En-tête de la Bauge littéraire

Camille B., Maryse est infidèle

Maryse est donc infi­dèle. Certes, mais il n’y a pas que ça. Elle triche, elle  ment, elle séduit, tout pour se construire un jar­din secret où sa rose peut s’é­pa­nouir à l’a­bri des regards trop curieux, et ceux de son mari en par­ti­cu­lier. Et puis, elle jouit à n’en plus finir. Vous aurez com­pris, chers lec­teurs, qu’une telle femme a tout pour plaîre à votre ser­vi­teur : un corps épa­noui de femme mûre (la qua­ran­taine), une ima­gi­na­tion fer­tile, des remises en ques­tion qui ne l’empêchent pas de fran­chir le cap avec un cou­rage et une éner­gie presque exem­plaires, et une ingé­nui­té qui, dou­blée d’une indé­cence à toute épreuve, la rend tout sim­ple­ment – irré­sis­tible. Atten­tion pour­tant : Avant de pou­voir goû­ter à ses charmes, il faut pas­ser par une val­lée très peu amène, à savoir un début de texte tout sauf brillant.

J’ai ache­té Maryse est infi­dèle, petit texte d’une soixan­taine de pages signé Camille B., il y a quelques mois, et depuis, mal­gré une cou­ver­ture et un titre pro­met­teurs de quelques heures de plai­sir volées au train-train de mes jour­nées, je n’ai pas trou­vé le temps de me lais­ser séduire. La belle brune de la cou­ver­ture a donc eu le temps de me nar­guer à chaque fois que je lan­çais ma liseuse ou mon appli Kindle, jus­qu’à ce que fina­le­ment je cède au chant de cette sirène per­sé­vé­rante qu’on devine nue sous les draps. Est-ce à cause de cette attente pro­lon­gée que je me suis cru dans l’o­bli­ga­tion de faire preuve de patience et que, confron­té à des lon­gueurs, un usage par­fois assez par­ti­cu­lier des temps du récit et une intrigue qui met­tait du temps à démar­rer, j’ai pour­tant résis­té à la ten­ta­tion d’al­ler voir ailleurs ? Quoi qu’il en soit, je ne regrette aucu­ne­ment d’a­voir fait preuve de patience. Parce que la suite des aven­tures de Maryse est des plus déli­cieuses et on est presque sur­pris, après les imper­fec­tions du début. de se trou­ver sous le charme de la belle, au point d’exi­ger une suite de ses expé­di­tions en terres lubriques (Vous m’en­ten­dez, Camille B. ?).

L’in­trigue n’a rien de très par­ti­cu­lier : Une femme d’un cer­tain âge, prise au piège des habi­tudes acquises au cours d’une vie trop tran­quille avec son rythme qui iné­luc­ta­ble­ment s’ins­talle, croise un homme capable de faire réson­ner les cordes qu’il faut pour réveiller une sen­sua­li­té endor­mie sous la pous­sière des années. Mais le réveil est d’au­tant plus ful­gu­rant que le som­meil a été long, et Maryse se trouve prête à céder à des pro­po­si­tions qui dépassent le cadre de ce qu’on peut attendre d’une femme après tout très comme il faut. Après une pre­mière folie com­mise dans les bras du sédui­sant Marc, elle consent à des débuts de sou­mis­sion avant de se lais­ser ten­ter par un trio­lisme aux allures can­dau­listes et des échap­pés en club liber­tin. On vous a aver­tis, rien de très par­ti­cu­lier dans le récit de Maryse, mais cela n’empêche pas cette petite per­sonne d’ap­pa­rence si ordi­naire, cette femme qui n’a pas honte de ses doutes et de ses remises en ques­tion, d’al­ler vers l’a­ven­ture et de déga­ger un charme auquel il n’est pas facile de se soustraire.

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Je crains seule­ment qu’une par­tie des lec­teurs, peu patients et sol­li­ci­tés de par­tout, ne fassent demi tour avant d’a­voir seule­ment eu l’oc­ca­sion de tom­ber sous le charme. C’est un risque qu’on voit l’au­teur cou­rir quand il se sert de façon quelque peu mal­ha­bile du jeu des pers­pec­tives, pro­cé­dé en prin­cipe capable de pimen­ter un récit éro­tique en don­nant plu­sieurs ver­sions d’un seul et même évé­ne­ment tel qu’il peut être per­çu par des per­sonnes dif­fé­rentes – et on ima­gine faci­le­ment com­bien un texte éro­tique peut gagner en met­tant le lec­teur dans la peau des per­son­nages res­pec­tifs ! Peu rodé sans doute à l’art de cap­ter l’at­ten­tion de ses lec­teurs, Camille B. com­mence par une ver­sion cen­su­rée des faits, en l’oc­cur­rence la confes­sion qu’O­li­vier demande à Maryse de ses ren­dez-vous avec Marc. Mal­heu­reu­se­ment, cette confes­sion, faite en plus dans une situa­tion cen­sée émous­tiller l’in­té­res­sée, res­semble plu­tôt à une énu­mé­ra­tion d’une liste de courses qu’au récit d’une aven­ture érotique :

« Il a sor­ti sa bite de son pan­ta­lon pour que je le suce, j’ai com­pris qu’il vou­lait que je le fasse éja­cu­ler, je le bran­lais et je le suçais, c’é­tait bon, oui je suis une salope, j’aime sucer des bites… » [1]Camille B., Maryse est infi­dèle, Le deuxième ren­dez-vous

Confron­té à une absence aus­si fla­grante de pas­sion, on réprime à peine un bâille­ment. Et ce n’est qu’a­près coup qu’on com­prend les inten­tions du per­son­nage. L’i­ro­nie, c’est que c’est pré­ci­sé­ment la deuxième ver­sion des faits, déli­vrée ulté­rieu­re­ment par une femme pos­sé­dée par l’en­vie de jouir, qui donne une idée beau­coup plus flat­teuse de ce dont Camille B. est capable, mais ce deuxième récit se fait attendre. Et je ne sais pas com­bien de lec­teurs auront lâché l’af­faire avant d’ar­ri­ver au point de non-retour.

À lire :
Nicolas Lacharme, Vacances candaulistes

Toutes ces imper­fec­tions – et elles sont  nom­breuses dans la pre­mière par­tie du texte – n’empêchent pas Camille B. de trou­ver des phrases déli­cieuses pleines de charmes, et des situa­tions cocasses que Maryse apprend à maî­tri­ser et – plus tard – à ame­ner. Com­ment ne pas ado­rer le comique d’une situa­tion comme celle où Oli­vier, maître en herbe, com­prend que sa femme n’est pas oppo­sée à l’i­dée de pimen­ter leurs rela­tions par une dose de soumission :

« Mais il [i.e. Oli­vier] ne savait pas com­ment il allait gérer la sou­mis­sion de sa femme, fal­lait-il un contrat, des acces­soires ? » [2]Cha­pitre « Le deuxième ren­dez-vous »

Ou celle, plus cocasse encore, ou c’est le nez fin du mari qui per­met à celui-ci de se rendre compte de l’in­fi­dé­li­té de sa femme :

« Oli­vier com­men­ça à lui lécher le sexe, c’é­tait bon, elle était toute douce et déjà très humide et elle sen­tait… Le latex… Il plon­gea ses narines dans son sexe pour véri­fier… » [3]Cha­pitre « La décou­verte »

Il ne serait sans doute pas faux de dire que c’est, une fois encore, le rire qui sauve le texte et qui pousse le lec­teur à conti­nuer, parce qu’un auteur capable de pla­cer ses per­son­nages sous une lumière aus­si absurde, il doit assu­ré­ment dis­po­ser d’autres atouts, et com­ment lui refu­ser l’oc­ca­sion de s’en ser­vir ? Pour ce qui est de Camille B., il a réus­si à me rendre accro à sa Maryse, et j’ai­me­rais connaître la suite de ses aven­tures afin de som­brer avec elle dans l’in­dé­cence de ses aventures.

Camille B.
Maryse est infidèle
Auto-édition
ASIN : B01LW2X3XA

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Camille B., Maryse est infi­dèle, Le deuxième rendez-vous
2 Cha­pitre « Le deuxième rendez-vous »
3 Cha­pitre « La découverte »