Ani­ta Ber­chen­ko, Petites Morts en plein jour

Aux Édi­tions Numé­rik­livres vient de paraître un recueil de dix-huit nou­velles, Petites Morts en plein jour, qu’on doit à la direc­trice de la col­lec­tion e‑lire en per­sonne, Mme Ani­ta Ber­chen­ko. Celle-ci s’est déjà illus­trée en ras­sem­blant sous les cou­leurs de Numé­rik­livres quelques titres dont nous avons eu l’oc­ca­sion de par­ler favo­ra­ble­ment. Et voi­ci donc un recueil, paru une pre­mière fois en 2010, sur papier, chez Micro­cosme, où nous croi­se­rons des per­son­nages dont cer­tains s’in­crustent, et tiennent com­pa­gnie aux lec­teurs long­temps après que ceux-ci ont rega­gné le pai­sible rivage de leurs petites vies bien ancrées dans la réalité.

Dans ces textes, la mort n’est pas tou­jours atroce, et ce n’est même pas tou­jours celle qui ter­mine la vie. Encore que, pour cer­tains, on se demande si la mort pure et simple n’au­rait pas été un choix pré­fé­rable. Qu’en est-il, par exemple, du sol­dat qui doit vivre avec le sou­ve­nir des atro­ci­tés qu’il a com­mises ? Ou encore de la fille vio­lée et tom­bée enceinte ? Mais ras­su­rez-vous, la grande Fau­chuse a son rôle à jouer, que ce soit dans une variante sur un texte de Rim­baud, dans une salle des tra­vaux ou encore dans une chambre d’hô­tel, repère des amants qui célèbrent la grand-messe de la vie en cachette.

Tous ces textes sont très divers, et si cer­tains se réclament net­te­ment d’une fan­tas­tique à la bonne vieille façon du XIXe (Tu veux qu’on baise ?, De l’or au-des­sus de l’eau, Entre les pages …), d’autres sont d’un réa­lisme tout en nuances qui se met au ser­vice d’une psy­cho­lo­gie raf­fi­née, aux traits tel­le­ment pré­cis qu’on est près d’ou­blier que c’est de la fic­tion (Dou­ceur amère …, Tenir, De noir et de rose). Il y a pour­tant, mal­gré toute la diver­si­té, un trait com­mun à toutes ces nou­velles, et c’est la sim­pli­ci­té des mots qu’A­ni­ta Ber­chen­ko a su trou­ver pour accom­pa­gner ses per­son­nages sur la route qu’elle leur a tra­cée. Devant le mal­heur des hommes et (le plus sou­vent) des femmes, sup­por­té en silence, au rayon­ne­ment tout inté­rieur qui déchire les organes mais ne saigne pas, la gran­di­lo­quence n’a pas de place, et le res­pect dû à la dou­leur fait taire les rhéteurs.

À lire :
Une journée au Salon avec les Éditions Numériklivres

Si la force de l’é­cri­ture de Mme Ber­chen­ko réside prin­ci­pa­le­ment dans les nuances, dans sa capa­ci­té d’ex­pri­mer, par des mots simples et sans pré­ten­tion, la vie inté­rieure de ses per­son­nages, elle sait aus­si manier une palette aux cou­leurs impres­sion­nistes, aptes à rendre les tons clairs d’un pay­sage enso­leillé, la lumi­no­si­té de l’air au-des­sus de l’o­céan ou encore le cris­se­ment des herbes sèches, un jour de grande cha­leur. À moins que ce ne soit le bruit du res­sac, le glis­se­ment de la Garonne, les « nuages dorés » de sable, sou­le­vés par les pieds du bai­gneur (De guerre lasse …), ou encore « une âme per­due dans le pas­sé, bal­lot­tée par les marées, rou­lée par les vagues puis­santes. » (Eaux Fortes).

Dans un recueil, on trouve tou­jours des textes aux­quels on s’at­tache plus qu’à d’autres, et il est rare de voir un auteur atteindre au même degré de qua­li­té dans tous les textes. Ceci est vrai aus­si pour ceux qui sont réunis dans ce volume. Mais on y trouve, par­tout, la même beau­té douce et comme timide des mots, qui ne se refusent pour­tant pas à illus­trer la souf­france. Et c’est pour cela que le sou­ve­nir de ces petites morts han­te­ra long­temps encore celui qui a osé y pénétrer.

Ani­ta Ber­chen­ko,
Petites Morts en plein jour
Édi­tions Numé­rik­livres
ISBN : 978−2−89717−357−9

Anita Berchenko, Petites morts en plein jour
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95

Commentaires

Une réponse à “Ani­ta Ber­chen­ko, Petites Morts en plein jour”

  1. ah oui, je ne savais pas qu’a­ni­ta écri­vait. par­ta­gé donc. merci.
    elisabeth