Le Bra­bant – au cœur de la Belgique

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Au cœur de la Bel­gique, il y a le Bra­bant, et il n’est que jus­tice que l’hymne natio­nal de la Bel­gique s’ap­pelle – la Brabançonne.

La Brabançonne

Aujourd’­hui, le Bra­bant se pré­sente comme une région déchi­rée entre dif­fé­rentes aires lin­guis­tiques, appar­te­nant même à des États sépa­rés, notam­ment la Bel­gique et les Pays-Bas. Mais l’é­tat actuel n’est que la pro­lon­ga­tion de ce qu’a connu la région au cours des siècles. Il est dif­fi­cile de suivre son his­toire dans les détails, et comme je ne vou­drais pas embê­ter mes lec­teurs, je vais me bor­ner à évo­quer quelques repères.

À l’o­ri­gine du Bra­bant, comme à celle de la Flandre, il y a un Pagus, uni­té admi­nis­tra­tive des Francs, occu­pants de ces régions depuis à peu près le 3ème siècle. Et c’est à par­tir des ori­gines qu’on com­mence à s’embrouiller si on veut suivre le déve­lop­pe­ment des ter­ri­toires qui ont consti­tué ce Bra­bant pri­mi­tif. Il est tou­te­fois impor­tant de sou­li­gner que, à l’en­vers de la Flandre, le Bra­bant fit par­tie de la Lotha­rin­gie, consti­tuée en 843 par le trai­té de Ver­dun. La région fut donc net­te­ment moins visée par la volon­té de la Mai­son de France d’ar­ron­dir ses apanages.

L’an­cien pagus fut très vite décou­pé le long de ses fron­tières natu­relles et par­ta­gé entre les com­tés voi­sins d’A­lost, de Hal, de Hai­naut, de Bruxelles et de Flandre. (Petite remarque : Bruxelles – Hal, ça vous dit quelque chose dans le contexte actuel ? On pour­rait finir par croire que ces régions-là se défi­nissent par une cer­taine envie de se regrouper …)

Le nom de Bra­bant était donc près de som­brer dans les bas-fonds des conflits héré­di­taires des Moyens-Âges, mais la vani­té de la classe diri­geante l’en pré­ser­va. Un nom­mé Hen­ri I, Comte de Louvain(dont la région de Bruxelles fit par­tie depuis l’an Mil à peu près), pris du désir de s’é­le­ver en rang au-des­sus des comtes ses sem­blables, eut la bonne idée de prendre le titre de duc de Bra­bant, ce qui, dans la hié­rar­chie de la noblesse, consti­tua une nette pro­gres­sion par rap­port à tous ces comtes qui l’en­tou­raient de partout.

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Le nom fut donc sauf, et les des­cen­dants de Hen­ri s’illus­trèrent par des faits d’armes et par l’at­tri­bu­tion de pri­vi­lèges aux Bra­ban­çons. Pour­tant, le Bra­bant aus­si s’en­li­sa dans le mou­ve­ment qui, à par­tir du 14e siècle, s’emparait des terres de l’an­cienne Lotha­rin­gie et abou­tis­sait dans la volon­té de la mai­son de Bour­gogne d’é­ta­blir un troi­sième État entre la France et le Saint-Empire. On connaît le sort de Charles le Témé­raire et ce qui en résul­ta pour les « terres du milieu ». Le Bra­bant, tout comme une bonne par­tie des terres envi­ron­nantes, tom­ba sous la domi­na­tion de la Mai­son d’Au­triche qui prit fin seule­ment en 1794, avec l’en­trée des troupes françaises.

Après avoir racon­té toutes ces péri­pé­ties – et je me suis bor­né au strict mini­mum ! – il peut paraître éton­nant que le nom de Bra­bant ait été trans­mis de siècle en siècle, pas­sant aux mains de sei­gneurs par­fois très éloi­gnés. Aujourd’­hui, pour ne par­ler que de la Bel­gique, il y a une pro­vince fran­co­phone, une pro­vince néer­lan­do­phone, et la région de Bruxelles qui en est sépa­rée par un régime tout à fait dif­fé­rent, créant de bornes arti­fi­cielles entre les 19 com­munes qui consti­tuent la région et les terres envi­ron­nantes. On se demande pour­tant si, au moment de créer les deux pro­vinces, les diri­geants n’aient pas été gui­dés par la volon­té de repar­tir équi­ta­ble­ment entre les deux com­mu­nau­tés lin­guis­tiques le nom pres­ti­gieux, étroi­te­ment lié au sou­ve­nir de l’in­dé­pen­dance belge (et on pour­rait être ten­té de son­ger au sort de la biblio­thèque de l’U­ni­ver­si­té de Louvain).

Geneviève de Brabant
Gene­viève de Brabant

Aujourd’­hui, l’a­ve­nir de la Bel­gique semble plus qu’in­cer­tain, et la pos­si­bi­li­té d’un Bra­bant divi­sé entre des États sou­ve­rains est bel et bien envi­sa­geable. Mais le regard dans le rétro­vi­seur de l’His­toire nous a mon­tré une région qui a sur­vé­cu à tous les par­tages, qui furent nom­breux au cours des années. Mais la volon­té des nobles d’a­mé­lio­rer leur posi­tion aux dépens des nobles voi­sins a été rem­pla­cée par celle de « nations » qui vou­draient s’im­po­ser face aux autres. On se demande si cela ne rend pas les choses plus dif­fi­ciles à vivre, parce que, en cas d’é­chec, il ne s’a­git plus de la vani­té bles­sée d’un seul, mais de celle de cen­taines de mil­liers de per­sonnes qui pour­raient en prendre ombrage. Ce qui peut poten­tiel­le­ment mener à des confron­ta­tions d’une tout autre envergure.

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Il faut espé­rer qu’il n’en est rien, mais le ciel au-des­sus de Bruxelles semble déjà moins serein. Rap­pe­lons donc les paroles de Jen­ne­val de 1830, adres­sés aux « fiers bra­ban­çons, peuples de braves » :

« Sur Bruxelles, au pied de l’archange,
Ton saint dra­peau pour jamais est planté »

On ver­ra bien ça …

PS – Per­met­tez-moi une petite excur­sion dans un autre domaine. Si le nom de Flandre est à tout jamais lié à la pein­ture de ce côté-ci des Alpes, démons­tra­tion d’une volon­té et d’une capa­ci­té sur­tout de déve­lop­per de propres moyens d’ex­pres­sion, le Bra­bant a don­né nais­sance à un per­son­nage de légende dont la force évo­ca­trice est démon­trée par le seul fait que son his­toire ait ins­pi­ré les livres popu­laires qui conservent, au seuil de la moder­ni­té, les récits du Moyen-Âge : Gene­viève de Bra­bant. Per­son­nage de légende caro­lin­gienne, femme d’un grand de l’Em­pire, par­ti se battre contre les Arabes aux côtés ce Charles Mar­tel, elle occupe une place de choix dans l’i­ma­gi­naire occi­den­tal. Pro­vi­soi­re­ment endor­mie par l’âge de la Rai­son, elle a été réveillé par les Roman­tiques et est venue, du fond des siècles, han­ter les rêves d’au­teurs aus­si dif­fé­rents que Proust et Mae­ter­linck. Allez, chers lec­teurs intré­pides, relire un peu Pel­léas et Méli­sande pour péné­trer dans les cavernes d’Al­le­monde sur les traces de Golaud.

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95