June Sum­mer, Aven­tures liber­tines, le Cap !

Fran­che­ment, com­ment ima­gi­ner un meilleur nom de plume pour faire entrer un de ses titres dans mes Lec­tures esti­vales ? June Sum­mer, c’est déjà tout un pro­gramme, et le titre que j’ai choi­si par­mi ses nom­breux textes, Aven­tures liber­tines, le Cap !, réunit tous les ingré­dients capables de me faire rêver : le soleil, la mer, la plage, les forêts de cyprès, l’air chauf­fé à blanc, la peau nue des belles femmes qui sent si bon le sel et l’huile solaire, un mélange qui détonne, le tout rehaus­sé par une très bonne dose d’é­ro­tisme et de sexe. Cha­peau, Mme Sum­mer, vous savez com­ment lever la bête poi­lue et sau­vage au fond de sa forêt nordique :-) …

Le texte démarre dans un calme mati­nal, à mille lieues de l’a­ni­ma­tion tor­ride que la nuit fait régner dans les boîtes de nuit du Cap, un calme dont pro­fite Richard, quin­qua­gé­naire très bien dans sa peau, rési­dant per­ma­nent du vil­lage natu­riste, pour prendre un petit déjeu­ner en rumi­nant les pro­jets et les ren­dez-vous de la jour­née et des jours sui­vants. Pen­dant que Richard com­mence donc son par­cours en dou­ceur, d’autres s’ap­prêtent à rejoindre le grand mou­ve­ment migra­toire déclen­ché par l’ar­ri­vée des grandes vacances, un élan de masse vers le soleil qui fait miroi­ter les eaux de la Médi­ter­ra­née, un spec­tacle hal­lu­ci­nant qui se renou­velle chaque année et nour­rit l’illu­sion d’une vie plus facile, libé­rée, pour quelques jours au moins, d’un quo­ti­dien qui paraît, par oppo­si­tion, noyé dans la grisaille.

Les Aven­tures liber­tines de June Sum­mer réunissent, le temps d’une semaine, plu­sieurs per­son­nages, aux his­toires et aux ori­gines diverses, appe­lés à se croi­ser, de loin ou de très près, dans le vil­lage natu­riste du Cap d’Agde, ce coin mythique du lit­to­ral de la France hau­te­ment appré­cié par les esti­vants, natu­ristes aus­si bien que liber­tins, deux groupes aux exi­gences par­fois dia­mé­tra­le­ment oppo­sées qui pour­tant s’y côtoient en per­ma­nence, un mélange capable de créer des situa­tions qu’il faut savoir gérer.

Il y a tout d’a­bord Mike et Jus­tine, deux Gre­no­blois, la cin­quan­taine, divor­cés tous les deux après avoir consa­cré une bonne par­tie de leurs vies aux exi­gences de la famille et des enfants. Ils forment un couple prêt à s’ou­vrir à de nou­velles expé­riences, voire à les recher­cher acti­ve­ment, pour ren­for­cer encore un peu plus leur inti­mi­té. C’est autour de ces deux pro­ta­go­nistes atta­chants, que June Sum­mer fait évo­luer un essaim de per­son­nages de second plan, dont cer­tains ser­vi­ront à illus­trer les facettes du liber­ti­nage et les pro­blèmes liés à cette pra­tique, tan­dis que d’autres sont créés dans le seul but de s’at­ti­rer toutes les foudres de l’au­trice, incar­na­tions d’une étroi­tesse d’es­prit et d’une per­ver­sion égoïste capable de per­tur­ber le bon fonc­tion­ne­ment de la socié­té et la san­té men­tale des individus.

À lire :
Camille Sorel, Vacances en soumission

Les esti­vants débarquent donc dans le vil­lage, se mettent à explo­rer le voi­si­nage, à repé­rer les lieux pro­pices aux ren­dez-vous coquins, des liens com­mencent à se tis­ser, des ren­contres s’im­pro­visent, on réa­lise des ren­dez-vous pris de longue date, des couples se font et se défont, des rela­tions, enve­ni­mées par des décen­nies d’une vie conju­gale misé­rable, éclatent, tan­dis que d’autres se réveillent avec une gueule de bois et réa­lisent, face au vide, qu’il convient de s’en­ga­ger dans d’autres voies que celle des ren­contres sans lendemain.

L’é­ro­tisme, comme on a le droit de l’at­tendre de la part d’un texte qui affiche le mot liber­tin dans le titre, y est omni­pré­sent, et la cha­leur des corps qui se frôlent et qui se pénètrent n’a rien à envier à celle que fait régner le soleil. Cer­taines scènes sont même d’une inten­si­té cap­ti­vante, sur­tout celles qui réunissent Mike et Jus­tine dans un bal­let tor­ride, bal­let où ils sont rejoints à l’oc­ca­sion par Richard et ses invi­tés. Il y a d’autres per­son­nages encore qui, en y met­tant leur dose de sen­sua­li­té, rendent la lec­ture très agréable et par­fois même car­ré­ment ban­dante, mais ce sont les ren­contres entre Mike et Jus­tine et leur voi­sin éphé­mère qui font bouillon­ner les sèves. On devine même une cer­taine proxi­mi­té entre Jus­tine et son autrice, au point qu’on se demande si cette femme exquise ne serait pas ins­pi­rée par les faits et les gestes de Mme Sum­mer elle-même qui se serait ain­si dotée d’un double littéraire.

Les Aven­tures liber­tines se lisent avec plai­sir, et cer­taines pages évoquent avec une par­faite maî­trise la magie de l’é­té et de la plage. Si je for­mule quand même des réserves à pro­pos de ce texte char­mant, c’est que l’au­trice se laisse par­fois sur­prendre, les fils encore aux doigts, en train d’in­suf­fler un sem­blant de vie à ses per­son­nages qui seraient donc plu­tôt – des marion­nettes. Des marion­nettes mis en branle par des moti­va­tions dont on per­çoit un peu trop clai­re­ment qu’elles ne sont pas les leurs, mais plu­tôt celles de l’au­trice qui  n’hé­site pas à affi­cher ses inten­tions didac­tiques dans un effort pour expli­quer aux lec­teurs la vie du Cap et les codes du liber­ti­nage, les dif­fé­rences entre, d’un côté, les natu­ristes et, de l’autre, les liber­tins, les conflits qui peuvent naître de cette proxi­mi­té, les failles d’un liber­ti­nage peu éclai­ré qui cherche à réa­li­ser, coûte que coûte, ses aspi­ra­tions sans se sou­cier d’au­trui. On y trouve jus­qu’à des recettes qu’il faut suivre pour ne pas mettre en dan­ger son couple face à la jalou­sie, sen­ti­ment inavouable qu’on n’empêche pour­tant pas de poin­ter son vilain nez …

À lire :
June Summer, Les Chaussures rouges

Un der­nier point que je n’ai pas vrai­ment appré­cié, c’est le petit côté mora­li­sa­teur que l’au­trice fait par­fois entrer dans le récit d’une façon un peu trop sen­sible. C’est presque comme si celle-ci s’a­mu­sait à infli­ger des sanc­tions à ceux d’entre ses per­son­nages qu’elle a créés pour illus­trer les com­por­te­ments à évi­ter, comme celui, par exemple, de ne pas sor­tir cou­vert. Ou celui, encore, de ne pas savoir gérer sa frus­tra­tion sexuelle et d’empiéter sur le ter­rain des autres. Cela n’en­tame en rien le bon sou­ve­nir qu’ont lais­sé les récits des bati­fo­lages de Jus­tine et de Mike, mais c’est un trait qui sou­ligne encore une fois le côté trop didac­tique de ce texte, une inten­tion qui me semble dépla­cée dans un texte à voca­tion littéraire.

Ceci étant dit, je peux avouer que j’ai été fran­che­ment séduit par les aven­tures de Mike et de Jus­tine et de leurs cama­rades débau­chés. Et je sais un gré infi­ni à l’au­trice d’a­voir su rap­pe­ler, en fin de par­cours, que tout ça n’est en fin de compte qu’une paren­thèse et qu’il faut savoir gérer le quo­ti­dien, une fois sor­ti de la bulle esti­vale et de l’am­biance magique qu’elle recèle. Et je ne vous cache­rai pas qu’on peut tirer une bonne dose de plai­sir du récit de la fin des vacances, une conclu­sion où les pro­ta­go­nistes sont quelque peu mal­me­nés par une autrice qui cache mal ses vel­léi­tés sadiques ;-)

Aven­tures liber­tines, le Cap !, c’est un texte que je ne peux que recom­man­der, mal­gré quelques petites réserves, aux amou­reux de l’é­té et des plai­sirs esti­vants, et sur­tout à celles et à ceux qui pré­fèrent leurs plai­sirs – épicés …

June Sum­mer
Aven­tures liber­tines, le Cap !
Auto-édi­tion
ISBN : 978–2322081028

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95