Reims est relié à Charleville par l’autoroute. Une centaine de kilomètres, une heure de route donc à peu près, et le tronçon d’autoroute en question n’est pas payant :-) ! On n’a donc pas hésité … Bon, c’est pour rigoler, parce qu’il y a bien d’autres raisons de se rendre à Reims, ne fût-ce que pour y passer quelques heures surchargées d’impressions. Et c’est précisément ce qu’on a fait. Partis le matin, on est arrivés aux alentours de midi. Comme l’Office de tourisme est situé à côté de la cathédrale, on a pratiquement été reçus par ce bâtiment extraordinaire

On dirait que quelqu’un qui vient de Cologne et qui a l’habitude de cette cathédrale-là, avec son toit haut de 43 mètres et ses flèches hautes de 157, est habitué à un pareil spectacle. Mais non, on ne s’y habitue pas, et c’est ainsi que je me suis arrêté en pleine rue pour pouvoir contempler ce que je voyais. Ce qui m’a surtout impressionné, c’est la taille des portails. On dirait de véritables gouffres, construits pour alimenter l’église en chair humaine. En approchant, j’ai nettement senti comme un courant métaphysique qui m’emportait vers ces bouches béantes. Exploit incroyable des architectes médiévaux.

Quand on passe donc au-dessus du linteau du portail principal, on se rend compte qu’à Reims, ce n’est pas (exclusivement) la vache qui rit, mais bien l’ange. Juste à côté de l’entrée, il y a la statue d’un ange dont la bouche est contractée dans un effroyable rictus. Il paraitrait que l’Office de Tourisme voit les choses d’un autre œil, vu que cet ange-là figure sur pratiquement tous les dépliants, mais je l’ai trouvé affreux. Au point de faire peur et de se demander si ce n’est pas le Malin qui s’y abrite (merci Nath pour cette association d’idées).
Quoi qu’il en soit, une fois pénétré dans la cathédrale, la beauté particulière de ces bâtiments s’empare du visiteur. Les jeux d’ombre et de lumière et – surtout – l’opposition entre les espaces serrés et les véritables abîmes d’air qui s’ouvrent sur la nef et le transept donnent le vertige. Le regard monte le long de l’élévation, découvrant mille détails, et emporté par les rayons qui se colorent à leur passage à travers le verre colorié des rosaces. On se sent entouré de milliers de tonnes de pierre et on est prêt de prendre son envol à travers ces parois qui semblerait faits de draps ou de lumière. Des moments inoubliables, fournis, à travers des décennies voire des siècles, par des gens qui, eux, ne voyaient pas beaucoup de couleurs dans leurs vies.

La cathédrale de Reims, ce n’est pourtant pas une cathédrale comme les autres. C’est l’endroit où furent sacré trente-huit rois de France, une lignée qui a commencé par Clovis, est passée par Louis le Grand et s’est arrêtée avec Louis XVIII, dernier des Bourbons « restaurés » après la victoire des Alliés en 1815. S’il ne reste pas la moindre trace des fastes de ces sacres, il reste une pierre qui porte témoignage du baptême de Clovis, acte qui a donné naissance à la France où allait s’opérer à travers les siècles la symbiose entre les civilisations latine et germanique.
Musée des Beaux-Arts / Petite Galerie
J’ai parlé de long en large de la cathédrale. C’est parce que c’est ce qui m’a le plus impressionné. Reims ne se borne pourtant pas à sa seule cathédrale, loin de là ! Les gourmands penseront au champagne, les férus d’Histoire à l’oppidum gallo-romain de Durocortorum, illustré pat le cryptoportique, les petit-fils des Poilus au fort de la Pompelle d’où les obus allemands ont été tirés sur la ville pendant quatre ans. On n’a pas fait tout ça, mais mes filles sont allées faire du lèche-vitrine, pendant que moi, je me suis promené dans les salles du Musée des Beaux-Arts dont j’ai rapporté un regard empreint de beauté. La collection ne compte sans doute pas parmi les plus remarquables de France, mais j’y ai découvert des peintres dont je n’avais pas encore entendu parler, tels
- Louis Braquaval (1856 ‑1919, un des peintres de La Baie de Somme)
- Étienne (ou Nasreddine) Dinet (1861 – 1929, peintre orientaliste, converti à l’Islam)
- Charles Landelle (1821 – 1908)
- Octave Penguilly (1811 – 1870)
- Charles Perrin (1884 – 1964)
- François-Louis Schmied (1873 – 1941, artiste Art Déco)
- Frits Thaulow (1847 – 1906)
Je place ici quelques tableaux pour illustrer la liste des peintres. Pour la plupart, ce ne sont pas ceux que vous pouvez aller voir à Reims (à l’exception de la Juive de Tanger). Je les ai glanés sur Wikipedia, d’où proviennent aussi les rares renseignements qui sont disponibles sur la toile à propos de ces peintres. Mais allez voir vous mêmes, il y a des découvertes à faire, et il fait du bien de pouvoir sortir des ornières du savoir acquis :-) !



