Et voici un texte qui vient de faire une entrée fracassante dans l’édition 2024 des Lectures estivales. Et je vous explique un peu comment cela s’est passé avant de l’aborder. Contrairement à mainte année précédente, cette fois-ci, le choix de textes érotiques mettant en scène l’été, la plage et les plaisirs sensuels exacerbés par la chaleur a été d’une énorme richesse, au-delà de ce que j’ai pu imaginer du haut de mes expériences, riches de douze années de lectures estivales pourtant. C’est sans doute pour cela – la qualité des textes, la teneur en mouille bouillonnante, la joie qui sourd des vagins et des culs embrochés, tout ça, tout ça – que j’ai (bien trop) vite atteint le bout de ma liste dans une sorte d’ejaculatio praecox littéraire, les textes dévorés ayant, en plus, tous été à la hauteur de mes attentes. Et, franchement, j’irais aussi loin que de dire que le millésime 2024 s’est révélé le meilleur de la série entière jusqu’ici. Et je suis très conscient de la valeur d’une telle affirmation, vu le nombre de titres déjà passés par le repaire de votre serviteur, des titres parmi lesquels il faut compter des trésors comme les BDs d’un Jim, d’un Ardem ou encore d’un Axel, les coquines de Thalia Devreaux, l’érotisme charmant d’un Ji Bocis ou encore les nouvelles de Reine Bale concoctées exprès par cette remarquable autrice pour les Lectures estivales. Et je vous assure que – faute à ma fainéantise aiguë – il en manque un tas de titres à l’appel, des titres que je vous invite à venir dégoter au fond des pages qui leur sont consacrées.
Quoi qu’il en soit, je me suis trouvé à court de textes à me mettre sous la dent. Et ce deux semaines avant mon départ programmé pour la mythique ville de Sète, haut-lieu de la villégiature méditerranéenne. Pas possible, je me suis dit. Cap alors sur Amazon pour une recherche rapide dans la Bibliothèque Kindle avec des mots-clés qui font preuve d’une certaine paresse plutôt que d’un raffinement littéraire à toute épreuve : « sexe » et « plage ». Et comment vous dire ? J’ai été inondé par des pages entières de résultats, une très grande partie de ces résultats étant pertinente. Ce qui, quand on connaît les aléas de celui qui cherche des titres sur Amazon, est franchement extraordinaire. Pour être bref : J’ai dégoté un tas de titre que j’ai aussitôt résolu de faire entrer dans les Lectures estivales – mais pas nécessairement dans la saison 2024. En fait, tomber sur Quatre paires de seins sur la plage, entamer la lecture et tomber sous le charme d’un narrateur aussi effronté que perdu et cynique et amorcer la rédaction d’un article ne furent qu’un.
Mais plutôt que d’embêter mes lectrices et lecteurs en leur expliquant dans le détail ma façon de bosser, parlons de ces quatre paires de seins qui – et je vous vois venir, sacrés coquins que vous êtes – vous narguent du bout de leurs tétons dressés. Comme je viens de le dire, je viens de tomber aujourd’hui même sur le texte dont elles sont les héroïnes dans la profondeur des caves virtuelles du géant de Seattle où il attendait le moment de nourrir les fantasmes à travers la chaleur et l’indécence contenues dans ses pages. Des pages capables de bâtir sous vos yeux un univers assez particulier qui, je vous le promets, ne vous lâchera pas de si tôt une fois arrivés au bout de vos peines ;-)
L’intrigue n’a rien de bien spectaculaire : une bande de jeunes ayant décidé de passer quelques jours sous le soleil dans les clubs et sur les plages de la capitale catalane. Une destination qu’ils partagent avec des millions de jeunes venus de tous les coins du monde pour faire la fête dans les ramblas et leurs bars à tapas où on se rince les gosiers avec des hectolitres de cerveza. Et où les couples se font et se défont, préparant des nuits torrides à la hauteur des températures d’un mois d’août ensoleillé.
Le protagoniste-narrateur est un dénommé Alex, étudiant « en troisième année de fac de Sciences politique [sic]« 1 et nous le croisons dès le premier chapitre dans lequel il s’étend de long en large à propos des « petites mamelles » de sa copine Laura qu’il vient de besogner avant de lui juter dessus « de son pubis bien rasé à blanc jusque dans son nombril », n’omettant pas de préciser qu’elle était « plate comme une planche à repasser ». Ce qui ne l’empêche toutefois pas d’être « bonne« 2. Sympa, dites-vous ? Et bien, Alex ne tardera pas à vous faire voir de toutes les couleurs et vous n’aurez pas fini de le voir étaler des plaisanteries du meilleur goût à propos de ses copines et de leurs aventures. Des aventures qui vous feront regretter le temps de vos vingt printemps, les nuits blanches à la plage et les heures passées à baiser, peu soucieux des matins qui, malgré la saison, tardaient étrangement à pointer.
Alex et Laura, après avoir terminé leur partie de jambes en l’air, font leurs valises pour rejoindre leurs copines (+ un dénommé Thibault, petit ami de Nina) à l’aéroport pour s’embarquer pour Barcelone. Alex profitera de l’occasion pour présenter les copines en question et je vous laisse le plaisir de retrouver dans le texte les mots qu’il croit bon d’utiliser pour cette présentation. Qui aura l’avantage d’être précise et de ne laisser que très peu de détails à l’imagination. Juste un petit passage en revue pour éviter qu’on ne se perde entre toutes les paires de seins réunies dans ces pages : Il y a donc la Laura qu’on a déjà croisée, les cuisses à peine fermées après le passage de la bite d’Alex. Ensuite, il y a Camille, jeune femme « d’un naturel très séduisante [sic] » qui arbore des seins comme « de jolies petites poires ». Troisième de la bande, il y a Nina la sportive avec son « bon petit cul bombé » (dont les seins vous réservent une surprise), rejointe par la « rondouillette » Anne-Claire aux « gros seins ronds« 3. Tout ce joli monde va donc envahir les rues et surtout les plages de Barcelone où ils s’engagent dans un chassé-croisé estival qui fera couler des litres – c’est au moins l’impression qu’on peut avoir en suivant le rythme effréné des galipette et des séances masturbatoires – de sperme et de mouille. Et qui va réveiller les côtés obscurs des personnages, ceux surtout d’Alex qui, profitant de son rôle de narrateur, ne nous cachera rien de ses pulsions plus ou moins avouables, servies avec un cynisme qui n’a d’égal que l’envie de baiser d’un jeune homme dans la fleur de l’âge et « chaud de la bite« 4.
Je n’ai pas l’intention de vous décrire ici dans les moindres détails les circonvolutions sensuelles et amoureuses de la bande de jeunes lâchée dans les clubs et les bars de Barcelone, cap sur un but indéterminé et jamais exprimé, recherche inconsciente s’il en est et qui mènera on ne sait où sans avoir la moindre idée à propos du prix à payer. Je laisse à mes lectrices et à mes lecteurs le plaisir de découvrir par eux-mêmes ces épisodes rocambolesques afin de leur permettre de profiter des inventions de l’autrice et des coups tordus du narrateur. Je vous promets que cela en vaut la peine, Alex ayant une de ces façons de mettre en dérision tout ce qu’il touche de près ou de loin que vous en aurez assez souvent un petit sourire peint sur la gueule. Parfois en coin sans doute, mais sourire quand même…
Il y a un détail pourtant à propos du style de la narration qui me semble assez remarquable et que je voudrais vous présenter ici. On connaît toutes et tous la manie des autrices et auteurs érotiques de présenter leurs héroïnes – et leurs héros aussi, mais dans une moindre mesure – comme les femmes les plus désirables qu’on puisse imaginer, aux formes parfaites, la poitrine opulente, les hanches larges et accueillantes, aux chaires fermes et à la peau soyeuse, peu importe qu’elles soient nymphe, femme dans la force de l’âge, MILF ou encore cougar. Pour ne citer ici et de façon sommaire que quelques-uns des éponymes qu’on trouvera de façon récurrente sous la plume des auteurs. Alex, par contre, a une drôle de façon de parler de ses partenaires, à commencer par Laura. Voici ce qu’on trouve à propos d’elle sur les premières pages :
Oui, ma Laura était une parfaite, jolie et docile petite chienne, idéale pour me vider les couilles à intervalles réguliers, et outre nos ébats purement physiques nous avions commencé à développer l’un pour l’autre des sentiments d’affection forts proches de l’amour.5
Parler d’une « chienne » et d’une vide-couille dans une phrase qui se termine par le terme « amour », c’est assez remarquable et plutôt fort de café, dans la bouche d’un petit jeune en début de parcours en ce qui concerne les choses de l’amour – ainsi que toutes les autres. Mais changeons de décor pour suivre nos petits jeunes à la plage. Que dire du choix de mots utilisés pour décrire les seins d’une trentenaire avachie sur sa serviette « ses gros nibards […] dégoulinant flasques sur son buste« 6. Recherche d’originalité ? Tentative, de la part du narrateur, de prendre ses distances face à la possibilité d’une sexualité ouverte et potentiellement – débordante ?
Les choses – au moins dans le champ lexical – commencent à se corser quelques chapitres plus loin, pendant la première session de topless à la plage. Voici les mots utilisés par le narrateur pour décrire la poitrine d’Anne-Claire :
une paire de nichons lourds, crémeux, tombants, flasques et coiffés d’un mamelon large […] [une] paire de mamelles dignes d’une vache laitière.7
Le tout juste avant de découvrir les « seins hideux » de Nina, des seins arborant « une aréole blanchâtre, presque verdâtre en son cœur, et aux reliefs beaucoup trop disharmonieux ».8
Et ben. C’est sans aucun doute la plus remarquable – à moins d’être la pire – description d’un physique mammaire sur lequel je sois tombé pendant mes lectures pourtant assez étendues. De quoi vous faire passer l’appétit. Qui, pourtant, revient assez tôt quand on se souvient du festival sonore offert par la Nina en question pendant sa séance de jambes en l’air avec Thibault de la nuit passée ou quand on contemple son cul :
ces mamelles étaient un surprenant tableau de Picasso, mais cela m’excita quand même puisque les vilains seins de la bandante Nina ne m’étaient plus interdits, et celle-ci compensait amplement cette laideur mammaire difforme, par le galbe de son incroyable cul pénétré d’une ficelle de string…9
Le choix des paroles de la part du narrateur continue à étonner. Est-ce qu’on se rappelle la planche à repasser du premier chapitre ? Voici que le terme revient quand le narrateur contemple sa copine Laura, allongée et « plus lisse qu’une planche à repasser ». Une nuance qui peut étonner. Comme quoi un terme, déjà plutôt désagréable que purement descriptif, peut être enfoncé encore plus loin. Appliqué, souvenons-nous, à la femme aimée. Ou presque. Et voici que, une phrase plus loin, le narrateur parle du « poitrail« 10 de sa dulcinée, terme utilisé à l’origine pour les chevaux et autres animaux domestiques. Cette façon de comparer ses partenaires à des animaux revient quelques pages plus loin, pendant la pipe qu’une autre de la bande – Anne-Claire, en l’occurrence – est en train de lui tailler. Comme Alex a déjà évoqué ses seins crémeux11, on ne s’étonne pas de le voir parler de ses « gros pis« 12, renforçant l’imagerie bovine. Des images, avouons-le, pas tout à fait inhabituelles dans les romans porno, le champ lexical s’imposant avec assez de facilité13. Une autre image, utilisée dans la même scène, peu avant, est déjà plus inhabituelle, les seins d’Anne-Claire ressemblant à « deux sacs lestés« 14. Que faire de cela ? Est-ce juste un effort pour trouver des termes originaux pour décrire une forte poitrine ? Ou est-ce qu’il s’agit d’une méthode révélée par une comparaison plutôt désagréable pour la jeune femme ? Après tout, des seins comme des « sacs lestés » ? Ce n’est pas comme si cela faisait venir l’eau à la bouche. À moins que c’est justement la crudité franchement assumée d’une telle imagerie qui fasse mieux bander le protagoniste qui, ne l’oublions pas, se retrouve avec la bite entre les mâchoires d’Anne-Claire.
Je vous invite, afin d’explorer une telle approche avec plus de détails et dans une scène bien plus crue, de consacrer la plus grande attention au chapitre 11 : insolation15, où Anne-Claire impose à notre héros un cuni qui n’est pas sans ressembler à un viol. Et qui évoque des sentiments assez ambigus. Je ne vais pas vous priver du plaisir de découvrir par vous-mêmes cette scène rocambolesque, où l’hilarité se mêle à un certain malaise, exprimé par des paroles issues du plaisir sexuel aussi bien que d’une révulsion certaine. À vous de découvrir tout ça, qu’il me suffise d’évoquer ici l’image sur laquelle la scène se conclut :
« Voilà, maintenant on est quittes », conclut-elle en renfilant sa culotte et son short, me laissant voir son gros cul gras et plein de cellulite.16
À vous de juger des effets d’une telle image. Quant à moi, la volonté évidente de juxtaposer des images d’une spectaculaire laideur et celles relevant d’une approche plus conventionnelle de la beauté sont un des signes d’une sexualité troublée qui permettent en même temps de créer une sorte de profonde et irrésistible attraction aussi sensuelle que sexuelle.
Celle du narrateur est une sexualité qui se cherche. D’autres indices sont les pulsions homosexuelles menant le narrateur jusqu’à affirmer, après avoir assisté à la « levrette infidèle » de Camille et de Thibault (on se souvient, le copain de Nina), son admiration pour le physique de ce dernier :
J’étais même excité par la vue du gros chibre de Thibault, et même si j’étais le plus hétéro des hommes, je trouvais cela bandant de voir une si belle queue et une si grosse paire de couilles honorer le trou de la si jolie Camille. Non, je n’étais pas gay mais j’aurais pu sucer cette bite…17
Dites bonjour à l’homosexualité refoulée ! Se rajoutent à cela les instants où le narrateur se découvre un penchant pour le fétichisme, nuance supplémentaire qui indique la sexualité troublée du petit jeune qui se cherche. Passant en revue toutes ces observations, je me dis que ces petits textes à l’apparence si légers et inconséquents recèlent parfois bien des trésors inattendus et des profondeurs aussi insoupçonnées qu’inquiétantes.
Avant de vous quitter, une dernière découverte assez étonnante dans ce texte. Alex, pendant ses déambulations dans l’appartement nocturne18, entre dans la chambre de Nina où il tombe sur « un spectacle bucolique et bandant », à savoir celui de la belle et en même temps hideuse Nina « couchée sur le dos et les bras en croix, le torse nu, sa poitrine plate dressée ». Et que dire quand, ensuite, Alex affirme que « la rouquine était une magnifique endormie [et qu’il] la contemplai[t] comme un pervers dans les films… ».19 Ou plutôt dans les toiles vieilles de quatre siècles… N’est-ce pas comme si la vision de Jupiter penché sur Antiope endormie aurait inspiré la scène, comme si cet instant puisé à la mythologie avait trouvé une vie nouvelle sous la plume d’Ero Tismo ? Quand je vous disais que ce texte cachait des trésors insoupçonnés…

Ero Tismo
Quatre paires de seins sur la plage
Auto-Édition
ASIN : B0D15FPRYW
- Ero Tismo, Quatre paires de seins sur la plage, p. 3 ↩︎
- Cf. les premières phrases du Chapitre 1 : Les petites mamelles de Laura, à partir de la page 2. ↩︎
- Toutes les citations se trouvent sur la page 7 de Quatre paires de sein sur la plage ↩︎
- Ero Tismo, Quatre paires de seins sur la plage, p. 6 ↩︎
- l.c., p. 3 ↩︎
- l.c. p. 13 ↩︎
- l.c., p. 22 ↩︎
- l.c., p. 23 ↩︎
- l.c., p. 24 ↩︎
- l.c., p. 27 ↩︎
- Cf. le chapitre 7 : topless ↩︎
- l.c., p. 33 ↩︎
- Et ayant inspiré le sous-genre des Hu-Cows, des vaches humaines. ↩︎
- l.c., p. 33 ↩︎
- l.c., pp. 38 ↩︎
- l.c., pp. 39 ↩︎
- l.c., p. 47 ↩︎
- Arrivé près de Camille endormie sur son canapé, Alex la compare d’ailleurs à une « carcasse endormie » – soupir… (p. 50) ↩︎
- Toutes les citations du paragraphe l.c., p. 51 ↩︎