Publie.net ou l’art de bien démar­rer ses vacances

Voi­ci un article très peu ordi­naire. Au lieu de vous par­ler d’un texte ou d’un phé­no­mène socié­tal, le point de départ est cette fois-ci une – news­let­ter. Tout le monde les connaît, pra­ti­que­ment toutes les entre­prises en pro­posent une, dis­po­nible à l’a­bon­ne­ment depuis le site web. La bête a très récem­ment beau­coup fait jaser dans le contexte du Règle­ment géné­ral pour la pro­tec­tion des don­nées obli­geant tout le monde à confir­mer – ou non – ses abon­ne­ments. Voi­là, voi­là. Comme vous l’i­ma­gi­nez, votre ser­vi­teur en reçoit aus­si, et notam­ment de la part d’un grand nombre de mai­sons d’é­di­tion. Nor­mal, je tiens à res­ter au cou­rant des paru­tions et des déve­lop­pe­ments. En géné­ral, la lec­ture est l’af­faire de quelques ins­tants – on scanne vite fait, le regard sau­tant les lignes, s’ar­rê­tant à peine sur quelques images – et puis c’est le nir­va­na numé­rique. Pas cette fois-ci pour­tant. Hier, le 11 juillet donc, je trouve dans mes cour­riers une news­let­ter de la part de Publie.net avec comme sujet la phrase : « Bel été, bonnes lec­tures ». Et voi­ci le mot magique qui a la pou­voir de me rete­nir afin de savoir de quoi il en retourne. Et je ne l’ai pas regret­té ! Au lieu des listes d’u­sage pro­po­sant des lec­tures esti­vales plus ou moins per­ti­nentes, publiées par n’im­porte quel maga­zine – poli­tique, lit­té­raire, de mode ou de recettes de cui­sine – qui tient à sa répu­ta­tion, on y trouve un flo­ri­lège de débuts :

« Plu­tôt qu’une énième sélec­tion de titres […] nous avons pré­fé­ré vous concoc­ter un cen­ton. Ou un bou­quet de phrases, si vous pré­fé­rez. […] des portes d’en­trée dans des livres qui nous sont chers et qui sau­ront, à votre tour, vous trans­por­ter au loin. »

L’at­ten­tion une fois cap­tée, je me suis lais­sé aller au plai­sir des décou­vertes, et l’au­teur des quelques lignes intro­duc­toires n’a pas raté son coup quand il a annon­cé des phrases à nous « trans­por­ter au loin ». Mais je laisse mes lec­teurs juger de l’ef­fet obte­nu. Quant à moi, lire, rêver et ache­ter quelques-uns des textes pro­po­sés fut l’af­faire de même pas un quart d’heure. Res­tez assu­rés pour­tant que ce n’est pas un coup de pub pour un édi­teur qui – c’est l’oc­ca­sion de le dire – a fait un bou­lot tout sim­ple­ment remar­quable, mais plu­tôt la mise à l’hon­neur d’un véri­table effort lit­té­raire au ser­vice des auteurs de la mai­son et des lec­teurs qui pour­ront pro­fi­ter d’un dépay­se­ment qui lais­se­ra bien plus de traces que quelques jours de vacances. Ain­si donc : Profitez !

À lire :
Ji Bocis, La serveuse nue (Rita)
Publie.net, Florilège
Publie.net, Flo­ri­lège

Elle habi­tait une cabane en bois. Vers le fond et au centre, il y avait une che­mi­née. Une che­mi­née de briques rouges. Beau­coup de jeunes gens vivaient comme ça. À l’é­cart du monde électrique.

…les quelques mètres car­rés étaient prêts à atteindre la cir­con­fé­rence de plu­sieurs lunes

Cela sen­tait l’hu­mus, le feu éteint et le pas­sage des ombres.

Au loin, on dirait un mor­ceau de char­bon gigan­tesque qui sort de la mer, entou­ré d’un halo tan­tôt bleu, tan­tôt vio­let. Un mor­ceau noir et ligneux, en forme de tri­angle. C’est un vol­can

Et les étoiles avec une queue, qui se jettent dans la nuit… Toutes celles-là sont des âmes.

Mais après tout, qu’est-ce qu’une nuit ?

Les­té de deux cein­tures de plomb, d’une ancre de secours et ligo­té de san­dows, arri­mé sur le pont, il atten­dra lui aus­si : l’océan.

Debout à la fenêtre, ce der­nier observe son exis­tence / à la lumière du déses­poir abso­lu, par­mi les roches cos­miques des Carpates.

D’un côté, c’est le flanc abrupt de la mon­tagne par où des­cend, tan­tôt fran­chis­sant un ravin, tan­tôt tra­ver­sant une prai­rie ou dis­si­mu­lée par des feuillages, la glis­sière d’eau qui nous amène les troncs d’arbres abat­tus dans la forêt pourpre sur les hauteurs.

j’ai lu mes lettres fleu­rir sur mon avant-bras.

C’é­tait jouer le jeu du silence.

J’ai vu avec ses yeux les pay­sages troués, j’ai écou­té pour lui les voix qui tra­çaient le bord du gouffre où des corps sont jetés.

…et c’est ain­si que passe une nou­velle année, dans un défi­le­ment de glace et de mys­tères puis­qu’on se demande sans fin ce qui se passe des­sous tout ça, on ne sau­ra pas, c’est tout le jeu.

Le nou­veau monde à bâtir ne se trou­vait pas au-delà de l’o­céan mais ici.

au sol où va ton regard et où nul ne vient…

Quant à moi me voi­ci sur la baie. Passe un trou­peau de créa­tures, demi-femmes ou bêtes mugissantes.

Alors allons‑y et vidons les rues de leurs voi­tures, de leurs dis­tri­bu­teurs de billets et de leurs affiches péri­mées, ouvrons une piste de danse à chaque inter­sec­tion, vibrante de rythmes déchaî­nés et de rires sar­do­niques en boucles, en har­mo­nie ou dis­so­nance, cha­cun selon ses dons, cha­cun selon son cul.

Le len­de­main, alors que je me réveille dou­ce­ment au son des souf­fle­ments apai­sés par le nou­veau méca­nisme, je décide d’al­ler me pro­me­ner au vent pour rece­voir l’o­deur des algues que la marée a dépo­sées sur les rochers, en atten­dant de les reprendre au soir.

Bon­jour, mon­sieur nuage, com­ment allez-vous tout là-haut ? Je vais flot­ti-flot­tant, jeune fille, car je suis tout plein d’eau.

Nous sommes l’eau, dit-elle.

La poé­sie mesure aus­si l’ob­so­les­cence amoureuse

 

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95