Rémy Char­nat, Deux coquines en vacances

Pour votre ser­vi­teur, l’i­dée de vacances se résume à des images d’un ciel bleu ten­du au-des­sus des flots, d’une plage cou­verte de sable chauf­fé à blanc par un soleil impi­toyable et de belles femmes exhi­bant leurs bron­zage inté­gral sous les yeux des esti­vants hyp­no­ti­sés par la chair en cha­leur. Ima­gi­nez main­te­nant mon désar­roi quand j’ai décou­vert que, pour d’autres, ça se passe tout à fait ailleurs, en pleine mon­tagne, où l’on passe son temps dans les abris soli­taires à enfi­ler des tou­ristes trem­pées par la pluie tor­ren­tielle, au fond des val­lées ver­doyantes où, sou­mises aux caprices d’un vieux pay­san sor­dide, les filles se font encu­ler sans que per­sonne n’en­tende les cris arra­chés par les bites vigou­reuses qui leur tra­vaillent les fon­de­ments, ou encore dans les petites villes aux bars déla­brés qui servent de cou­lisses à des orgies improvisées.

Vous voi­ci en plein décor de Deux coquines en vacances, un roman signé Rémy Char­nat et paru en novembre 1992, ce qui, à l’âge de l’ob­so­les­cence pro­gram­mée, peut paraître une éter­ni­té. Mais vous allez être d’au­tant plus ravis de décou­vrir à quel point le texte a su conser­ver, à tra­vers les décen­nies, sa ver­deur, fort de la jeu­nesse enthou­siaste de ses deux pro­ta­go­nistes qui, du haut de leur vingt-cinq ans, se lancent sur les bites ten­dues et les chattes accueillantes comme si c’é­tait là une sorte de fon­taines de jou­vence et comme si, en ne dédai­gnant aucune occa­sion de se faire rem­plir les ori­fices à ras bord et de se mettre plein la panse de jus de minou, on pou­vait sau­ve­gar­der ses chairs des ravages des années qui passent. Pari tenu, au moins pour ce qui est du texte qui relate leurs indé­centes prouesses.

Rémy Char­nat embarque donc ses lec­teurs en com­pa­gnie de deux ravis­santes jeunes femmes, Danielle et Joëlle, deux copines qui se connaissent depuis tou­jours et qui ont gar­dé leur ami­tié intacte mal­gré les choix dif­fé­rents ayant pré­si­dé à leurs par­cours. Les voi­ci donc en route vers Luchon, petite bour­gade au fin fond des Pyré­nées, où elles comptent pas­ser quelques jours en pleine nature avec au pro­gramme des retrou­vailles des plus sen­suelles entre amies et l’es­poir de pro­fi­ter de la pré­sence de tou­ristes en pleine forme pour des par­ties éten­dues de jambes en l’air. Et on ne peut pas sûre­ment pas repro­cher à l’au­teur d’y aller dou­ce­ment pour don­ner le ton et mettre ses lec­teurs dans l’am­biance. Les deux belles ont le feu au cul, et il il ne faut pas lire plus loin que les trois pre­mières lignes pour s’en convaincre :

« Sans pré­ve­nir, Danielle empau­ma le sein de son amie par-des­sus son tee-shirt. » [1]Rémy Char­nat, Deux coquines en vacances, Chap. Pre­mier

Le coup d’en­voi est don­né par ce geste décom­plexé, et Char­nat pro­fite de l’oc­ca­sion pour intro­duire ses pro­ta­go­nistes qui, si elles pré­sentent des phy­siques et des per­son­na­li­tés assez diver­gents, se retrouvent dans leur goût très pro­non­cé pour les plai­sirs de la chair – sur­tout quand il s’a­git de chairs fémi­nines qu’elles adorent consom­mer à toutes les sauces, en malaxant, en pétris­sant, en suçant, en léchant et en fai­sant jouir les heu­reuses vic­times ayant suc­com­bé aux ambi­tions saphiques de nos deux vacancières.

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L’in­trigue démarre donc, à l’i­mage de la sexua­li­té de Danielle et de sa copine qu’il suf­fit de titiller pour qu’elle explose, sur les cha­peaux de roues, et les deux filles se frot­te­ront, au gré des cha­pitres, des excur­sions et des ren­contres, de très près aux repré­sen­tants de la faune locale en mode esti­val, comme ces deux tou­ristes par­ti­cu­liè­re­ment contents de croi­ser deux femmes trem­pées dans un abri de mon­tagne un jour de pluie, comme Xavier le puceau et sa presque-sœur Lucie, ado d’à peine dix-huit ans et sans le moindre res­pect pour ses aînés si ce n’est pour leurs talents dans le com­bat rap­pro­ché, comme Hélène aus­si, veuve insa­tiable qui a l’heur de choi­sir la cabane de nos deux tou­ristes pour ini­tier une belle mature et qui y expose ses charmes – et en même temps celles de sa proie – devant une Danielle qui, cachée dans le pla­card à balai d’où elle jouit d’une vue impre­nable, assiste en cati­mi­ni au spec­tacle et en pro­fite pour se rin­cer les yeux et se bran­ler comme une dam­née. Et il y a bien sûr l’oncle Gas­ton, pay­san à la prouesse sexuelle exem­plaire, qui sait conduire les membres de son harem impro­vi­sé bien au-delà de ce que celles-ci ima­gi­naient pou­voir endurer.

Quant aux pen­chants saphiques des pro­ta­go­nistes, c’est sur­tout l’é­pi­sode d’i­ni­tia­tion entre femmes matures qui a don­né bien des idées à nos deux jeunes dia­blesses qui désor­mais s’a­charnent à conduire Mariette – la proie ô com­bien consen­tante de la veuve en ques­tion – dans des situa­tions de plus en plus indé­centes en maniant de façon experte cette femme déchi­rée entre les conve­nances d’une vie de petite bour­geoi­sie d’une ville de pro­vince et une sexua­li­té trop long­temps répri­mée qui, une fois libé­rée, bri­se­ra toutes les digues avec la vio­lence d’un épi­sode méditerranéen.

Rémy Char­nat ne manque certes pas d’ins­pi­ra­tion quand il s’a­git de mon­ter des scènes de cul qu’il fait pas­ser à la chaîne devant ses spec­ta­teurs comme dans un scé­na­rio de X, sou­cieux de ne rater aucune occa­sion de conduire son public vers l’ins­tant chan­tilly. Par contre, quant à l’art indis­pen­sable de la varia­tion – plus néces­saire dans le por­no que dans n’im­porte quel autre genre – il faut consta­ter que c’est là que le bât blesse et que les scènes se res­semblent un peu trop, jus­qu’au voca­bu­laire et aux gestes. Ce qui finit par fati­guer le lec­teur qui, à force de se voir pro­po­ser des mets qui endorment son palais au lieu de l’ex­ci­ter, se met­tra à sau­ter des phrases et des para­graphes à la recherche d’une épice incon­nue et d’une péri­pé­tie qui puisse l’ar­ra­cher à la rou­tine. Et Char­nat se montre peu convain­cant quand il abuse du motif de la femme qu’il faut conduire mal­gré elle vers son bon­heur, et qui gas­pille de longues minutes à faire sa mijau­rée et à se pré­tendre outrée quand, en véri­té, elle n’at­tend que la main de maî­tresse qui lui fera sau­ter tous les obs­tacles. Si ce pro­cé­dé – uti­li­sé dès le départ sur la jeune Joëlle qui a besoin d’a­voir la main for­cée pour ensuite se lan­cer avec d’au­tant plus de convic­tion et de fougue – a pu séduire dans un pre­mier temps, cela le devient net­te­ment moins à force de répé­ti­tion. C’est d’au­tant plus dom­mage qu’il s’a­git ici d’un point essen­tiel qu’il faut faire valoir dans les récits consa­crés au BDSM où la contrainte peut effec­ti­ve­ment être un moyen de libé­ra­tion. Et voir celui-ci mal­me­né dans ce qui res­semble par­fois à du gon­zo à deux balles, cela finit par mettre mal à l’aise le lec­teur le mieux disposé.

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Si le texte a donc ses points faibles, et je le constate mal­gré tout le bien qu’Es­par­bec en dit dans sa lettre en guise de pré­face, on y trouve pour­tant des scènes qui se gravent dans la mémoire, comme la ran­don­née des deux filles qui se ter­mine entre les bras d’un jeune ita­lien aux allures de Faune, ou encore la par­tie de poker avec comme enjeu le cul de la belle Joëlle que les joueurs se dis­putent pen­dant des heures, juste pour se retrou­ver, en fin de par­tie, tous du côté gagnant. Et j’ai­me­rais men­tion­ner du côté des points forts du texte l’im­por­tance accor­dée par Char­nat à la pilo­si­té de ses femmes, pas encore tou­chées par le syn­drome du tout lisse qui sévit depuis un cer­tain temps. Quel plai­sir de voir sa Danielle exhi­ber une four­rure entière où ses amants peuvent four­rer le nez pour se rem­plir les narines d’un par­fum de femme vieux comme le monde. Bref, voi­ci un texte qui ouvre avec hon­neur le par­cours des esti­vants et qu’on peut recom­man­der sans rou­gir à toutes celles et à tous ceux qui vou­draient se mettre dans l’am­biance avant de se mettre en route.

Rémy Char­nat
Deux coquines en vacances
Média 1000
ISBN : 9782744826382

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Rémy Char­nat, Deux coquines en vacances, Chap. Premier
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95