Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens

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Avis à celles et ceux qui seraient ten­tés de lire le texte dont je m’ap­prête à par­ler : Cet article risque de conte­nir quelques spoi­lers, abs­te­nez-vous donc si vous tenez à le décou­vrir par vous-mêmes, quitte à reve­nir plus tard !

Loli­ta Lan­go­ry vient, comme tant d’autres, de la galaxie Watt­pad, comme elle ne manque pas de le rap­pe­ler dans ses Remer­cie­ments pla­cés en guise d’exergue en tête des aven­tures de sa jeune protagoniste :

Je tiens à remer­cier tous mes lec­teurs de Watt­pad qui m’ont sui­vie dans cette aven­ture…[1]Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, Remer­cie­ments

Lolita Langory, Maître des sens, version papier
Loli­ta Lan­go­ry, Maître des sens, ver­sion papier

Votre ser­vi­teur ne fai­sant pas par­tie de ces hap­py few, j’ai dû attendre l’an­nonce de la publi­ca­tion de son texte en ver­sion numé­rique chez Echo Edi­tions, pré­vue pour le mois de décembre, pour apprendre l’exis­tence de cette autrice au pseu­do­nyme rap­pe­lant les fastes éro­ti­co-lit­té­raires d’un autre âge[2]Soit dit en pas­sant, je vous décon­seille for­te­ment de faire une recherche Google image sur le pseu­do­nyme de l’au­trice ! Je l’ai fait afin de retrou­ver la cou­ver­ture du texte en ques­tion dans ses … Conti­nue rea­ding. Cette publi­ca­tion en numé­rique a d’ailleurs été pré­cé­dée par celle d’une ver­sion papier, dis­po­nible depuis le 16 août de la même année sur la pla­te­forme d’au­to-édi­tion d’A­ma­zon. Je ne sau­rais pas dire s’il y a, entre les deux ver­sions, des dif­fé­rences au niveau du texte, tou­jours est-il que je pré­fère de loin la cou­ver­ture dont l’au­trice a pour­vu son petit texte au moment de le confier au géant de Seat­tle, cou­ver­ture qui annonce au moins la cou­leur, tan­dis que l’autre (cf. infra) aurait pu figu­rer sur n’im­porte quel texte de Fan­ta­sy.

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas lu le texte pour vous par­ler de sa cou­ver­ture. Il s’a­git donc ici, je viens de le dire, des aven­tures de Marie Legrand, autrice, de son côté aus­si, de textes – éro­tiques. Ou plus exac­te­ment de la pre­mière par­tie d’un ensemble (pro­je­té ? déjà réa­li­sé ?) de textes, preuve d’une ambi­tion cer­taine de la part d’une autrice qui fait dire à sa pro­ta­go­niste en guise de conclu­sion du tome que vous êtes en train de consul­ter : « Sui­vez ma nou­velle aven­ture dans le pro­chain tome… » Mais avant d’i­ma­gi­ner une quel­conque suite aux aven­tures de celle-ci, Marie doit d’a­bord faire face aux pré­mices de ce qui se révé­le­ra un voyage vers des contrées bien plus loin­taines que n’im­porte quelle île exotique.

Maître des sens est un récit aux niveaux mul­tiples, avec un récit-cadre situé au niveau du pré­sent, intro­dui­sant, à par­tir du deuxième cha­pitre, le récit enca­dré dans lequel sera racon­tée l’i­ni­tia­tion de la pro­ta­go­niste dans l’u­ni­vers éro­tique. Le pre­mier cha­pitre la voit près d’at­ter­rir à Nice, de retour d’un long voyage (l’in­ti­tu­lé du cha­pitre tient à nous le rap­pe­ler, au cas où) l’ayant conduite à la Réunion où elle a ren­du visite à son père. Comme le moment du retour tombe en plein mois de décembre, Marie doit faire face au froid des lati­tudes de bien de chez nous, l’oc­ca­sion pour l’au­trice (celle du dehors aus­si bien que celle du dedans de l’u­ni­vers lit­té­raire dans lequel le lec­teur vient de s’en­ga­ger) de créer un beau contraste entre le froid exté­rieur et la cha­leur inté­rieure qui ne man­que­ra pas de dévo­rer la jeune femme. Qu’on voit, quelques ins­tants à peine après avoir mis les pieds sur le sol de la métro­pole, s’en­fer­mer dans une cabine de toi­lette afin de se four­rer les doigts dans la chatte. Ce qui conduit notre brave pro­ta­go­niste à vivre un des – trop rares – ins­tants fran­che­ment hila­rants de son récit :

Au moment où je com­men­çais à jouir, mon télé­phone son­na. Je m’arrêtai, frus­trée, puis fouillai dans mon sac pour prendre mon por­table, les doigts encore cou­verts de cyprine. [3]Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre I. Un long voyage

L’i­nop­por­tun se révèle être le petit ami de la pro­ta­go­niste cou­pée court dans ses élans mas­tur­ba­toires. Ce qui donne à l’hé­roïne l’oc­ca­sion de reve­nir en arrière pour four­nir aux lec­teurs les détails de sa ren­contre avec celui qu’elle fini­ra par appe­ler Maître des sens. Comme quoi je viens de pro­fi­ter de cet inci­dent pour vous expli­quer, en pas­sant, le titre. Ce qui nous apprend bien long sur les ver­tus d’une petite ses­sion d’au­to-satis­fac­tion de temps en temps.

Nous quit­tons donc les toi­lettes et en même temps le récit-cadre pour abor­der la Marie d’il y a deux ans. Autrice déjà – nous la sur­pre­nons au moment de pré­pa­rer des cadeaux pour ses « plus fidèles lec­teurs » – nous appre­nons d’elle qu’elle vient d’a­jou­ter à sa qua­li­té lit­té­raire et pro­fes­sion­nelle celle bien moins rigo­lote de céli­ba­taire, ayant quit­té son boy friend un mois plus tôt. Mais c’est du pas­sé, et là elle est près de rejoindre sa meilleure copine sur le mar­ché de Noël – où elle croi­se­ra la route d’un dénom­mé Adrien Baron, « pro­fes­seur de tan­trisme et ven­deur d’articles éro­tiques »[4]Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre III. Inter­ro­ga­tions et ini­tia­tion tan­trique de son état. Et domi­na­teur de jeunes filles, comme la pro­ta­go­niste l’ap­pren­dra plus tard.

À lire :
Ardem, Petite vicieuse

Je ne vais pas vous faire le compte-ren­du du récit, ce serait vous pri­ver du plai­sir de le décou­vrir par vous-même. Je me borne donc à vous don­ner les grandes lignes : Après avoir ren­con­tré son domi­na­teur en herbe sus-men­tion­né, Marie le rejoint le len­de­main pour une pre­mière ini­tia­tion qui, après un inter­ro­ga­toire assez pous­sé per­met­tant à Adrien d’ap­prendre que sa vic­time est vierge, se ter­mine par un « mas­sage intime » pour lequel elle est évi­dem­ment obli­gée de se mettre à poil – quelques ins­tants à peine après être entrée dans le stand du sieur Baron – afin d’of­frir sa poi­trine et sa chatte à celui qui ne cache pas son jeu en lui affir­mant de vou­loir lui apprendre à « se libérer ».

Après cette petite séance pré­pa­ra­toire, tout se passe très vite : invi­ta­tion à dîner, défi d’ac­cep­ter de par­ti­ci­per à une séance tan­trique en groupe, un bout de route ensemble dans la limou­sine obli­ga­toire – la nar­ra­trice parle d’un « engin [qui lui] cou­pait le souffle »[5]Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre V. L’œuf vibrant, et je pense qu’elle ne fai­sait pas allu­sion au bite de son futur amant – pour rejoindre le châ­teau – excu­sez du peu ! – où se tien­dra la réunion, le tout sans oublier de deman­der à la demoi­selle de se four­rer un œuf vibra­toire dans le minou. Ensuite, c’est la réunion au cours de laquelle la jeune Marie arrive à pro­non­cer cette phrase mémo­rable à pro­pos de la bite de son futur domi­nant : « C’est bizarre. Au début, c’est mou. Puis, il devient dur. » Eh ben, elle n’au­ra pas fini de nous éton­ner, celle-ci !

Comme le manuel du petit auteur débu­tant nous apprend qu’il faut son­ger à intro­duire des rebon­dis­se­ments – il faut un mini­mum de ten­sions quand même – Mme Lan­go­ry confie à l’an­cien petit copain de sa pro­ta­go­niste le rôle de trouble-fête afin de pla­cer quelques obs­tacles sur une route qui sans cela aurait été bien trop droite.

Mais comme on est ici dans une sorte de romance éro­tique, il faut appli­quer la maxime que tout n’est bien que s’il finit bien, et l’héroïne se retrouve dans les bras du sieur Baron auquel elle vient d’of­frir sa vir­gi­ni­té. Et comme il faut four­nir une open end à nous autres habi­tués des cliff-han­gers, le récit ne s’ar­rête pas avec cette pre­mière conclu­sion, mais va plus loin avec cette ques­tion posée là comme en pas­sant : « Accep­te­riez-vous de deve­nir ma sou­mise ? »[6]Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre X. Une sen­suelle veille de Noël Ques­tion à laquelle notre belle fina­le­ment assez peu farouche répond par l’af­fir­ma­tive. Ce qui per­met d’i­ma­gi­ner son ave­nir peu­plé de bien belles choses…

Vous allez me dire que c’est par­fait, tout ça, une jeune femme har­die qui ne recule devant rien pour se don­ner du plai­sir. Bien sûr, si c’é­tait ça, vous me ver­riez enthou­siaste de connaître les suites que l’au­trice entend don­ner aux aven­tures de sa petite Marie. Mal­heu­reu­se­ment, celle-ci a un côté tel­le­ment oie blanche – ou pour res­ter poli, disons : fleur bleue – qu’on a du mal à la voir se lais­ser culbu­ter par le pre­mier incon­nu venu qui – ima­gi­nons un peu sérieu­se­ment la scène – arrive à lui malaxer la poi­trine « comme s’il pétris­sait du pain »[7]Loli­ta Lan­go­ty, Maître des Sens, cha­pitre III. Inter­ro­ga­tions et ini­tia­tion tan­trique et à lui four­rer les doigts dans la chatte en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « putain ! ». Et tout ça à l’in­té­rieur d’un stand d’un mar­ché de Noël… Putain, effec­ti­ve­ment ! Et dire que je fré­quente des mar­chés de Noël depuis des décen­nies sans jamais y tom­ber sur autre chose que des hordes de tou­ristes bruyantes et très peu allé­chantes ! Je devrais recom­man­der ce texte rien que pour le fait de m’a­voir don­né des idées à pro­pos des mar­chés de Noël qui n’ont plus grand chose à voir avec l’ar­ti­sa­nat, le vin chaud et l’es­prit de Noël.

Sur un registre plus sérieux, je n’ai pas vrai­ment appré­cié la lec­ture, et la pro­ta­go­niste, même près de se lais­ser intro­duire dans l’u­ni­vers éro­tique d’A­drien Baron, ne me revient tout sim­ple­ment pas. Il y a pour­tant une expli­ca­tion à tout cela qui per­met de gar­der de l’es­poir pour la suite, et c’est bien la dif­fé­rence assez pro­non­cée entre la femme qu’on voit débar­quer à l’aé­ro­port de Nice au pre­mier cha­pitre (celle avec les doigts dans la chatte si jamais vous aviez oublié) et celle qu’on suit sur la tra­jec­toire la condui­sant entre les bras de M. Baron. Parce que, entre ces deux femmes, il y a comme un gouffre qu’on aime­rait impu­ter à sa décou­verte de « l’u­ni­vers éro­tique », à savoir la décou­verte de la sou­mis­sion et des plai­sirs qui viennent avec. Et il est au moins pos­sible que l’au­trice sait tirer pro­fit de cette plon­gée de sa Marie vers les fonds obs­curs de l’é­ro­tisme. Encore que la pré­sence de tous ces acces­soires qui flairent bien trop leur Fif­ty Shades comme le bolide alle­mand ou le châ­teau me laissent pré­voir le pire, c’est-à-dire l’en­nui d’une intrigue bien trop pré­vi­sible. Mais comme je suis tou­jours prêt à accep­ter de m’être gou­ré, je pro­mets ici solen­nel­le­ment de don­ner sa chance au tome sui­vant et de vous par­ler de ce qu’il arrive à la petite Marie au grand nom de famille.

À lire :
Maryssa Rachel, Décousue

Avant de vous quit­ter, je tiens à vous lais­ser quelques remarques sup­plé­men­taires gla­nées le long des pages du texte de Mme Lan­go­ry. Par­fois, celle-ci semble pos­sé­dée par une obses­sion cer­taine du décor, comme si elle vou­lait don­ner plus de réa­lisme ou de véra­ci­té à son his­toire en recréant, détail par détail, le monde dans lequel évo­lue Marie Legrand, jusque dans les arran­ge­ments spa­tiaux, comme cette armoire qui se trouve « en face de [son] lit » et « à côté de [son] bureau », ou encore la cabine de douche « pla­cée près des toi­lettes »[8]Tous les exemples sont tirés du cha­pitre II. Le Mar­ché de Noël.. Je me borne à ne vous citer que ces deux occur­rences-là, mais une lec­ture même super­fi­cielle en révé­le­ra très vite bien d’autres. J’au­rais envie de lui gueu­ler des­sus pour bien faire com­prendre qu’on s’en fout de tous ces détails bar­bants si ceux-ci ne servent à rien, si la pré­sence de ces indi­ca­tions n’a pas de consé­quences pour la suite de l’in­trigue. Et c’est exac­te­ment ce qui se passe ici : On voit se déployer un énorme effort pour don­ner les moindres détails, et cela ne sert à stric­te­ment rien. Même pro­blème quand il s’a­git des évo­lu­tions spa­tiales de ses per­son­nages, comme cette scène au res­tau­rant où l’au­trice / nar­ra­trice n’o­met pas d’in­di­quer que, après leur voir appor­té les consom­ma­tions, le ser­veur « se diri­gea vers une autre table ». Ou encore cette remarque « Mon pro­fes­seur paya par carte bleue. » Oui, et alors ? Qu’est-ce que cela nous apprend à pro­pos de celui-ci ? Que c’est un client lamb­da qui paye ses consom­ma­tions comme tous les autres ? Et pour don­ner un der­nier exemple, tiré de la même scène au res­tau­rant, cette réflexion de la pro­ta­go­niste qui pré­cise, après avoir indi­qué que le ser­veur est par­ti après avoir pris leurs com­mandes : « À pré­sent, j’étais en tête à tête avec mon pro­fes­seur. »[9]Exemples tirés du cha­pitre IV. Une étrange pro­po­si­tion Oui, c’est clair ! On peut se deman­der si la nar­ra­trice ne pren­drait pas ses lec­teurs pour des retardés…

Si l’i­dée de départ – l’é­du­ca­tion sen­ti­men­tale et sexuelle d’une jeune femme res­tée bien trop long­temps sur sa faim – est valide, le texte laisse entre­voir un cer­tain manque d’ex­pé­rience de la part de l’au­trice. Cela ira mieux au gré des textes futurs que l’au­trice – je l’es­père ! – ne se lais­se­ra pas dis­sua­der d’at­ta­quer. Un pro­blème plus sérieux me semble rési­der dans l’ab­sence de tout humour, quand une telle his­toire aurait pu être rem­plie d’une joie pétillante et d’une mali­cieuse légè­re­té. C’est à cela sur­tout qu’il fau­drait, à mon avis, palier.

Loli­ta Lan­go­ry
Maître des sens
ECHO Édi­tions
ISBN : 9782381020174

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, Remer­cie­ments
2 Soit dit en pas­sant, je vous décon­seille for­te­ment de faire une recherche Google image sur le pseu­do­nyme de l’au­trice ! Je l’ai fait afin de retrou­ver la cou­ver­ture du texte en ques­tion dans ses deux mou­tures, et j’ai dû me far­cir l’a­ver­tis­se­ment de Google comme quoi cher­cher des images de fillettes, c’est mal, même sur la Toile…
3 Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre I. Un long voyage
4 Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre III. Inter­ro­ga­tions et ini­tia­tion tantrique
5 Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre V. L’œuf vibrant
6 Loli­ta Lan­go­ry, Maître des Sens, cha­pitre X. Une sen­suelle veille de Noël
7 Loli­ta Lan­go­ty, Maître des Sens, cha­pitre III. Inter­ro­ga­tions et ini­tia­tion tantrique
8 Tous les exemples sont tirés du cha­pitre II. Le Mar­ché de Noël.
9 Exemples tirés du cha­pitre IV. Une étrange proposition
Dessin d'une femme debout en maillot de bain, vue de dos
Dessin réalisé par Machine-Eye