Antonin Gallo fait partie de ces artistes que je suis depuis un certain temps et dont les dessins ont le secret de me ravir à chaque fois que je les contemple. Et pourtant, on n’y trouve pas de grands gestes, le style se passe de tout caprice, et le tout se présente le plus souvent en petit format. Une petite page A5, parfois A4, et tout est dit. Et quand on néglige pas de faire attention aux nouvelles qui passent sur les réseaux numériques, on peut se retrouver l’heureux propriétaire d’un des ses petits miracles pour une somme vraiment modique.
Dans le cas que je vous présente aujourd’hui, tout a commencé par une campagne de financement participatif – le crowdfunding pour nos amis anglophiles – lancé sur la plateforme Ulule. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas le principe, il s’agit de présenter un projet et de collectionner les fonds nécessaires auprès des internautes. C’est évidemment un bon moyen pour des petits inconnus qui ont souvent de bonnes idées sans disposer des ressources nécessaires pour la mise en œuvre, mais il y a aussi des institutions de renommée nationale qui ne se privent pas de profiter du procédé en question quitte à promouvoir les donneurs de fonds en mécènes.

Quant à la campagne lancée par Antonin Gallo aka Monsieur To, il s’agissait de lever les fonds pour un nouveau volume (le troisième déjà) de ses Good Morning ! Warm-ups. Sous cette appellation se range une série de dessins présentant des jeunes femmes – en tenue plus ou moins complètes – en train de faire leurs exercices sportifs du matin, de s’y préparer ou de procéder aux ablutions rendues nécessaires par l’effort. Ou, pour le dire avec les mots de l’auteur : « Il s’agit principalement de pin-ups et d’illustrations de charme. » [1]Présentation du projet sur Ulule.
Pour une participation à hauteur de 25 €, on pouvait choisir sa contrepartie dans un fond de dessins originaux ce qui, à mon avis, est une façon très intéressante – et très peu onéreuse – de faire entrer un dessin tout ce qu’il y a de plus charmant dans sa collection. Vous imaginez que, une fois que j’ai eu vent de la nouvelle campagne, j’ai aussitôt délié les cordons de ma bourse ! Et comme je viens de recevoir le morceau, quelques semaines après la fermeture de la campagne, j’ai hâte de le présenter à mes lectrices et lecteurs. Voici donc la Jeune fille couchée - esquisse plutôt que composition – dessin d’une jeune beauté tendrement diaphane tout en traits de crayon, lascivement couché(e)s respectivement sur le lit et le papier. J’ai scanné l’image pour la présenter ici, et j’ai ensuite renforcé la netteté des traits avec un logiciel spécialisé afin de vous faire profiter d’une meilleure visibilité des détails. L’original est nettement plus « flou », le trait plus ouateux, que la version numérique, et l’impression s’en dégage que le dessinateur a caressé le papier avec la légèreté d’un amoureux transi plutôt que la poigne de l’amant confirmé.

La jeune femme (j’hésite entre jeune fille et jeune femme, la demoiselle se trouvant quelque part entre deux âges), vêtue d’une sorte de T‑shirt ou d’une robe très courte glissée au-dessus de ses fesses, repose sur son lit, la tête – lourde de sa crinière et sans doute de fatigue – soutenue par son bras droit, tandis que ses longs cheveux bouclés tombent sur la couverture. Ses yeux sont fermés et elle donne l’impression de somnoler – à moins d’être emportée quelque part au loin par ses rêveries. La position choisie par l’artiste – le corps en repos, les fesses dégagées – n’est pas sans rappeler un motif cher aux artistes du XVIIIe, comme dans le tableau célèbre de François Boucher dont la sensualité aurait séduit le roi « bien-aimé » lui-même, qui aurait ensuite fait de la belle Louison une de ses maîtresses.

S’il y a évidemment beaucoup de différences entre les deux morceaux, une certaine parenté se dessine à travers les siècles. Et si le roi a depuis longtemps quitté la scène, l’érotisme des jeunes femmes n’a rien perdu de son magnétisme, captivant les artistes aussi bien que leur public.
Dans quelques semaines, une fois que l’encadrement aura été terminé, je pourrai donc accueillir une beauté intemporelle dans mon modeste appartement. Quant à vous, chère lectrice, cher lecteur, je ne peux que vous conseiller de suivre attentivement le progrès d’Antonin Gallo afin de ne pas rater l’occasion de vous procurer un de ses tableaux qui, aussi modeste soit-il, n’en dégage pas moins un charme puissant.
Références