Il y a une chose qu’on peut affirmer à propos d’Édouard Béliard, c’est qu’il a eu des amis illustres. Zola et Cézanne en firent partie, ainsi que, par leur intermédiaire, Pissarro, avec lequel il peignait, dans les années 1870, aux bords de l’Oise, et qui l’incita plus tard à exposer à côté des futurs « Impressionnistes », en 1874. Également présent à la deuxième exposition du groupe, deux ans plus tard, il a depuis sombré dans l’oubli et n’a guère laissé de traces dans l’histoire de l’Art. On a pu dire de lui qu’il était « cet artiste dont l’œuvre reste à peu près inconnu ».
Celui qui se met à la recherche de ses œuvres sur internet, voit s’afficher de bien maigres résultats. Absents de la base Joconde, on en trouve certains dans deux musées de la région parisienne, celui de Pontoise et celui d’Étampes, où l’on montre un petit nombre de tableaux, parmi lesquels figurent :
- Le quai de Pothuis à Pontoise
- Le moulin de Chauffour
- Rue des Moulins à Etampes
Une autre de ses toiles, une Scène de rue, se trouve outre-Atlantique, dans la collection du Chicago Art Institute.
Ce nombre assez restreint ramène le curieux vers Zola, grand ami de ces peintres qui, à partir des années 1860, mettaient en question les conventions ainsi que les institutions du monde artistique. Dans un roman, consacré à la peinture et à la vie des artistes, l’Oeuvre, 14ème volume des Rougon-Macquart, figure un certain Gagnière. Zola s’est justement inspiré de Béliard pour créer ce personnage, comme en témoignent ses notes manuscrites : « Raté comme peintre. Prendre là Béliard. A peine quelques toiles qui se couvrent de poussière. Le raté retourné chez lui. »
« À peine quelques toiles qui se couvrent de poussière » … Est-ce que Zola décrit un simple état de fait, ou est-ce qu’il porte un jugement sur la qualité artistique des tableaux ? Le roman fut publié en 1886, quand Béliard s’était déjà retiré du monde artistique pour se consacrer à la politique. Battu en 1886, il remporta les élections en 1892 et en 1896 et exerça, pendant huit ans, les fonctions de maire de la ville d’Étampes. Est-ce qu’il aurait lui-même été convaincu de la médiocrité de ses productions pour changer aussi radicalement de carrière ? Est-ce qu’il s’est vu contraint de renoncer à la peinture pour assurer l’entretien de sa famille ? Ou est-ce qu’il n’a pas eu le courage de s’imposer au public ?
Des questions difficiles à résoudre, à moins d’avoir accès à des documents qui pourraient y apporter de la lumière. Des documents qui n’existent peut-être tout simplement pas. Je n’en sais rien. À lire attentivement les quelques phrases de Zola, on se rend pourtant compte qu’il n’y est pas question de qualité. Et à force de regarder les tableaux disponibles, je trouve qu’ils sont bien trop beaux pour laisser persister l’oubli dont les décennies les ont entourés. Et la toile nous fournit fort heureusement les moyens de laisser parler les œuvres eux-mêmes. Chacun est donc en mesure de se faire une idée à propos du talent de celui dont Camille Pissarro lui-même a dit, dans une lettre de 1872, qu’il serait « une personnalité ».


3 réponses à “Édouard Béliard – le peintre qui devint maire (ces Impressionnistes qu’on oublie, part III)”
Bonjour,
Je ne vois vraiment pas ce qui vous autorise à qualifier les musées de Pontoise de « musée mineur de Province ». Il y a là beaucoup d’ignorance derrière ce mépris. Ni l’activité du musée (quelques 200 expositions temporaires en 30 ans) ni ses collections (25.000 références), ni sa position géographique (région parisienne), ni ses collaborations internationales, n’autorisent ce qualificatif. N’être pas « majeur » n’implique pas d’être « mineur », n’être pas à Paris, n’implique pas d’être en Province, etc.
Très cher Monsieur,
loin de moi l’idée de mépriser le travail d’un musée, aussi restreint que soit le nombre d’objets dont il assume la garde (je parle ici en général, pas de l’institution dont vous assumez la direction). Si vous vous promenez à travers les articles rassemblés dans ma bauge, vous vous rendrez très vite compte de l’estime que je porte au travail des équipes de musées dont le financement n’est malheureusement pas toujours à la hauteur de la tâche. Un petit instant d’inattention, et un vieux réflexe par trop centré sur les immenses collections parisiennes emporte la plume dans une qualification effectivement inadmissible.
Merci donc pour votre commentaire et pour les précisions à propos du travail fourni par votre équipe et ses prédécesseurs. Soyez sûr, Monsieur, que je profiterai de mon prochain séjour en région Parisienne pour visiter vos collections en personne. En attendant, est-ce qu’il y a des plans pour mieux présenter votre musée sur internet ? Il me semble que les amateurs d’art mais aussi le musée lui même en profiteraient largement.
Dossier de notre exposition actuelle téléchargeable sur :
http://web.archive.org/web/20131111014734/http://www.cddp95.ac-versailles.fr/agenda-culturel/article/exposition-de-la-foret-a-l-arbre
Autre exposition actuelle dont j’assure le commissariat avec pour partie des oeuvres du musée Pissarro (Musées de Pontoise) :
https://web.archive.org/web/20121122230551/http://ambafrance-jp.org/spip.php?article5477
Par ailleurs, les collections du musée figurent cette année dans un grand nombre d’expositions internationales. (Pissarro, Signac, Caillebotte, Matisse, Freundlich, Arp…).
Enfin concernant Otto Freundlich dont nous possédons la collection la plus importante au monde :
http://www.somogy.net/fiche.php?ref=9782757202890
Bien cordialement
Christophe Duvivier