Comme vous le savez, un de mes livres a été édité par les Éditions Kirographaires. J’ai signé le contrat en juin 2011, et L’aventure de Nathalie est disponible depuis le mois de novembre de la même année. Il va donc de soi que je m’intéresse de près à ce qui se passe dans les bureaux de Marseille, siège de la maison depuis l’année passée. Et un des sujets les plus dignes d’intérêt de ces derniers mois est sans aucun doute l’annonce qu’on a pu lire dans les colonnes du blogueur Fabrice Lipsik : des pourparlers auraient lieu entre la direction d’un côté et M. Omri Ezrati de l’autre, éditeur, blogueur et ancien directeur d’ouvrage Kiro, en vue de confier la direction générale de la maison à ce dernier. Une affaire que l’intéressé lui-même ne dément pas, mais dont il affirme sur sa page Facebook qu’elle n’est pas encore conclue. Si je ne connais pas M. Ezrati, et ne prétends aucunement être au courant de ses qualifications, il faut pourtant dire que la maison dont il ambitionne d’assumer la direction connaît actuellement quelques problèmes qu’il ne sera sans doute pas facile de résoudre.
Un des atouts majeurs de Kirographaires est de proposer l’édition à compte d’éditeur. C’est-à-dire que les auteurs ne doivent pas payer pour être édités, ce qui est malheureusement loin d’être évident. Pour assurer la rentrée de fonds, les Éditions Kirographaires misent sur un modèle commercial basé sur un système de pré-commandes, ce qui signifie que chaque auteur doit fournir un maximum d’adresses mail, permettant ainsi aux chargés de promotion de contacter un grand nombre de personnes susceptibles de commander le livre en question, attirée dans la plupart des cas plutôt par des liens amicaux ou familiaux que par la valeur littéraire d’un texte que le public ciblé ne peut tout simplement pas encore connaître. C’est un modèle qu’on peut défendre dans la mesure où il faut quand même avancer des fonds afin de mettre sur pied une structure commerciale, payer ses employés, honorer les factures des imprimeurs, et que rien n’est moins sûr que le succès commercial d’un livre. Mais le fait que les Éditions Kirographaires aient décidé de se passer des services d’un distributeur ne facilite en rien cette affaire pas si mince que ça. Et ce qui est peut-être encore plus grave, c’est la pénurie d’efforts promotionnels dont font état plusieurs auteurs de la maison, et les retards importants dans la publication qu’ont connus d’autres (je pense par exemple à ce texte d’Aurélie Gaillot, entré dans la Bauge il y a des mois déjà, et dont la sortie, initialement annoncée pour décembre 2012, a depuis sans cesse été reportée). Un fait qui ne saurait étonner celui qui est au courant de la véritable explosion du catalogue avec un nombre d’auteurs qui se compte par centaines. On peut effectivement se demander comment une équipe assez restreinte (les informations disponibles sur le site officiel font penser à une dizaine de personnes) peut efficacement gérer une telle armée d’auteurs quand de petits éditeurs assurent en général qu’ils ne peuvent se permettre de publier plus que deux ou trois titres par an s’ils veulent sauvegarder la qualité. Une telle charge de travail explique peut-être aussi les départs fréquents de ces même collaborateurs. Il est vrai que l’équipe est renforcée par des free-lance, mais là aussi, la stabilité ne semble pas être au rendez-vous.
Certains ont voulu expliquer la croissance inouïe du nombre d’auteurs par la logique d’un système pyramidal qui a besoin de croître en permanence pour assurer l’arrivée de nouveau fonds afin de financer des dépenses antérieures. Compte tenu du peu de notoriété de la plupart des auteurs et de l’absence d’une promotion digne de ce nom, de telles réflexions peuvent se comprendre, sans que je veuille pour autant reprocher à la maison d’avoir songé à établir un tel système dès le départ. Il semblerait plutôt que l’idée à l’origine des Éditions Kirographaires n’a tout simplement pas été la bonne. Ce qui n’empêche que la maison peut encore puiser dans un très grand réservoir de textes, dont certains, de très bonne qualité, méritent de trouver des lecteurs. Si la maison, liée par contrat à un nombre ingérable d’auteurs, arrive par contre à se libérer des engagements envers une bonne partie de ceux-ci afin de se doter des moyens de fournir un travail de qualité à celles et ceux qui pourront rester, c’est ce que l’avenir proche va nous révéler. Quoi qu’il en soit et quels que soient les torts de cet éditeur, il serait dommage de voir disparaître une maison qui a eu le courage d’éditer des auteurs inconnus. On voit que les défis qui attendent un éventuel nouveau directeur ne sont pas des moindres. Espérons qu’il sera à la hauteur des textes qu’il sera chargé de défendre !
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2 réponses à “Quo vadis, Domine ? Quel avenir pour les Éditions Kirographaires ?”