La tradition veut qu’il y ait au moins une BD dans les Lectures estivales, un choix que la seule importance du genre peut justifier, mais qui devient encore plus pertinent quand on a l’habitude de parler érotisme, un domaine en grande partie occupé à susciter des images, par essence donc largement visuel. Et quel meilleur genre – loin des paroles qui bien souvent peinent à reconstituer l’essentiel – s’ils ne servent à le masquer ! – que la bande dessinée pour illustrer le sexe ? À moins qu’il ne faille passer ici au pluriel pour donner la bonne idée…
Quoi qu’il en soit, j’ai opté, pour la saison 2017 des Lectures estivales, pour un titre de Cornnell Clarke, le volume 2 de Peanut Butter, Le journal de Molly Frederickson, publié par Dynamite dans une version française. Cette série, je l’ai remarquée il y a un certain temps déjà, et je tourne autour depuis des mois sans pouvoir me décider à la faire entrer dans la Bauge, quelque peu découragé sans doute par le dessin sans pour autant pleinement réaliser ce qui me gênait. Mais j’ai finalement craqué quand j’ai lu que la protagoniste – une nymphe d’à peine 18 ans – était près de passer, selon la description qu’en donne l’éditeur, « deux longs mois de vacances », et qu’elle comptait passer ceux-ci en s’adonnant « à sa débauche préférée, le sexe »… Comment ne pas céder, je vous le demande, à une mise en bouche aussi appétissante ?

C’est donc grâce à la fine plume d’un collaborateur de chez Dynamite (Nicolas ?), lequel a su trouver les bons mots pour venir à bout de ma résistance, que le titre a finalement été accueilli dans la collection des textes destinés à rendre l’été plus chaud encore. Mais je dois vous avertir : Si la protagoniste jouit effectivement de deux mois de vacances, et que Molly ne rate pas une seule occasion pour en profiter pour s’envoyer en l’air, le décor n’est pas du tout celui qu’on imagine quand on évoque – au moins en terre de Sanglier – les vacances. Pas la moindre beach à l’horizon, et les chambres obscures où Molly traîne sa passion pour le sexe ne sont illuminées par aucun rayon de soleil. Et même un intitulé aussi prometteur que La croisière s’amuse se révèle trompeur, le chapitre contenant juste une bête traversée vers Staten Island – agrémentée quand même par des rencontres charnelles juteuses à souhait. Et n’oublions pas que le récit entier se passe à New York, loin des plages chaudes bouillantes des spring breaks, lieu de toutes les débauches !
Ceci étant dit, je peux vous assurer, chers lecteurs, que l’amateur de cul – et je ne parle pas ici de cul en général, mais de celui qui sent si bon le camembert – y trouvera son compte, les jeunes protagonistes n’aimant rien autant que se faire éclater le petit orifice par les engins surdimensionnés de leurs amants de passages. Plugs, godes doubles, bites, tout y passe, et on se demande un peu pourquoi l’auteur prive ses personnages – et ses lecteurs avec elles – des joies du fist. Mais ceci est peut-être réservé à un volume ultérieur.
Par contre, pour ce qui est de l’intrigue, c’est un peu là la grande absente… Des fêtes improvisées qui se terminent en débauche, une traversée en ferry boat qui se termine en débauche, un anniversaire qui se termine en – débauche. Tout est bon comme prétexte pourvu que les protagonistes finissent par y passer, ce qui est pratiquement inévitable, peu importe l’occasion. Certes, c’est du cul, et on pourrait prétendre que l’intrigue n’est sans doute pas le premier des soucis de celles et de ceux qui achètent une telle BD. Et pourtant, il suffit de relire Nagarya, par exemple, pour comprendre à quel point une intrigue – avec les multiples dimensions qu’un Riverstone a su y introduire sans pour autant occulter le fait que c’est principalement du porno – peut rendre les choses plus intéressantes, ne fût-ce que par la variété qui incite le lecteur à s’accrocher.
Un point que j’ai moins apprécié, mais c’est bien évidemment une question de goût, c’est le dessin. D’un côté, les personnages sont traités sans grande finesse artistique, au point qu’on pourrait les prendre pour des ébauches, et de l’autre, et c’est ce qui me dérange le plus, l’auteur se sert de façon un peu trop ostentatoire du schéma de l’enfant en dotant ses jeunes femmes de grandes têtes avec parfois d’énormes yeux de biche. Une infantilisation rendue d’autant plus efficace par la perspective dans laquelle elles sont placées par rapport aux mâles – ceux qui font partie du récit, prêts à enfiler des proies aussi alléchantes, aussi bien que ceux placés hors cadre, les lecteurs / spectateurs – changés en voyeurs pour l’occasion – qui contemplent ces créatures du haut de leur réalité. Présentée d’une telle façon, on hésite à accorder à Molly les dix-huit ans que l’auteur lui prête sans sourciller.

Peanut Butter, c’est du cru, l’auteur fait fi de toutes les réticences pourvu que la libido soit comblée, et on ne s’étonnera pas d’apprendre que la taille, finalement, ça compte, et pour beaucoup ! Les aventures de Molly et d’Erica trouveront sans aucun doute des amateurs, mais je dois avouer que je sors de la lecture avec dans les entrailles comme un certain vide que l’absence de soleil et de crème solaire ne peut expliquer. C’est comme si le service s’était arrêté après la mise en bouche évoquée en début d’article et que le journal de Molly m’avait finalement laissé sur ma faim.
Cornnell Clarke
Peanut Butter, vol. 2
Dynamite
ISBN : 978−2−362344−64−0