Un Béliard à Cologne

Hier, j’ai eu le bon­heur de décou­vrir un tableau signé Édouard Béliard dans l’ex­po­si­tion qui vient d’ou­vrir ses portes au Musée Wall­raf, le Musée des Beaux Arts de la Ville de Cologne : 1863 – 1874, Révo­lu­tion dans l’Art.

J’ai déjà eu l’oc­ca­sion, il y a de cela 12 ans, de par­ler de ce peintre pra­ti­que­ment oublié à l’oc­ca­sion d’une série d’ar­ticles consa­crés à Ces Impres­sion­nistes qu’on oublie : Édouard Béliard – le peintre qui devint maire. Le donc voi­ci, le pre­mier tableau de ce peintre que j’ai pu voir de mes propres yeux. Et dont j’ai pu prendre une pho­to­gra­phie sans devoir me rendre au Musée d’É­tampes où les visi­teurs peuvent d’ha­bi­tude admi­rer la beau­té de ce pay­sage urbain et hiver­nal. Mais comme le musée est actuel­le­ment fer­mé, les conser­va­teurs ont déci­dé d’ac­cor­der un petit chan­ge­ment d’air à ce Béliard qui a donc pu tro­quer les rives de la Juine contre celles du Rhin.

Édouard Béliard, Le quai du Pothuis à Pontoise – effet de neige (1875) (Wallraf)
Édouard Béliard, Le quai du Pothuis à Pon­toise – effet de neige (1875). Tableau expo­sé dans le Musée Wall­raf de Cologne dans le cadre de l’ex­po­si­tion 1863 – 1874, Révo­lu­tion dans l’Art

Le Musée Wall­raf dis­pose, comme vous pou­vez le savoir si tou­te­fois vous sui­vez un peu mes articles consa­crés à autre chose qu’aux gali­pettes et aux divers registres de la per­ver­sion sexuelle, depuis l’in­té­gra­tion dans son fonds des tableaux de la Fon­da­tion Cor­boud, d’une très belle col­lec­tion de toiles impres­sion­nistes. On ne sau­rait donc s’é­ton­ner du fait que le Musée essaie de tirer par­tie de cette richesse en consa­crant assez régu­liè­re­ment des expo­si­tions aux peintres impres­sion­nistes. D’au­tant plus que ce cou­rant d’art conti­nue à jouir des faveurs du grand public et reste ain­si un atout qui peut assu­rer de belles recettes.

À lire :
Pierre Isidore Bureau – une absence (ces Impressionnistes qu’on oublie, part II)

Une des plus belles expo­si­tions du Wall­raf – Com­ment la lumière a été trans­fé­rée sur la toile – a d’ailleurs été consa­crée au côté maté­riel de cet art dont les pro­ta­go­nistes ont essayé, avec plus de dévoue­ment et de convic­tion que leurs pré­dé­ces­seurs, de cap­tu­rer les effets de la lumière. Des exploits ren­dus pos­sibles en grande par­tie par des nou­veau­tés telle que les tubes de pein­ture à l’huile – faciles à empor­ter quand il s’a­gis­sait de tra­vailler en plein air. Il suf­fit de contem­pler les célé­bris­simes séries de Claude Monet – les Meules de foin ou celle des Cathé­drales de Rouen – pour avoir une idée de la force de cette approche tout ce qu’il y a de plus moderne.

William Adolphe Bouguereau, La Baigneuse
William Adolphe Bou­gue­reau, La Bai­gneuse (1864), Musée des Beaux-Arts de la ville de Gand.

Cette fois-ci, en cette année qui voit le 150ème anni­ver­saire de la pre­mière expo­si­tion impres­sion­niste dans l’a­te­lier de Nadar, le Wall­raf a déci­dé d’illus­trer la décen­nie ayant pré­cé­dé l’ex­plo­sion impres­sion­niste, du pre­mier Salon des Refu­sés en 1863 jus­qu’à l’ex­po­si­tion de 1874 orga­ni­sée par la Socié­té ano­nyme des artistes peintres, sculp­teurs et gra­veurs, socié­té réunis­sant de futures célé­bri­tés telles que Claude Monet, Auguste Renoir, Alfred Sis­ley, Camille Pis­sar­ro ou encore Edgar Degas.

L’ex­po­si­tion du Wall­raf réunit donc des artistes dont les œuvres, à tra­vers leur contem­po­ra­néi­té, illus­trent la simul­ta­néi­té d’une mul­ti­tude de styles ayant contri­bué à la richesse de ce milieu cultu­rel en fusion où s’est for­gé l’a­ve­nir d’un Art en route vers la moder­ni­té ce qui allait – quelques décen­nies plus tard – conduire à l’a­bo­li­tion du style figu­ra­tif. Aujourd’­hui, on peut voir défi­ler sur les cimaises de l’é­norme Cube Ungers1, à côté des Impres­sion­nistes qu’on ne nom­me­ra plus, un Alexandre Caba­nel, un William-Adolphe Bou­gue­reau, un Laurent Bou­vier ou encore un Pierre Puvis de Cha­vanne. Le par­cours laisse donc sa place à l’a­ca­dé­misme d’une Nais­sance de Vénus (Alexandre Caba­nel) et à l’O­rien­ta­lisme (L’É­gyp­tien par Bou­vier) ou à la cou­leur locale (Par­tie de pelote sous les rem­parts de Fon­ta­ra­bie, par Gus­tave-Hen­ri Colin) bien plus pri­sés par le public des der­nières années du Second Empire et de la Répu­blique nais­sante que ces peintres impres­sion­nistes très loin encore de leur future renommée.

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Si vous avec la chance de pou­voir visi­ter Cologne avant la fin du mois de juillet 2024, je vous conseille très for­te­ment de pous­ser les portes du Wall­raf afin de pou­voir admi­rer un nombre impres­sion­nant de toiles réunis ici pour illus­trer des années char­nières non seule­ment du XIXe siècle, mais de l’His­toire de l’Art.

  1. D’a­près l’ar­chi­tecte Oswald Mathias Ungers à qui on doit les plans du gran­diose bâti­ment qui abrite, depuis 2001, les tré­sors du Wall­raf. ↩︎
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95