Et voici une bande dessinée qui commence par une réinterprétation de la Genèse, empruntant à Moïse jusqu’à la formule célèbre du début : « Au commencement ». Sauf que Dieu y est remplacé par le « tout » et qu’à la place de la divinité, ce sont l’amour et le sexe (divins tous les deux, évidemment !) qui d’abord créent l’univers et ensuite le peuplent de toutes sortes de créatures, dans le sens le plus large possible. Tout est animé, tout baise – les planètes, les montagnes, les animaux et, bien sûr, les humains :

Une belle idée, ces montagnes qui baisent et se culbutent1. Imaginez un peu les tremblements de terre que causeraient de telles orgies de pierre et de roc ! Je dois avouer que j’ai rarement vu une aussi belle mise en scène de l’acte créateur et de l’idée de la nature animée.
Malheureusement, les choses n’en sont pas restées là, et la volonté de possession – le péché originel dans l’univers de Gianluca – est venue remplacer l’amour. Et voici que s’amène, à peine quelques pages plus loin, une bande de barbares avec la belle idée de violer une troupe de jeunes femmes venues se rassembler en pleine nature pour entendre le récit de la – création. Et c’est le moment savamment amené par l’auteur où notre héroïne fait son apparition fracassante. Ou plutôt massacrante, comme les barbares sus-mentionnées ne tarderont pas à l’apprendre à leurs dépens.
D’après ce que j’ai pu trouver sur la toile, Gianluca Maconi n’a pas d’antécédents érotiques, Connie La Barbare étant sa première excursion dans le domaine de prédilection de votre serviteur. Avant Connie, on trouve chez Gianluca plutôt des elfes et autres créatures féeriques peuplant les univers de fantasy de séries auxquelles il collabore, comme Elfes ou Elya, les brumes d’Asceltis. Avec quelques notables exceptions qui l’ont conduit, en 2005, chez l’éditeur padouan Becco Giallo où il a pu réaliser, trente ans après la mort du célèbre écrivain et réalisateur, un projet consacré au mystère autour de l’assassinat de Pasolini : Il delitto Pasolini avant de le faire passer chez Hazard Edizioni où il a signé, en 2010, le Requiem électrique, une BD biographique consacrée à Jimmy Hendrix. Et si vous voulez avoir une idée de son dessin en général, vous pouvez consulter les 258 images rassemblées sur sa page DeviantArt. Où il n’a toutefois plus rien publié depuis 2016.

Connie – petite série de trois volumes dont la publication a débuté en 2022 chez Tabou – est donc une prochaine étape dans l’œuvre de Maconi. À moins d’être une sorte de jardin secret ou d’échappatoire lui permettant de donner libre cours à une imagination apparemment en pleine effervescence. Parce que les aventures rocambolesques de cette petite barbare ne font pas seulement bander, mais surtout éclater d’un grand franc rire libérateur. Rien que cette petite phrase glissée par une des « moniales » à sa camarade qui, confrontée aux origines nordiques de Connie, la désigne comme une « barbare » :
« On dit « En voie de civilisation » ! »2
C’est tout simplement hilarant. Et pendant qu’on continue la lecture avec toujours un grand sourire, on se laisse emporter par la sensualité de la nuit qui emporte Connie et ses nouvelles camarades dans une débauche lesbienne qui ne laisse rien désirer au plus fol amateur de galipettes au féminin. Ou plutôt « mouillettes » comme dira Connie. Et que dire de ces femmes dont Maconi sait entourer sa barbare ? La beauté exquise et l’opulence des formes leur confèrent un charme tout simplement irrésistible. Impossible de croire que Maconi ait sorti cela de nulle part, mais je n’ai rien trouvé qui puisse préparer une telle débauche de sensualité et de joie lascive. Il est donc d’autant plus étonnant de constater la perfection de ces séduisantes créatures et des postures indécentes qu’il leur fait prendre afin de conduire les lectrices et les lecteurs à une sorte d’extase virtuelle.
Mais on ne peut assez souligner le fait que, si on y baise beaucoup et avec grande effusion de tous les liquides que les corps peuvent offrir, on y rigole aussi, et le rire de Connie n’est pas seulement charmant, mais surtout contagieux. Et elle a le secret pour profiter des situations où la quête de l’aventure la conduit. La grotte d’une magicienne malveillante est gardée par une troupe de trolls ? Et si on se servait de son cul pour les distraire ? Et en même temps en tirer une bonne grosse dose de plaisir ?
Cela ne sert à rien de vous donner le détail de ses aventures lubriques. Sachez seulement qu’il y a au menu, outre les trolls déjà mentionnés, une duchesse en détresse, un petit comte auquel elle prête main forte et un couple d’aubergiste qui a des idées bien particulières pour profiter de la fin du monde. Qui s’annonce suite à un certain rituel, dans lequel la duchesse Yolande de Lunefendue est censée jouer le rôle principal.
Je pense que je vous ai fait venir assez d’eau à la bouche pour vous convaincre de vous rendre dans votre boutique de confiance (peu importe que celle-ci soit virtuelle ou analogue) et de dépenser vos sous afin de pouvoir profiter à votre rythme de cette barbare ravissante et des aventures lubriques dans lesquelles elle a le chic de s’introduire. Je suis sûr que vous ne regretterez pas d’être aux premiers rangs pour assister à l’explosion de sensualité, de créativité et de bonne humeur que le Sieur Maconi fait déferler sur ce bon Royaume de France.
Gianluca Maconi
La nuit du Gloriole (Connie La Barbare, t. I)
Tabou Éditions
ISBN : 978–2359547283
- Vous aurez constaté qu’il y a comme une coupure au bon milieu de l’image. Ceci est dû au fait qu’elle a été reconstituée par les efforts de votre serviteur qui a eu le bonheur de pouvoir suivre une formation aux outils de manipulation d’images comme Photoshop ou le Gimp. Et le résultat n’est pas le témoignage de mes connaissances médiocres en la matière, mais plutôt d’une manipulation maladroite quant à la mise en page numérique du volume. Où la planche a été coupée en deux avant d’être repartie sur deux pages qui ne s’affichent pas ensemble dans un lecteur PDF. Ce qui est assez dommage. Si vous voulez avoir une impression de la qualité originale, cf. le bel article signé Charles-Louis Detournay paru chez ActuaBD le 12 juin 2023. ↩︎
- Gianluca Maconi, La nuit du Gloriole, p. 24 ↩︎