Au Musée Fabre de Montpellier s’est ouverte, Il y a à peine quelques jours, une exposition consacrée à un des maîtres de l’impressionnisme naissant : Frédéric Bazille, La jeunesse de l’Impressionnisme. Ayant déjà eu l’occasion de parler de ce peintre lumineux qui maîtrisait les grands espaces aériens tout comme l’intimité de la toilette d’une jeune femme, ou celle de son atelier d’artiste, je profite de cette occasion pour présenter ici un tout petit tableau conservé au Musée Wallraf de la ville de Cologne. Peint en 1869, il porte le titre Jeune femme dans les vignes.

Le buste d’une jeune femme, vigneronne sans doute, se dresse, légèrement décentré, devant un pan de ciel bleu encadré par des nuages. Son corps sort d’une végétation luxuriante qui recouvre le sol visible au premier plan. Quelques grappes de raisins sont visibles dans la marée verte, les fruits reprenant, dans une variation plus foncée, plus vivante, la couleur de la terre dont ils ont transformé la minéralité en force vitale. À côté du pied de la vigne, on devine les pieds de la vigneronne qui semble, elle aussi, sortir de la terre du Languedoc, sa vitalité nourrie par le même terroir. La verticalité de ces deux éléments du tableau, de la vigne et de la jeune femme, les rapproche davantage et souligne les liens de parenté entre les éléments biologiques, des échantillons de la vie qui se dresse et se répand, fière, flottant entre le sol et le ciel, luxuriante, mais encadrée, comme dans un écrin. Si d’autres tableaux de Bazille représentent avec bien plus d’expressivité les abîmes aériens, comme La Robe rose de 1864 où les regards sont attirés par l’infini qui s’étend derrière le village du second plan, et surtout la Vue du village de 1868 ou le regard menace de sombrer dans un abîme de luminosité vide, l’esquisse de 1869 capte elle aussi le charme séducteur des espaces « inhumains », charme ambigu à la sublimité à peine mitigée par le vert de la vie.
Dans le cadre du projet Recherches sur la technique de la peinture de l’impressionnisme et du post-impressionnisme, projet réalisé par le Musée Wallraf qui dispose d’une des plus importantes collections de peintures impressionnistes et post-impressionnistes de l’Allemagne, le tableau en question a été analysé de façon très complète et les résultats sont disponibles en ligne.
Malgré la disponibilité de cette source riche en informations, le tableau est curieusement absent de la Toile, et même Google, pourtant versé dans l’art de retrouver jusqu’aux mentions les plus obscures, ne montre nulle trace de cette jeune vigneronne qui, Vénus terrestre, sort d’un déluge de verdure. J’ai même été quelque peu étonné de trouver le tableau à sa place habituelle, le croyant parti pour l’exposition de Montpellier.
La Jeune femme, plutôt une étude ou une esquisse qu’un tableau achevé, donne pourtant une très bonne idée de la maîtrise acquise par Frédéric Bazille dans la représentation de la lumière, et j’espère que quelques-uns, soucieux de mieux se documenter après une visite dans l’exposition, tomberont sur cet article et découvriront un petit tableau trop peu connu.