Paul Cook, Actua­lit­té, et les remous sexistes dans l’u­ni­vers de la SF

Gene Wolf, pris pour une femme à cause de ses rondeurs ? (crédit photographique : Cory Doctorow) http://www.flickr.com/people/doctorow/
Gene Wolf, pris pour une femme à cause de ses ron­deurs ? (cré­dit pho­to­gra­phique : Cory Doctorow)

Tout le monde ou presque connaît Actua­lit­té, un maga­zine d’ac­tua­li­té lit­té­raire, consa­cré aux « uni­vers du livre ». Celui-ci est deve­nu une source d’in­for­ma­tion indis­pen­sable pour cha­cun qui s’in­té­resse, de près ou de loin, à la lit­té­ra­ture et aux métiers qui la « font ». On peut donc ima­gi­ner ma per­plexi­té quand je suis tom­bé aujourd’­hui sur un article par Julien Helm­lin­ger inti­tu­lé : Paul Cook dénonce la science-fic­tion au fémi­nin.

Comme je maî­trise de façon à peu près conve­nable la langue de Sha­kes­peare (à moins qu’il faille dire, vu le contexte, celle d’A­si­mov et de Hein­lein) je me suis ren­du sur le site d’Ama­zing Sto­ries pour y lire l’ar­ticle que Paul Cook a pos­té sur leur site [1]Au fait, il n’y a même pas de lien vers cet article dans celui publié par Actua­lit­té, ce qui aurait été le moindre des égards envers le lec­teur sou­cieux de se ren­sei­gner.. Je n’en reviens pas, après lec­ture, de mon éton­ne­ment quant à l’é­ten­due de la mau­vaise foi qu’on trouve dans l’ar­ticle qu’Ac­tua­lit­té a cru bon de publier.

Le pro­pos de M. Cook n’est pas du tout de s’en prendre aux femmes, mais de dénon­cer une habi­tude consis­tant à col­ler de mau­vaises éti­quettes sur un texte [2]Cook ne le dit pas expres­sis ver­bis, mais on peut sans doute rajou­ter : dans un but com­mer­cial. C’est ce qu’il reproche, dans la pre­mière par­tie de son article, à Gene Wolf, auteur qui n’a abso­lu­ment rien de fémi­nin. C’est à celui-ci pour­tant qu’il adresse les reproches les plus graves, à savoir de ne pas avoir fait ses recherches [3]« all of which in the real world would have spel­led doom for sur­face life long before the novels take place » et de mal user des pro­cé­dés lit­té­raires [4]« a long fai­ry tale inser­ted in the middle of the novel that goes abso­lu­te­ly now­here and adds nothing to the novel ».

Ensuite, dans les quelques lignes consa­crées à Lois McMas­ter Bujold, voi­ci ce qu’il dit :

« for me, per­so­nal­ly, it takes much of the dra­ma­tic urgen­cy out of a sto­ry if the hero is alrea­dy mar­ried or if during a skir­mish comes back to canoo­dle or wine or dine with his belo­ved before rushing back to the fray. » [5]sou­li­gné par tomppa28

Je sup­pose que c’est le pas­sage que M. Helm­lin­ger s’est per­mis de « tra­duire » par « [ces auteures] qui feraient bais­ser le taux de tes­to­sté­rone du registre lit­té­raire ». Je ne peux mal­heu­reu­se­ment pas être sûr de mon fait vu qu’on cherche en vain le mot « tes­tos­te­rone » dans l’ar­ticle de M. Cook. On peut pour­tant consta­ter que le pro­pos de celui-ci (quand il parle d”“urgence dra­ma­tique“) se place sur un niveau tout à fait dif­fé­rent (à savoir lit­té­raire) de celui où M. Helm­lin­ger a vou­lu l’a­bais­ser, dans le but de dénon­cer la miso­gy­nie ou le sexisme d’un auteur là où il n’y en a tout sim­ple­ment pas.

À lire :
Histoire d'un avortement annoncé ou - Gallikamp n'aura pas lieu. Réponse à M. Margantin

Ensuite, l’au­teur amé­ri­cain s’en prend à Sha­ron Lee et Steve Mil­ler, de sexe fémi­nin et mas­cu­lin res­pec­ti­ve­ment. S’il les classe effec­ti­ve­ment comme auteurs de romance („romance wri­ters“), ce n’est pas du tout pour dénon­cer l’ac­ti­vi­té lit­té­raire des femmes – auteures de science fic­tion. Au contraire, pour­rait-on dire, puisque Cook prouve par l’im­pli­ca­tion d’un auteur mas­cu­lin qu’il ne per­çoit pas du tout la romance comme un genre exclu­si­ve­ment féminin.

Quant aux zom­bies, il n’y a plus aucune conno­ta­tion avec le sexe de la per­sonne qui écrit, c’est juste une remarque qui vient com­plé­ter le pro­pos ini­tial de M. Cook, à savoir qu’il y a des textes mal-éti­que­tés. Et qui vou­drait en dou­ter ? Dans la mesure où il est par­fois car­ré­ment impos­sible de ran­ger un texte dans un genre bien déter­mi­né (d’où l’u­sage de béquilles comme Science-Fan­ta­sy).

On peut certes pen­ser que M. Cook a une vision trop étroite de ce que peut ou doit être un genre comme la Science Fic­tion, mais de là à lui repro­cher une vision machiste, pour ensuite ter­mi­ner sur une note alar­miste [6]« la ques­tion du machisme dans le milieu de la science-fic­tion reste pré­oc­cu­pante », il y a très, très, très loin. On s’é­tonne de trou­ver de tels pro­cé­dés et de tels pro­pos dans une publi­ca­tion comme Actua­lit­té qui a habi­tué ses lec­teurs / lec­trices à un bien meilleur niveau.

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Au fait, il n’y a même pas de lien vers cet article dans celui publié par Actua­lit­té, ce qui aurait été le moindre des égards envers le lec­teur sou­cieux de se renseigner.
2 Cook ne le dit pas expres­sis ver­bis, mais on peut sans doute rajou­ter : dans un but commercial
3 « all of which in the real world would have spel­led doom for sur­face life long before the novels take place »
4 « a long fai­ry tale inser­ted in the middle of the novel that goes abso­lu­te­ly now­here and adds nothing to the novel »
5 sou­li­gné par tomppa28
6 « la ques­tion du machisme dans le milieu de la science-fic­tion reste préoccupante »
À lire :
Xavier Fisselier, Mauvaises nouvelles
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95

Commentaires

4 réponses à “Paul Cook, Actua­lit­té, et les remous sexistes dans l’u­ni­vers de la SF”

  1. Mer­ci infi­ni­ment pour ces pré­ci­sions (et le lien vers le com­men­taire ori­gi­nal de Paul Cook). J’a­voue hon­teu­se­ment que je n’ai même pas pen­sé à aller lire le texte anglais moi-même, j’ai réagi direc­te­ment à l’ar­ticle (sur Twit­ter heu­reu­se­ment, c’est moins affi­ché… :þ ), à tort.

    Je pren­drai garde doré­na­vant de véri­fier les dires des articles d’Actualitté… ^^;

    1. Avec plai­sir. Il faut mal­heu­reu­se­ment tou­jours se méfier. Ce qui est par­fois bien embêtant…

  2. Les articles d’Ac­tua Lit­té, en plus d’être très mal écrits, sont bien sou­vent bour­rés d’ap­proxi­ma­tions et d’er­reurs, une source d’in­for­ma­tion à éviter…

    1. Mer­ci pour votre avis concer­nant Actua­Lit­té. Contrai­re­ment à vous, je pense que grand nombre de leurs articles sont bien recher­chés et je me laisse volon­tiers ins­pi­rer par leurs points de vue. Il va de soi, pour­tant, qu’il ne faut pas se fier aveu­glé­ment à l’a­vis d’au­trui, et rien ne dis­pense de la néces­si­té de mener des recherches indé­pen­dantes et / ou de diver­si­fier les sources d’informations.