Chris, Vices au camping

Brigitte et Lucie, les jeunes héroïnes de Vices au camping
Bri­gitte et Lucie, les jeunes héroïnes de Vices au camping

Le cam­ping donc – les vacances sous le soleil, le plus sou­vent en bord de mer, les feux de camp, les bou­teilles de rouge ache­tées à la supé­rette, l’am­biance qui, loin des obli­ga­tions, se détend, et qui, à mesure que les mains et les doigts se rap­prochent, se charge de ten­sion éro­tique. Ensuite, les nuits ryth­mées par le bruit des vagues, les rêves dont on se réveille en sur­saut, les culottes trem­pées ou cou­vertes de tâches révé­la­trices… Voi­ci bien des cli­chés, je sais, mais comme il s’a­git de vous faire rêver, mes chères lec­trices, mes chers lec­teurs, et que je me suis pro­po­sé de vous faire baver rien qu’en ima­gi­nant les chairs qui se dévoilent pour ensuite se cou­vrir de toutes sortes de sécré­tions, les yeux rayon­nant de lubri­ci­té et d’en­vie, les langues qui se cherchent pour don­ner une pre­mière idée des plai­sirs que la soi­rée réserve aux couples qui viennent de se for­mer, des che­vau­chées impro­vi­sées sous la tente ou sur le sable, le tout entou­ré par la magie des décou­vertes et – qui sait ? – peut-être même celle des pre­mières fois – com­ment face à cela ne pas céder à l’en­vie de vous enle­ver au pays de cocagne des fan­tasmes qui, même s’ils ne s’as­sument pas tou­jours, pimentent mainte soi­rée soli­taire. Et pour­quoi refu­ser d’i­ma­gi­ner que des liens puissent se nouer, à l’im­pro­viste, assez forts pour don­ner envie de se moquer des conven­tions et des qu’en dira-t-on, assez pas­sa­gers pour per­mettre à tout un cha­cun d’é­vi­ter les catas­trophes sen­ti­men­tales et – le cas échéant – ména­gères. Quoi de plus beau que ces fan­tasmes si inti­me­ment liés à l’i­dée des vacances, ces rites de pas­sage dont le charme se fige dans le sou­ve­nir, par­fois au point de deve­nir une obses­sion remon­tée du pas­sé loin­tain pour nous hanter.

Vous l’au­rez com­pris depuis long­temps, votre ser­vi­teur est un incon­di­tion­nel de la Plage et de ses charmes – et bien davan­tage encore des charmes qui s’y dévoilent – com­ment donc ima­gi­ner qu’il puisse résis­ter à un titre aus­si pro­met­teur que Vices au cam­ping ? Et la résis­tance devient impen­sable – Resis­tance is futile, non ? – quand il s’a­git d’un titre tiré des mille et un tré­sors patiem­ment ras­sem­blés par Média 1000, cette col­lec­tion où le souffle d’Es­par­bec conti­nue à allu­mer les braises d’un éro­tisme qui n’a pas honte de se récla­mer de sa grande sœur, la por­no­gra­phie décom­plexée née du vent de liber­té qui chas­sait les relents des années d’a­près-guerre où les cen­seurs et les tri­bu­naux encore veillaient sur les mœurs.

Avec Vices au cam­ping, Dyna­mite pro­pose au public avide de sen­sa­tions fortes la réédi­tion en numé­rique d’une BD ini­tia­le­ment parue en 1998 dans la col­lec­tion « Confes­sions éro­tiques BD » des édi­tions Média 1000, réa­li­sée par Chris, un des­si­na­teur qui s’é­tait taillé une solide répu­ta­tion dans le domaine éro­tique depuis le début des années 80 avec des séries aux titres sul­fu­reux tels que Angie, infir­mière de nuit ou Miss Bon­dy [1]Mer­ci à Nico­las Car­te­let des Édi­tions la Musar­dine pour ces pré­ci­sions.. Si Chris a pu être remar­qué pour « son goût pour la sou­mis­sion » ou ces per­son­nages « adeptes du sado­ma­so­chisme […] ou de la jouis­sance dans la dou­leur » [2]Cf. Hen­ri Filip­pi­ni, L’En­cy­clo­pé­die de la BD éro­tique, p. 87, Vices au cam­ping aborde les délices de la chair sous un autre angle, à savoir celui de la décou­verte et de l’i­ni­tia­tion. Sous nos yeux se déroule l’his­toire de Bri­gitte et de Lucie qui, le bac en poche, se paient quelques semaines de liber­té avant d’in­té­grer la fac. Un scé­na­rio des plus clas­siques quand il s’a­git de créer un espace de liber­té pro­pice à l’é­pa­nouis­se­ment des sens. Les deux filles débarquent sur une aire de cam­ping à côté de Bor­deaux, avec der­rière elles le bac avec son cor­tège d’é­preuves et ses années de tra­vaux et de contrôles et devant l’im­men­si­té d’un hori­zon lumi­neux de quatre semaines de vacances et d’un ave­nir rayon­nant de toutes ses pro­messes. Voi­ci donc deux jeunes créa­tures ravis­santes jetées dans un espace de liber­té dont, du haut de ses dix-huit ans, on ne voit pas la fin, dont on ne conçoit même pas qu’il puisse se limi­ter dans le temps, que jamais il puisse y avoir autre chose que cette liber­té et ce concen­tré d’u­ni­vers en puis­sance qui, les uns plus accueillants que les autres, s’ouvrent à toutes les aspi­ra­tions. Et quand on a cet âge-là, com­ment ima­gi­ner de liber­té plus pro­met­teuse que celle de faire des ren­contres ? De rem­plir cet espace de ten­dresse, du bruit des lèvres col­lées les unes aux autres, des sou­pirs ryth­mant le pro­grès des mains sur la peau, le cla­po­tis des chairs mouillées enva­hies par des doigts entre­pre­nants dont les pous­sées ryth­miques pré­parent la voie au plaisir.

À lire :
Rebecca, Hot Moms #4

Quant à Lucie, la belle brune aux allures de gar­çonne avec ses che­veux bou­clés taillés court et son esprit de conqué­rante, elle ne laisse pas pla­ner de doutes quant à ses inten­tions quand elle annonce à Bri­gitte – blonde plan­tu­reuse dont il s’a­gi­ra de vaincre les réti­cences – qu” « on va vite se faire des amis » [3]Vices au cam­ping, p. 10. Des paroles dont on peut se deman­der si elles sont pro­phé­tiques ou tout sim­ple­ment banales vu que la pré­sence de deux belles femmes dis­po­sant de tels atouts ne manque jamais d’at­ti­rer du mâle, et d’au­tant plus dans une ambiance où les mœurs se libèrent de leurs contraintes au même rythme que les chairs, des vête­ments. Quoi qu’il en soit, deux éta­lons se ramènent à l’ins­tant même pour pro­po­ser leur secours – et leur com­pa­gnie – aux demoi­selles en ques­tion. Une pro­po­si­tion que Lucie accepte aus­si­tôt sans deman­der son avis à sa copine qui, mal­gré ses réserves, se laisse quand même entraî­ner par celle qu’elle a intro­duite comme sa « meilleure amie ». Et com­ment ne pas faire confiance à sa meilleure amie ?

Vices au camping: Brigitte à la plage
L’i­ni­tia­tion de Bri­gitte – préliminaires.

Le ton du récit est don­né dans ces quelques pages, et on ver­ra désor­mais Bri­gitte – à demi entraî­née, à demi consen­tante pour le dire avec le jeune Goethe[4]dans une bal­lade com­po­sée en 1778, Le Pêcheur – suivre l’exemple de sa copine, par­fois pous­sée par une bonne dose de curio­si­té, par­fois quelque peu bous­cu­lée par la belle brune, sou­te­nue à l’oc­ca­sion par la copine les­bienne de celle-ci qui ne demande pas mieux que de bri­ser les réti­cences de la blonde bien en chair et de l’i­ni­tier aux plai­sirs saphiques. Mais n’i­ma­gi­nez quand même pas, chers lec­teurs, chères lec­trices, que les beaux mâles des pre­mières pages soient ensuite dédai­gnés, ce serait mal connaître l’ap­pé­tit des deux demoi­selles qui, les corps en cha­leur et les sens enflam­més, comptent se ser­vir de tout ce que la nature leur met sous les bouches et entre les cuisses.

À lire :
Ji Bocis, D'Anne-Claire en Irina

Je ne pense pas qu’il faille vous faire un des­sin – Chris s’en est déjà char­gé – pour vous faire entre­voir le fes­ti­val des sens qui vous attend dans ces quelques 150 pages consa­crées à la joie – par­fois un peu trouble, il est vrai – qu’é­prouvent ces jeunes femmes face au désir et à la ten­ta­tion, un défi qu’elles finissent toutes par rele­ver pour le plus grand plai­sir du lec­teur qui se laisse volon­tiers embar­quer, ber­cé par des sou­ve­nirs ou des visions dont on n’ar­rête jamais d’es­pé­rer qu’elles puissent, du bout des fan­tasmes, nous tendre une main pour un voyage vers cette « terre des nuits chaudes et lan­gou­reuses » sor­tie des flots pour accueillir les jeux des « filles aux yeux creux, de leur corps amou­reuses, [qui] caressent les fruits mûrs de leur nubi­li­té… »[5]Vers tirés d’un poème de Charles Bau­de­laire, Les­bos.

La sen­sua­li­té du récit est bien ser­vie par les traits sobres de Chris qui pare ses pro­ta­go­nistes d’une beau­té presque sta­tuaire, confé­rant à ses des­sins une ten­sion née par l’op­po­si­tion entre les chairs pal­pi­tantes de ses jeunes filles en fleur et la beau­té éter­nelle et polie du marbre qui attend son Pyg­ma­lion. Et il rend à mer­veille les doutes et les remises en ques­tion de la belle Bri­gitte qui, forte de sa curio­si­té et de ses dési­rs, refuse de se lais­ser réduire au rôle de la beau­té effa­rou­chée en se lan­çant à pleine allure entre les bras et les cuisses grands ouverts de ses com­pagnes. Tout en pre­nant appui sur les queues dres­sées autour d’elle pour prendre son élan.

J’ai du mal à ima­gi­ner un meilleur point de départ pour la sai­son esti­vale que ces Vices au cam­ping, invi­ta­tion au voyage que je me per­mets de vous pro­po­ser à quelques semaines du grand départ pour une mise en bouche des plus déli­cieuses. À vos fan­tasmes, donc !

Chris
Vices au cam­ping
Média 1000
ISBN : 9782362343940

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Mer­ci à Nico­las Car­te­let des Édi­tions la Musar­dine pour ces précisions.
2 Cf. Hen­ri Filip­pi­ni, L’En­cy­clo­pé­die de la BD éro­tique, p. 87
3 Vices au cam­ping, p. 10
4 dans une bal­lade com­po­sée en 1778, Le Pêcheur
5 Vers tirés d’un poème de Charles Bau­de­laire, Les­bos.
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95