Je ne me doutais pas que, quand j’ai mis en ligne un compte-rendu de ma première expédition dans les forêts des Cantons de l’Est – la partie germanophone de la Belgique, un territoire qui s’étend sur 853,64 km² entre, grosso modo, Aix-la-Chapelle au nord et la frontière boréale du Luxembourg dans le sud – que ce petit article, disais-je, serait voué à un grand avenir. Parce que, chaque fois qu’approche le printemps – et avec lui la saison de la cueillette de l’ail des ours – l’article en question grimpe dans l’hit-parade de mes articles les plus visités, avec une belle régularité renouvelée sans faille depuis maintenant cinq ans.

Cette première expédition a inauguré une petite tradition familiale, et c’est ainsi qu’on se donne rendez-vous une fois par an dans un village à deux pas de la frontière pour une randonnée dans la vallée de la Gueule (la Göhl, en allemand), suivie par une escalade des collines rocheuses qui bordent la petite rivière pour y admirer le tapis de mousse verte qui couvre le sol et donne l’impression de vouloir submerger les troncs des arbres.
On assiste là à un drôle de renversement : si d’habitude, la verdure s’étend en haut, inaccessible dans sa luminosité verdoyante, bien au-dessus des têtes des randonneurs, là où le bruissement des feuilles attire les regards avides d’espace, les rôles sont inversés dans ces quelques semaines à cheval sur l’hiver et le printemps, et c’est le sol qui se couvre de verdure, un vert jeune et intense dans sa fraîcheur, un tapis qui non seulement recouvre les feuilles mortes et les branches dénudées des buissons d’une couche de vie renouvelée, mais qui, en remplissant l’air d’une forte odeur d’ail, fait saliver le randonneur qui imagine déjà les délices concoctés grâce à cet ingrédient de choix.
Mais il y a, à cette saison où la météo commence tout doucement à prendre des allures printanières, d’autres petites merveilles à découvrir, des fleurs qui profitent de ce que les rayons de soleil ne soient pas encore captés par le feuillage des arbres et qui en profitent pour s’épanouir dans leur beauté discrète et d’autant plus ravissante, comme l’Anémone des bois.

Mais il ne faut pas croire que toute beauté préfère rester discrète. Il y a celle qui adore se pavaner sous le regard ahuri du spectateur, ébloui par tant de lumière dorée au milieu des tons foncés des forêts dénudées. Et il faut convenir que l’absence de modestie ne rend pas moins désirable le Narcisse jaune.

Un fait qui peut s’avérer utile pour le randonneur tardif, c’est que la saison de l’ail des ours s’étend quand même sur plusieurs semaines. Les plantes épanouies, aux larges feuilles, côtoient ainsi les poussées à peine sorties de terre :

Avant de conclure, il ne faut pas non plus oublier de mentionner la beauté du paysage, une beauté sauvage cachée au milieu de paysages cultivés pourtant depuis des millénaires :

Et puis, il y a l’eau, un élément qu’il ne faut pas chercher longtemps dans nos régions abondamment irriguées.


Et voici que se termine le récit d’une petite bouffée d’air. Bouffée que votre serviteur vous conseille très fortement de prendre entre deux lectures érotiques ;-)