Rita Renoir – indé­cente retenue

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Mais qui est donc Rita Renoir ? Je vous vois venir, chers amis visi­teurs de la Bauge, ce nom vous fait sans aucun doute pen­ser à la célèbre strip-tea­seuse qui s’est pro­duite, dans les années cin­quante, au Cra­zy Horse, et qui a lar­ge­ment contri­bué à la renom­mée sul­fu­reuse et néan­moins mon­diale de cet éta­blis­se­ment. Je vous le concède, vous avez un point, une telle artiste ne serait nul­le­ment dépla­cée dans la modeste demeure de votre ser­vi­teur. C’est même pour cela que je vous jette en pâture un clip où vous pour­rez voir la beau­té se lan­cer dans une danse des plus lascives :

Rita Renoir 1963
Rita Renoir 1963

Ce n’est pour­tant pas de cette « tra­gé­dienne du strip-tease », qui s’est éteinte le 4 mai 2016 et dont la renom­mée est pas­sée à la pos­té­ri­té, que je vou­drais vous entre­te­nir ici.

La Rita Renoir dont il sera ques­tion aujourd’­hui est une des­si­na­trice qui a choi­si de se ser­vir du même pseu­do­nyme que l’illustre actrice bur­lesque pour mieux déve­lop­per ses aspi­ra­tions artistiques :

Ma mys­té­rieuse Rita m’a per­mis de renouer avec les acti­vi­tés artis­tiques que j’affectionnais mais que j’avais mis de côté ces der­nières années. [1]Rita Renoir – Rita Renoir

Un coup d’œil – même ultra-rapide – sur les gale­ries qu’elle a ras­sem­blées sur son compte Ins­ta­gram suf­fit pour se convaincre de la per­ti­nence de sa démarche et de la varié­té de ses efforts, des efforts qui, on l’es­père, ne four­nissent que la base de ce qu’elle peut encore atteindre.

À l’ins­tar de l’autre Rita, celle que j’ai l’hon­neur d’ac­cueillir dans la Bauge met, elle aus­si, ses talents au ser­vice de la beau­té, mais au lieu d’y aller de son corps entier (tant que je sache, au moins), elle se sert plu­tôt de son crayon, outil qui lui sert à impri­mer au corps fémi­nin une cer­taine indé­cence ren­due d’au­tant plus frap­pante par une rete­nue tout sim­ple­ment déli­cieuse. Rete­nue qui s’ex­prime non seule­ment dans les gestes pudiques et le regard sou­vent bais­sé ou détour­né de ses femmes qui se livrent à la contem­pla­tion du spec­ta­teur avec une décon­cer­tante insou­ciance, mais jusque dans le jeu des lignes qui les com­posent et qui en même temps les exposent, qui les font ondoyer et les étalent.

À lire :
Gustave Boulanger : Tempus fugit

Au centre de son art se trouve donc le corps fémi­nin, un corps où le visage – et plus par­ti­cu­liè­re­ment le regard – est le grand absent. Caché, détour­né, bais­sé, il nous titille par son absence même, nous amène à poser des ques­tions, à nous inter­ro­ger à pro­pos de la signi­fi­ca­tion de l’ex­po­si­tion de ces femmes – est-elle concé­dée ? guet­tée ? espé­rée ? arra­chée ? Et quel est donc le degré d’in­ti­mi­té que ces femmes concèdent aux regards qui volup­tueu­se­ment se posent sur leurs courbes ? Jus­qu’où ceux-ci peuvent-ils per­cer, et quels mys­tères – exac­te­ment – péné­trer ? On ne peut le savoir, les femmes de Rita Renoir pré­fé­rant gar­der la main haute sur le spec­tacle dont elles res­tent les seules maîtresses.

Rita Renoir, En-tête pour la Bauge littéraire
Rita Renoir, En-tête pour la Bauge littéraire

Et pour­tant, l’in­dé­cence est, elle aus­si, de la par­tie, et elle se met en scène de façon d’au­tant  plus pro­vo­ca­trice que les modèles res­tent aux com­mandes. Quel exemple plus per­ti­nent que cette liseuse qui s’ex­pose avec non­cha­lance dans une totale liber­té frô­lant l’im­pu­di­ci­té au moment où le livre devient non seule­ment objet de convoi­tise, mais organe sexuel ouvrant ses pétales sous les regards inqui­si­teurs des spec­ta­teurs, les invi­tant à péné­trer aux tré­fonds d’une inti­mi­té grande ouverte, accueillante, intri­gante. Quelle plus belle invi­ta­tion au voyage et à la lec­ture que celle for­mu­lée par ces lèvres écar­tées, et quelle meilleure garan­tie de satis­fac­tion que ces doigts posés sur les pages et prêts à déclen­cher l’orgasme ?

J’ai croi­sé Rita Renoir, à l’im­pro­viste, dans les médias numé­riques. J’ai tout de suite été séduit par ses des­sins, et j’ai été plus qu’­heu­reux quand elle a accep­té de contri­buer une illus­tra­tion pour la Bauge lit­té­raire. Et com­ment vous dire mon bon­heur quand j’ai enfin décou­vert le des­sin que ma modeste demeure lui a ins­pi­ré ? Enfin quel­qu’un qui ose l’in­dé­cence ! Qui pré­sente une femme à la hau­teur de l’im­pu­di­ci­té qu’elle dégage à tra­vers les contor­sions de son corps et sur laquelle le texte se greffe en organe du plai­sir. Quelle illus­tra­tion pour un endroit consa­cré aux délices – char­nels autant qu’in­tel­lec­tuels ! Et c’est Rita Renoir qui a su don­ner un corps à mes aspi­ra­tions, et l’ac­cueil que son des­sin fait aux textes aus­si bien qu’aux visi­teurs capte l’es­sence même de l’é­ro­tisme tel que je le conçois.

À lire :
Cheunchin - L'érotisme décomplexé

Décou­vrir l’art de Rita Renoir

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Rita Renoir – Rita Renoir
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95

Commentaires

Une réponse à “Rita Renoir – indé­cente retenue”

  1. Une belle artiste, incontestablement !