Voici une toute petite idée mise en lettre, celle de vous parler de la séduction exercée par les récits et surtout les femmes bibliques sur les peintres, qui en ont profité pour étaler, sur leurs toiles ainsi que sous les yeux du monde et de la postérité, leur conception de ce qu’est la beauté. Une idée qui n’a rien d’originale et dont l’unique mérite est sans doute de m’avoir fourni un beau prétexte (comme si j’en avais besoin ;-)) pour écumer les eaux insondables de la toile à la recherche de quelques beaux tableaux. Elle m’a été inspiré par l’article que j’ai consacré, il y a quelques jours, à la Madeleine, une des figures féminines les plus séduisantes et les plus ambivalentes en même temps du Nouveau Testament, parfait exemple aussi de ce que le travail séculaire des imaginations masculines débridées peut accomplir : une femme tout à fait honnête, fidèle compagne du Seigneur, devient l’incarnation même de la Sainte Pute.

Mais la belle pénitente n’est pas seule dans l’inventaire biblique à attiser les imaginations des peintres, de leurs commanditaires et de leur public. Les salles des musées abondent de témoignages picturaux de ces échappatoires « bien-pensantes » du désir qu’on essaie de réprimer mais dont l’expression se fraye un chemin à travers tous les obstacles. Qu’on pense par exemple à la belle Suzanne, surprise par des voyeurs pendant qu’elle se croyait seule au bain, en train de s’adonner au plaisir solitaire des ablutions.
Ou encore à Bethsabée et aux regards concupiscents d’un des illustres ancêtres de Jésus, à savoir le roi David en personne, qui, après avoir joui du spectacle de la belle dans son bain, l’a fait mander dans son palais où bientôt allait se dresser le lit de leurs ébats coupables.

Dans les deux cas, la représentation de la féminité épanouie pourrait presque faire oublier le fonds criminel des récits qui en sont la base. Ainsi, pour vous détromper, permettez-moi de vous citer un dernier exemple avant de vous laisser vous bercer par le plaisir des expéditions « pittoresques » à travers la toile. Un exemple où l’eau est remplacée par le sang, versé sous les yeux du spectateur : celui de Judith, qui s’est servie, au bout d’une nuit passée avec le général des troupes ennemies, de son épée pour lui trancher la tête. Quelle richesse de symboles dans ce récit pétri de cruauté et de sexe, et qui illustre à merveille la proximité de l’amour et de la mort.
