Nico­las Lacharme, Vacances candaulistes

Voi­ci, avec Vacances can­dau­listes, le par­fait com­pa­gnon pour pas­ser quelques heures dans une ambiance décon­trac­tée, que ce soit dans un tran­sat près de la pis­cine, allon­gé à la plage sur une ser­viette qui sent si bon les peaux mouillées et le lait solaire, dans le train qui relie la capi­tale aux sta­tions du bord de la Médi­ter­ra­née, ou bien, si vous êtes dans le cas de Marion et de Nico­las et que vous n’a­vez pas les sous pour vous offrir des vacances, calé dans votre fau­teuil pré­fé­ré, peu importe la sai­son, en train de rêvas­ser d’un ailleurs où les fan­tasmes, guet­tant à fleur de peau, prennent des formes humaines, se changent en sil­houettes qui enva­hissent l’i­ma­gi­na­tion, vous entraî­nant vers des tétons qui se dressent sous un regard lubrique, des ventres qui fré­missent sous les caresses et des croupes qui se tendent vers des bites conquérantes.

Nico­las Lacharme est un jeune auteur débu­tant qui a entre­pris de rela­ter, dans ce pre­mier roman, une expé­rience can­dau­liste. Lais­sant entendre, dans une sorte de Pré­face, qu’il peut y avoir une ins­pi­ra­tion auto-bio­gra­phique au fond de tout ça, « une part de vécu » qui l’au­rait pous­sé à racon­ter l’é­chap­pée de Nico­las et de Marion, il ajoute savam­ment une dose de véra­ci­té à son récit, juste ce qu’il faut pour titiller la curio­si­té du lec­teur qui serait ten­té de mieux envi­sa­ger la pos­si­bi­li­té de vivre un fan­tasme que d’autres, avant lui, ont eu le cou­rage de réaliser.

Le fan­tasme dont il est ques­tion, celui de par­ta­ger sa femme, de l’of­frir à un autre tout en se conten­tant d’as­sis­ter aux ébats, de se délec­ter par le seul regard, n’a plus rien de très extra­or­di­naire, à en croire le nombre de résul­tats qu’un quel­conque moteur de recherche affiche pour une recherche après le terme can­dau­lisme. Pareil phé­no­mène dans les titres éro­tiques où les sujets can­dau­listes abondent, preuve, s’il y en avait besoin, que les auteurs savent recon­naître les sujets en vogue et s’a­dap­ter aux goûts des clients.

À lire :
Stella Tanagra, Sexe cité

Le lec­teur est donc invi­té à pas­ser une semaine de vacances en com­pa­gnie de Nico­las et de Marion, jeune couple qui, n’ayant pas les moyens de par­tir, répond à une annonce un peu par­ti­cu­lière qui pro­pose des « vacances can­dau­listes ». Une semaine de vacances, donc, tous frais com­pris, payée en nature par madame. Une situa­tion pas très ordi­naire donc, et le méchant terme de pros­ti­tu­tion flotte dans l’air pour dési­gner de tels pro­cé­dés. Le ménage à trois qui s’an­nonce, faci­li­té par la légè­re­té et l’in­sou­ciance de l’am­biance esti­vale, loin des obli­ga­tions du quo­ti­dien dans un espace hors du temps, se com­plique donc par un élé­ment bien plus sul­fu­reux, le fan­tasme de l’é­change se dou­blant de celui de la prostitution.

La qua­trième de cou­ver­ture insiste sur le trouble, sur les risques que de tels échanges font cou­rir, et il y a bien, dans le dérou­le­ment de l’in­trigue, quelques infimes détails qui semblent remettre en cause, pen­dant à peine quelques ins­tants, le bien fon­dé de toute cette aven­ture éro­tique, mais loin d’être à la base d’une réelle inquié­tude, d’une inter­ro­ga­tion appro­fon­die à pro­pos des rai­sons de ce qui pour­rait se révé­ler une véri­table remise en ques­tion du couple, Nico­las Lacharme se contente de faire allu­sion à quelques doutes, quelques réflexions de la part de son pro­ta­go­niste mas­cu­lin, des réflexions qui sont loin quand même de jus­ti­fier le défi que l’au­teur s’est lan­cé dans la des­crip­tion de son roman, à savoir de mettre l’ac­cent sur « la psy­cho­lo­gie des rela­tions adul­té­rines consen­ties ». Tout se déroule un peu trop à la façon d’un scé­na­rio sur lequel tout le monde s’est mis d’ac­cord avant de pas­ser à l’acte, et tout le monde y est bien beau, tout le monde y est bien gentil.

À lire :
Katie Ellison, The Modesty Diaries, t. 1 "The journey"

Si on peut donc repro­cher au récit une trop grande linéa­ri­té, il ne faut certes pas trop deman­der non plus à un texte tout empreint de la légè­re­té esti­vale, et on recon­naît avec un plai­sir non miti­gé que Nico­las Lacharme réus­sit à recréer cette ambiance si par­ti­cu­lière d’une échap­pée dans le midi, sorte de cin­quième sai­son à l’a­bri des sou­cis, et les expé­di­tions dans les terres trem­pées de soleil, dans les criques de la côte médi­ter­ra­néenne, dans les eaux qui baignent les plages des îles per­dues dans la grande bleue, sont tout sim­ple­ment déli­cieuses avec leur mélange char­mant d’une sen­sua­li­té tor­ride et d’un très léger exo­tisme. Nico­las Lacharme fait péné­trer ses lec­teurs dans l’in­ti­mi­té de ses pro­ta­go­nistes et n’hé­site pas à les faire assis­ter aux ébats de son trio entre­pre­nant, et si ses des­crip­tions font sou­vent mon­ter la cha­leur, elles ne sont jamais vul­gaires. L’eau salée se mêle à la sueur, les dési­rs se réchauffent, la sève monte et la femme, rem­plie de sperme et de mouille, déborde d’un plai­sir qui se nour­rit de trans­gres­sion et de nouveauté.

Vacances can­dau­listes peut être consi­dé­ré comme le modèle d’un texte esti­val dans ce que ce terme exprime de léger, d’in­sou­ciant, de joyeux, une sorte d’es­ca­pade impu­dique vers des plai­sirs sans doute plus sou­vent fan­tas­més que réa­li­sés. Mais la grande échap­pée des vacances, n’est-elle pas pro­pice à de tels mirages, des mirages qui peut-être égarent le voya­geur, mais qui font entre­voir des plai­sirs insoupçonnés.

Nico­las Lacharme
Vacances can­dau­listes
Auto-édi­tion
ISBN : 9781311663153

La Sirène de Montpeller