
Tout le monde ou presque connaît Actualitté, un magazine d’actualité littéraire, consacré aux « univers du livre ». Celui-ci est devenu une source d’information indispensable pour chacun qui s’intéresse, de près ou de loin, à la littérature et aux métiers qui la « font ». On peut donc imaginer ma perplexité quand je suis tombé aujourd’hui sur un article par Julien Helmlinger intitulé : Paul Cook dénonce la science-fiction au féminin.
Comme je maîtrise de façon à peu près convenable la langue de Shakespeare (à moins qu’il faille dire, vu le contexte, celle d’Asimov et de Heinlein) je me suis rendu sur le site d’Amazing Stories pour y lire l’article que Paul Cook a posté sur leur site [1]Au fait, il n’y a même pas de lien vers cet article dans celui publié par Actualitté, ce qui aurait été le moindre des égards envers le lecteur soucieux de se renseigner.. Je n’en reviens pas, après lecture, de mon étonnement quant à l’étendue de la mauvaise foi qu’on trouve dans l’article qu’Actualitté a cru bon de publier.
Le propos de M. Cook n’est pas du tout de s’en prendre aux femmes, mais de dénoncer une habitude consistant à coller de mauvaises étiquettes sur un texte [2]Cook ne le dit pas expressis verbis, mais on peut sans doute rajouter : dans un but commercial. C’est ce qu’il reproche, dans la première partie de son article, à Gene Wolf, auteur qui n’a absolument rien de féminin. C’est à celui-ci pourtant qu’il adresse les reproches les plus graves, à savoir de ne pas avoir fait ses recherches [3]« all of which in the real world would have spelled doom for surface life long before the novels take place » et de mal user des procédés littéraires [4]« a long fairy tale inserted in the middle of the novel that goes absolutely nowhere and adds nothing to the novel ».
Ensuite, dans les quelques lignes consacrées à Lois McMaster Bujold, voici ce qu’il dit :
« for me, personally, it takes much of the dramatic urgency out of a story if the hero is already married or if during a skirmish comes back to canoodle or wine or dine with his beloved before rushing back to the fray. » [5]souligné par tomppa28
Je suppose que c’est le passage que M. Helmlinger s’est permis de « traduire » par « [ces auteures] qui feraient baisser le taux de testostérone du registre littéraire ». Je ne peux malheureusement pas être sûr de mon fait vu qu’on cherche en vain le mot « testosterone » dans l’article de M. Cook. On peut pourtant constater que le propos de celui-ci (quand il parle d”“urgence dramatique“) se place sur un niveau tout à fait différent (à savoir littéraire) de celui où M. Helmlinger a voulu l’abaisser, dans le but de dénoncer la misogynie ou le sexisme d’un auteur là où il n’y en a tout simplement pas.
Ensuite, l’auteur américain s’en prend à Sharon Lee et Steve Miller, de sexe féminin et masculin respectivement. S’il les classe effectivement comme auteurs de romance („romance writers“), ce n’est pas du tout pour dénoncer l’activité littéraire des femmes – auteures de science fiction. Au contraire, pourrait-on dire, puisque Cook prouve par l’implication d’un auteur masculin qu’il ne perçoit pas du tout la romance comme un genre exclusivement féminin.
Quant aux zombies, il n’y a plus aucune connotation avec le sexe de la personne qui écrit, c’est juste une remarque qui vient compléter le propos initial de M. Cook, à savoir qu’il y a des textes mal-étiquetés. Et qui voudrait en douter ? Dans la mesure où il est parfois carrément impossible de ranger un texte dans un genre bien déterminé (d’où l’usage de béquilles comme Science-Fantasy).
On peut certes penser que M. Cook a une vision trop étroite de ce que peut ou doit être un genre comme la Science Fiction, mais de là à lui reprocher une vision machiste, pour ensuite terminer sur une note alarmiste [6]« la question du machisme dans le milieu de la science-fiction reste préoccupante », il y a très, très, très loin. On s’étonne de trouver de tels procédés et de tels propos dans une publication comme Actualitté qui a habitué ses lecteurs / lectrices à un bien meilleur niveau.
Références
↑1 | Au fait, il n’y a même pas de lien vers cet article dans celui publié par Actualitté, ce qui aurait été le moindre des égards envers le lecteur soucieux de se renseigner. |
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↑2 | Cook ne le dit pas expressis verbis, mais on peut sans doute rajouter : dans un but commercial |
↑3 | « all of which in the real world would have spelled doom for surface life long before the novels take place » |
↑4 | « a long fairy tale inserted in the middle of the novel that goes absolutely nowhere and adds nothing to the novel » |
↑5 | souligné par tomppa28 |
↑6 | « la question du machisme dans le milieu de la science-fiction reste préoccupante » |
Commentaires
4 réponses à “Paul Cook, Actualitté, et les remous sexistes dans l’univers de la SF”
Merci infiniment pour ces précisions (et le lien vers le commentaire original de Paul Cook). J’avoue honteusement que je n’ai même pas pensé à aller lire le texte anglais moi-même, j’ai réagi directement à l’article (sur Twitter heureusement, c’est moins affiché… :þ ), à tort.
Je prendrai garde dorénavant de vérifier les dires des articles d’Actualitté… ^^;
Avec plaisir. Il faut malheureusement toujours se méfier. Ce qui est parfois bien embêtant…
Les articles d’Actua Litté, en plus d’être très mal écrits, sont bien souvent bourrés d’approximations et d’erreurs, une source d’information à éviter…
Merci pour votre avis concernant ActuaLitté. Contrairement à vous, je pense que grand nombre de leurs articles sont bien recherchés et je me laisse volontiers inspirer par leurs points de vue. Il va de soi, pourtant, qu’il ne faut pas se fier aveuglément à l’avis d’autrui, et rien ne dispense de la nécessité de mener des recherches indépendantes et / ou de diversifier les sources d’informations.