heure de soumettre ces considérations à mon public, sous réserve d’y revenir plus tard. Pour l’instant, il est temps de passer à l’acte et de parler de l’intrique du petit roman qui, je vous le dévoile en guise de préliminaires, contient des détails tellement lubriques que notre chère Pénélope peut être assurée d’une place de choix dans la Bauge rien que pour cela.
Les prémices de l’intrique n’ont pourtant rien de très originales. La protagoniste – Joséphine de son petit nom, une jeune trentenaire assez appétissante aux seins « d’une adolescente« 1 et « aux yeux bleu tirant vers le vert, jolie brune aux cheveux tombant sur les épaules« 2 – se retrouve dans une relation qui, au bout de cinq ans, bat sérieusement de l’aile. Entre les draps du lit commun, cela se traduit par des rapports sommaires et peu inspirés qui se terminent par l’épandage de quelques pauvres jets de sperme sans force ni élégance et d’où la moindre volonté de conquête ou de joie partagée est absente depuis longtemps. La narratrice a trouvé des mots inspirés pour traduire en paroles un tel acte de négligence sexuelle :
Une semence routinière, paresseuse, bouffée par le poids de cinq années à troncher toujours le même vagin…3
Vous aurez sans doute compris, par la force de ce petit extrait, que je suis aussitôt tombé sous le charme de cette autrice sachant mettre d’aussi belles paroles dans la bouche de sa protagoniste. Une protagoniste qui d’emblée occupe toute la place qui lui revient de droit en tant que narratrice à la première personne, celle qui assume le pouvoir de diriger les regards et les opinions des lecteurs et d’étaler sous les yeux de ceux-ci sa façon de voir le monde et de qualifier les autres personnages pondus par l’autrice.
On se trouve donc – situation assez répandue dans les textes à vocation pornographique qui tiennent un tant soit peu à motiver toutes ces galipettes qu’ils ne tarderont pas à mettre en scène – en présence d’un couple qui souffre des maux partagés par tant d’hommes et de femmes rongés par l’habitude et le passage des années qui doucement et inexorablement vient à bout du plus grand appétit sexuel. Confrontée à cette situation – ou plutôt à la prise de conscience à propos de l’état des choses – Joséphine cherche à raviver la flamme. D’abord en s’occupant – comme une grande – elle-même de son plaisir, ensuite en cherchant à redonner de l’appétit à son homme. Un acte qui malheureusement ne porte pas de fruits. Ensuite, elle se lance dans le visionnage de pornos – on ne sait pas trop si c’est dans l’espoir d’éteindre ou d’attiser la flamme de ses désirs… Dans le cas de Joséphine, c’est de toute façon ce dernier cas qui se produit, et elle voit ses désirs prendre des formes (et des forces) qu’elle n’arrive plus à contrôler. La virtualité des pornos ne tarde pas à faire naître une soif brûlante de rencontres afin de vivre pour de vrai ce qu’elle a pu ressentir de seconde main dans les clips glanés sur YouPorn, XVidéos et ailleurs dans les coins mal famés de la Toile. Une envie de peaux à caresser, de bites à sucer, de chattes prêtes à s’ouvrir devant les assauts des mâles et de leurs bites bien dures.
Comme souvent dans les récits de ce genre, c’est d’abord un collègue (cela aurait tout aussi bien être un plombier ou un voisin, peu importe) qui vient à point nommé pour assouvir le désir chauffé à blanc. Ensuite, comme la faim vient en mangeant, c’est la consommation à outrance de pornos toujours plus hardcore avec leur interminable défilé
d’anus dilatés et défoncés par de larges bites, [de] femmes fontaines qui giclaient de tout leur vagin en de longs geysers translucides, [de] salopes prises dans tous les sens […], des éjaculations faciales […], des jutages au fond de la gorge d’une pauvre blondinette en pleurs…4
Une expédition au bout des fantasmes qui, au lieu de l’apaiser, conduit notre héroïne à la résolution de pousser toujours plus loin dans l’exploration du vice :
je me jurai qu’il fallait que j’essaye absolument toutes les formes de baise possible, et je voulais qu’on me prenne dans tous les sens…5
On ne s’étonne donc pas de voir la belle (et « bonne », ne l’oublions pas !) Joséphine revenir vers son collègue qui lui a offert le premier fruit défendu en lui donnant l’occasion de tromper son mec. Mais cette fois-ci, parce qu’il faut varier les choses, le collègue en question n’est pas seul, et notre Jo, une fois introduite dans l’appartement, tombe nez à nez avec le dénommé Rami, « un pote« 6. Si le triolisme fait bien évidemment partie de tout bon scénario de porno qui se respecte, les choses vont évoluer dans un autre sens que ce que l’on a l’habitude de voir, Joséphine ayant la surprise de voir le bien-membré Rami glisser sa bite dans le cul avide d’Adrien :
je me trouvai bientôt spectatrice d’un spectacle que même les plus violents films que j’avais découvert cette semaine n’avaient pas réussi à m’offrir7
Si une telle scène est effectivement assez insolite dans le monde du porno, Pénélope réussit à la rendre encore plus épicée en utilisant un langage particulièrement indécent pour décrire les détails. Un échantillon ?
[Adrien] se retira, et ma vulve cracha un épais manteau blanc visqueux qui vint s’épandre sur ses testicules…8
Ce n’est pas seulement insolite et tout ce qu’il y a de plus indécent, c’est tout simplement beau, par la franchise du regard traduite en paroles.
Il ne faut pas être médium pour savoir que la belle Jo n’entend pas en rester là et que son cul, resté vierge pour l’instant, aura vite fait de recevoir sa part des festivités. Rien de plus normal de concéder sa dose de « sodo » à une héroïne de porno du XXIème siècle. Le détail qui rend la scène tellement savoureuse, c’est encore une fois l’indécence que l’autrice met dans les paroles et les actes de sa créature. Entendez un peu la belle Jo qui exprime – de façon tellement ingénue que le rouge doit lui en monter aux joues – sa déception d’avoir été délaissée :
Mais j’ai été si surprise quand Rami t’a enculé. Je pensais prendre une double péné, et en fait…
C’est tout simplement savoureux, l’art de l’indécence poussé à un degré qui fait sortir cette autrice des rangs. Et vous savez que j’en ai vu défiler, des autrices et des auteurs érotiques… Mais bon, je ne vais quand même pas vous faire un compte-rendu de tous les exploits de la belle Joséphine. Et rassurez-vous, il en reste assez pour satisfaire vos envies, bande de voyous ! Mais le moment est venu de revenir en arrière, vers mes considérations en début d’article déclenchées par le titre et ses multiples significations pas si innocentes que cela : Souillée.
On comprend que Joséphine, ayant réalisé que la vie sexuelle de son couple était arrivée en fin de parcours, puisse chercher des plaisirs toujours plus pimentés – pour éviter de les étiqueter de « pervers ». On connaît toutes et tous l’attraction fatale du fruit défendu. Qui n’a rien perdu de sa magie depuis l’époque de notre Mère commune. Et ce n’est pas par hasard que je mets ici une image tirée de la Bible pour mieux illustrer mes paroles. Tout au long du texte, on voit surgir des drôles de paroles dont on peut se demander quelle est leur place dans un texte érotique : un « plaisir brûlant et interdit », une « bite interdite », des « fantasmes déviants », le « lit de tous les péchés ». Ou, mieux encore, le concentré de toutes ces idées :
« Je me lavais de mes péchés, je faisais rentrer de l’eau dans ma chatte écartée pour l’épurer de la présence récente d’une bite interdite.« 9
Rien de plus banal que le fait de se laver la chatte après une relation, mais le tout lesté de considérations pseudo-religieuses ? L’usage de tels termes n’a évidemment rien de si extraordinaire dans un texte érotique, pouvant servir à pimenter la situation (pensez au fruit défendu, hein ?), mais avec une telle fréquence ? Et tout se corse quand on considère la fin. Je n’ai pas l’habitude de mettre des spoilers dans mes articles, mais cette fois-ci, je vais quand même faire une exception. Après tout, il s’agit d’un texte porno et pas d’un policier ou d’un whodunnit. Encore que la fin peut surprendre. Le texte a été placé par l’autrice sous le signe de l’extrême, la recherche de la protagoniste de pratiques toujours plus déviantes. Une question comme celle de Lucas (et oui, le petit ami qui aura retrouvé ses forces défaillantes) peut donc paraître tout à fait légitime : « Quand on aura tout fait, sexuellement, ce sera quoi le truc le plus extrême qui t’excitera le plus au lit ? » Et je parie que vous êtes loin de deviner la réponse de l’intéressée : « Me faire un bébé. Faire l’amour pour donner la vie. »
Et voici que le texte se termine dans une ambiance que je n’aurais jamais imaginée. On se croirait presque aux marges de la Manif pour tous. Je me demande si le texte n’en devient que plus extrême, plus déviant, ou si au contraire il se conclut par sa propre négation, par un anéantissement de tout ce qu’on a vu passer, comme si toutes ces délicieuses images devaient se dissoudre. Ou mieux – brûler au pilori… J’ai très rarement lu un texte aussi ambivalent, un texte où la force des scènes imaginées et traduites en image va de pair avec le bouleversement des prémices mêmes qui l’auront rendu possible. Un texte dont le dénouement me laisse, malgré les flots de paroles que vous venez de lire, sans voix… Mais est-ce que je peux quand même le recommander ? OUI ! Foncez, lisez, laissez vous aspirer par les abîmes d’indécence d’une protagoniste comme il n’en existe pas d’autres.
Avant de terminer, un mot à propos de la couverture. On le sait, celles des auteurs auto-édités ne jouissent pas toujours d’une qualité à toute épreuve. Ce qui est assez normal vu que les auteurs eux-mêmes n’allient que peu souvent des qualités de graphiste à celles d’écrivain. Et que les services d’un professionnel, il faut pouvoir se les permettre. Je ne sais pas quelle approche Pénéĺope Lassalle a pu choisir, toujours est-il que la couverture de Souillée est assez remarquable. Tout d’abord, en offrant aux regards une femme en proie aux désirs, une femme qu’on imagine en train de jouir d’une bonne bite qui lui laboure sa chatte ou ses fondements. Et ensuite par la beauté de la poitrine reposant sur une fourrure blanche qui sert de toile de fond à ce sein au galbe tout simplement parfait. Un sein qui donne envie de s’en occuper avec l’intensité d’un Adrien ou d’un Rami qui ont tous les deux passés de longues minutes à le téter. J’avoue que j’ai dû penser aux effets qu’un tel bout de chair aurait sur ma Véronique, la dominatrice sadique de La fiancée de la douleur et quelles envies sa fragilité ferait naître… Quoi qu’il en soit, je ne peux que féliciter l’autrice pour le choix / la composition d’une couverture aussi réussie et aussi bien adaptée au sujet !
Pénélope Lassalle
Souillée
Auto-édition Kindle Unlimited
ASIN : B0CW1F1PFV