Voici donc venu le premier jour de l’été, et le Sanglier a décidé de fêter ça en inaugurant la série de ses Lectures estivales 2015. Et quoi de mieux pour ce faire que le petit volume que le facteur a apporté il y a tout juste quelques jours, Les contes roses, recueil d’une petite centaine de pages à mettre sur le compte des Artistes Fous Associés. On verra bien que la dénomination choisie ne relève en rien du hasard puisque, primo, l’inspiration de ces artistes ne semble pas connaître de limite quant aux réservoirs où elle puise ses intrigues, et, secundo, les artistes réunis sous cette dénomination constituent effectivement une véritable association selon la loi de 1901, association à laquelle tout le monde peut adhérer, et qui se propose de :
« favoriser, développer et promouvoir l’édition physique et/ou numérique de projets artistiques amateurs, principalement liés au Fantastique et à la Science-Fiction » [1]Extrait du Règlement intérieur de l’Association. .
Fantastique et Science-Fiction, dites-vous ? Effectivement, l’érotisme n’est mentionné nulle part dans ces statuts, mais bon, on sait, depuis Annie May et sa série magistrale de SF érotique Bio S.E. – Les Aspirantes, que ces genres-là ne peuvent que profiter d’une bonne grosse dose d’érotisme voire de pornographie pour aboutir à un mélange tout ce qu’il y a de plus détonnant. Je me suis donc joyeusement lancé dans l’aventure, accueilli par une couverture agrémentée d’une charmante demoiselle aux formes épanouies et à la chair pulpeuse, une attention de la part des Artistes fous qu’un lecteur aussi sensible aux charmes féminins que le Sanglier ne peut qu’apprécier. Apprécier à tel point, d’ailleurs, qu’on laisse passer sans commentaire la blague d’assez mauvais goût qui consiste à installer la belle rouquine sur une – banane (rose de surcroît) …
Après une telle mise en bouche, le premier texte, L’Origine de l’enfer de Julien Heylbroek, a l’effet, sur le lecteur échaudé, d’une bonne douche froide. On se retrouve à Londres, « un brumeux matin d’octobre 1883 [2]Les contes roses, p. 13, en pleine année donc du Ripper, à mille lieux d’un érotisme baigné de chaleur australe et en pleine freak-show. Autant d’éléments pour donner le frisson au lecteur le plus endurci, et l’attente langoureuse des plaisirs de la chair est aussitôt remplacée par une appréhension de ce qui peut bien pointer le bout de son nez. Un procédé qui n’est pas sans déplaire au Sanglier qui adore le courage de celui qui se propose de briser les attentes et de tromper la niaiserie de celles et de ceux qui se sont bêtement laissés embarquer comme du bétail. Le lecteur ne tarde pas à faire la connaissance d’Al, Boone et Francis, des triplés siamois disposant de trois têtes susceptibles de se lancer dans toutes sortes de scénarios excitants et d’une seule bite pour les réaliser. Cet être remarquable appartient au Freaks Loving Circus, sorte de bordel errant pour les membres de la haute société aux exigences hors du commun. Un de ces jours, se pointe une jeune Américaine qui leur fait entrevoir la perspective de l’évasion et de la fortune. Mais tout ne se passe pas comme prévu, et voici nos trois compères lancés dans une aventure peu commune. Une aventure qui, malheureusement, se termine après quelques pages, laissant le lecteur sur sa faim, en proie à une frustration qu’on ne peut comparer qu’à des préliminaires qui n’auraient pas de suites et te laisseraient avec une bite au garde à vous dont, privé de partenaire, on ne sait plus que faire… Si j’ai un conseil à donner au Sieur Julien, c’est de nous composer, et illico presto, un roman qui apporte aux lecteurs la suite des aventures de ces trois joyeux compagnons, et je suis fucking sérieux !
Ce premier texte donne le ton du recueil entier que, du coup, on hésite de qualifier d’érotique, même si ce ne sont pas les bites et les chattes qui manquent à l’appel. L’entrée en matière est fulgurante, mais on constate bien vite que le niveau des textes suivants est très inégal. Il y en a dont on aimerait savoir pourquoi ils ont été admis en premier lieu (Le rapport du veilleur qui ressemble à un assez plat exercice de style, CliXXX qui n’est rien qu’une suite de cris orgasmiques en lettres capitales et dont je ne vois pas du tout l’intérêt), tandis que d’autres explorent leurs sujets avec une finesse remarquable. Parmi ces derniers, il faut compter 839 dont l’auteur (Gallinacé Ardent) réussit le pari de mettre en scène le désarroi de l’homme qui a enfin, dans le cadre du « plus grand gang bang de l’histoire de l’humanité » [3]p. 39, l’occasion d’enfiler son actrice porno préférée et qui découvre le côté humain de celle qui pourtant ne ressemble plus qu’à un cadavre à la chair meurtrie ; Denis Noodle et le sexe, de Southeast Jones, texte au cynisme sans fond dont le protagoniste est tellement poussé par sa libido et tellement riche qu’il viole à tout va sans jamais être inquiété ; Le jardinier du Sultan, par Nelly Chadour, espèce de conte de fée oriental à la conclusion extrêmement touchante ; Vibrato, par Corvis, qui raconte la mésaventure de Suzie, femme incapable d’atteindre l’orgasme et qui, un jour, reçoit un cadeau des plus particuliers qui l’aidera à partir enfin pour le terrain inconnu, terrain dont elle apprendra, à ses dépens, qu’on peut non seulement s’y égarer, mais s’y perdre ; et, finalement, Soudain j’existe, par Maniak, texte qui se range dans la lignée d’êtres artificiels inaugurée par L’Ève future de Villiers de l’Isle-Adam et qui propose à la réflexion du lecteur des bribes de conscience d’un robot sexuel violé et – finalement – assassiné.
Ces Contes roses réunissent quelques beau textes dont certains, s’ils laissent le lecteur sur sa faim, sont pourtant l’occasion de découvrir de belles plumes très prometteuses dont on aimerait se mettre sous la dent des productions plus consistantes. Si l’inspiration du recueil n’est pas vraiment érotique, le déchaînement des artistes fous amène quelques instants forts et laisse, dans certains cas, des souvenirs troublants. Une expérience à refaire. Et si Julien et Nelly me lisent, grouillez-vous !
Collectif
Les contes roses
Les Artistes Fous Associés
ISBN : 978−2−36826−010−4
Références
↑1 | Extrait du Règlement intérieur de l’Association. |
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↑2 | Les contes roses, p. 13 |
↑3 | p. 39 |
Commentaires
3 réponses à “Collectif, Les contes roses”
Hello !
Merci pour cette belle critique !
Effectivement on a plus voulu parler des organes génitaux (et des choses qu’il est possible de faire avec) que de chercher l’érotisme…
en tout cas si tu veux lire d’avantage de nos auteurs n’hésite pas à promener ton groin dans nos autres anthologies, quand à Nelly et Julien ils sont également édités chez Le Carnoplaste et Trash édition, dont je peux te recommander « Sous la peau » qui comporte de très belles scènes de sexe entre d’horribles tortures…
Julien et Nelly en ont encore sous le coude ! Et, même si les romans pondus ne correspondent peut-être pas vraiment au thème général de ton site, tu devrais trouver matière à ta rassasier. Comment ? En tapant simplement leur nom sur gougoule pour découvrir une bibliographie bien fournie (m’enfin, surtout celle de Julien).
Voilà ce que j’appelle une bonne nouvelle, je vais m’y mettre dès que j’aurai quelques instants. Merci !