
Avant de s’illustrer dans la célèbre série des Dix, lancée par la maison pure player Edicool, Éric Neirynck, auteur bruxellois à la plume tendrement farouche, a déjà publié, aux Éditions LC, un premier recueil papier rassemblant 14 petits textes sous le titre « Facebook, mon amour ! » Ce tirage, jamais facile à acquérir (cf. le témoignage de cette lectrice), étant épuisé, les Éditions Kirographaires viennent de publier une nouvelle édition de ce recueil, revu et augmenté de deux textes supplémentaires, ce qui permet aux amateurs du grand Bruxellois de redécouvrir ses premiers textes.
Pour accompagner la deuxième naissance de son recueil, Éric a su séduire Grégoire Delacourt qui en signe la préface, dans laquelle celui-ci nous donne un indice à propos de l’origine du titre. Parce que, à vrai dire, dans ces nouvelles dont une bonne partie parle d’amour, et d’un amour qui se décline, le plus souvent, sur le mode de l’échec, le célèbre réseau social est le grand absent, si ce n’est en tant que terrain sur lequel se préparent les rencontres (Rencontre online, Un jour de neige, Partir) ou encore celui où l’on poste un statut un peu comme un trophée (Imprudence). Ce qui risque évidemment de décevoir celui qui voudrait savoir comment la littérature perçoit les changements apportés aux relations entre les individus par ce nouveau phénomène numérique de masse, comment elle en tire ses sujets et de quelle façon ceux-ci sont ensuite traités.
Il ne faut pourtant pas chercher bien loin pour être renseigné sur l’origine du titre, et si la Préface explique que c’est sur Facebook qu’Éric a d’abord publié ses petits textes (p. 7), on apprend dans l’interview menée par Aurélie Gaillot que ce sont ces mêmes premières publications en mode social qui lui ont valu d’être abordé par les Éditions LC avec la proposition de les rassembler dans un recueil. Et c’est sur la quatrième de couverture de cette édition originale qu’on trouvera l’information que
ces nouvelles ont pris leurs sources dans les différents statuts, articles, commentaires et réactions publiés sur son réseau d’« amis ». (Babelio)
Il me semble donc que le titre fait plutôt référence à la source des inspirations, aux faits divers qui sont à l’origine des textes qu’à une volonté de sonder les bas-fonds des réseaux et leurs répercussions sur les relations humaines. Mais qu’on me comprenne bien, ceci n’enlève strictement rien à l’intérêt littéraire des petits joyaux qu’on peut trouver sur ces quelques soixante-treize pages.
Comme je l’ai dit plus haut, dans la quasi-totalité des récits, Éric parle d’amour. D’un amour qui, le plus souvent, ne se réalise pas, et dont la conclusion du texte le plus frappant, Paris, 5 mars 2010, est presque emblématique, parce qu’il ne faut pas toujours chercher une raison aux échecs accumulés. En même temps, les hommes et les femmes qui s’y rencontrent (ou pas), sont pour la plupart des marginaux, comme le pigiste qui se drogue à l’adrénaline des rencontres arrachées aux inconnues des sites spécialisés (Fatigué), la vieille et le clochard (La vieille), le détenu qui vient de purger sa peine (Liberté), le chômeur retiré dans son studio accroché à Facebook comme dernier lien avec le monde (Un jour de neige). Et quand échec rime avec raté, le résultat est loin d’être brillant. Mais ça, c’est la vie, au moins celle selon Éric, et il faut surtout s’abstenir de passer un quelconque jugement sur la façon de la subir, cette vie. Il faut tout juste lire, et se laisser emporter par la beauté et la douceur qu’est capable de peindre la palette toute en grisaille d’Éric Neirynck, à l’image du ciel si souvent couvert au-dessus de l’Escaut. En cela, il faut reconnaître en cet auteur, qui n’en est qu’à ses débuts, un grand humaniste, capable de porter un regard empreint de tendresse lucide sur les personnages mêmes qu’il dissèque grâce au bistouri implacable de ses paroles. Et je vous assure qu’il faut un sacré tour de main pour le manier de façon aussi habile.
Mise à jour
Suite à la liquidation judiciaire des Éditions Kirographaires, le 23 avril 2013, le livre a été repris par Omri Ezrati. C’est vers cette édition-là que pointent les liens. D’après nos informations, le texte n’a pas été changé par rapport à l’édition précédente.
Éric Neirynck
FACEBOOK mon amour !
Collection privée Omri Ezrati
ISBN : 978 2322032174

Commentaires
3 réponses à “Éric Neirynck, FACEBOOK mon amour !”
Merci pour cette précision concernant facebook ! Parce qu’en effet, j’aurais attendu des histoires en rapport avec les rapports (justement) créés via ce réseau social (voire internet, de manière générale)…
Bon, pour moi, à lire quand le printemps sera là et que mon moral ira avec ! ;)
Dans l’état actuel des choses, je crois que je serais plutôt du genre à déprimer.