Ban­ned Books Week – La semaine du livre interdit

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J’ai raté, à cause de mes vacances, le début de cet évé­ne­ment annuel que j’ai décou­vert il y a déjà six ans, la Ban­ned Books Week – la semaine du livre inter­dit (ou plu­tôt reti­ré) – orga­ni­sée par une mul­ti­tude d’ac­teurs amé­ri­cains autour du livre comme, entre autres, l’As­so­cia­tion des libraires amé­ri­cains (ABA), l’As­so­cia­tion des librai­ries amé­ri­caines (ALA) et l’As­so­cia­tion des édi­teurs amé­ri­cains (AAP). Mais cela ne m’empêchera de vous relan­cer et de vous inci­ter à vous rendre sur le site consa­cré à l’é­vé­ne­ment qui offre une mul­ti­tude de pistes autour des ques­tions de la cen­sure et de la liber­té d’ex­pres­sion. Et qui per­met de faire de belles découvertes !

La bannière de la Banned Books Week

L’i­dée à l’o­ri­gine de l’é­vé­ne­ment est de don­ner une meilleure visi­bi­li­té à des textes ayant été remis en cause, prin­ci­pa­le­ment dans les écoles et les librai­ries amé­ri­caines, pour des rai­sons comme : vio­lence, sexua­li­té expli­cite, homo­sexua­li­té, et j’en passe. Les orga­ni­sa­teurs ont dres­sé la liste des titres concer­nés et publié les top 10 sur le site bannedbooksweek.org. On se rend compte, en l’é­tu­diant, que les rai­sons invo­quées pour deman­der le retrait d’un titres des éta­gères ou des listes de lec­ture sont sou­vent les mêmes : per­son­nages LGBT, per­son­nages trans­genres, sexua­li­té explicite.

Quand je dis « remis en cause », il faut peut-être m’ex­pli­quer : Les écoles amé­ri­caines dis­po­sant de très grandes liber­tés dans la com­po­si­tion de leurs cur­ri­cu­la, c’est l’é­cole qui pro­pose à ses élèves des listes de lec­tures. Ces listes sont évi­dem­ment sou­mises aux parents d’é­lèves et cer­tains y trouvent à redire, très sou­vent pour les rai­sons sus-men­tion­nées, deman­dant ensuite de reti­rer un texte de la liste en ques­tion, pri­vant ain­si les enfants de pro­fi­ter des idées et des réflexions abor­dées dans le texte. Et remet­tant en cause, par la même occa­sion, les prin­cipes péda­go­giques ayant pré­si­dé à la sélec­tion. Et cer­tains ne se gênent pas de deman­der à des libraires de reti­rer, tou­jours pour les mêmes rai­sons, cer­tains titres de leurs éta­gères. Ce qui étonne moins quand on se sou­vient du tol­lé sou­le­vé par Outrage, der­nier roman de Marys­sa Rachel.

À lire :
John William Godward - l'Antiquité allongée

On est tous plus ou moins au cou­rant de la pous­sée conser­va­trice à l’œuvre outre-Atlan­tique et de l’im­por­tance qu’on y attri­bue aux ques­tions de reli­gion, et on ne sau­rait s’é­ton­ner d’un phé­no­mène qui, en plein roll-back conser­va­teur au début des années 80, a conduit les acteurs du mar­ché du livre à abor­der la ques­tion des textes ban­nis (reti­rés, inter­dits, etc.) et de créer la Ban­ned Books Week. Mais qu’on ne vienne pas mon­trer du doigt les puri­tains amé­ri­cains aus­si retar­dés que réac­tion­naires ! Il suf­fit d’a­voir vu défi­ler la Manif pour tous avec ses slo­gans plus ou moins ouver­te­ment homo­phobes et hos­tiles à la théo­rie du genre et à l’é­du­ca­tion sexuelle pour se convaincre que la France n’est pas encore assez vac­ci­née (coup de cha­peau à Mme Buzyn) pour résis­ter aux coups bas contre la liber­té d’ex­pres­sion (et celle de récep­tion) qui risque elle-même d’être – remise en question.

Célé­brons donc, avec nos amis amé­ri­cains, la Ban­ned Books Week, et pro­fi­tons de cet évé­ne­ment pour rendre hon­neur aux textes qui, en déran­geant et en heur­tant les sen­si­bi­li­tés, sau­ve­gardent l’es­sen­tiel de ce qui fait la littérature.

Les textes cités sur bannedbooksweek.org ont sans doute tous leurs mérites, mais qu’il me soit quand même per­mis d’en indi­quer un qui me paraît digne du plus grand inté­rêt. Je parle de This one sum­mer, une bande des­si­née signée Mari­ko et Jillian Tama­ki, scé­na­riste et des­si­na­trice cana­diennes de renom­mée inter­na­tio­nale. La BD a été publiée en France en 2014, l’an­née même de sa paru­tion aux États-Unis, sous le titre Cet été-là, et a reçu de nom­breuses dis­tinc­tions depuis sa publi­ca­tion. C’est dire que la renom­mée et la qua­li­té ne donnent aucune garan­tie face à des consi­dé­ra­tions de morale religieuse.

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95