De retour de mes vacances, je vous livre enfin le dessin exécuté par Boldlyfashion pour la Bauge littéraire. J’espère que vous vous souvenez de cet artiste remarquable croisé sur Deviant Art, un dessinateur que je vous ai présenté il y a quelques mois et qui s’est proposé de traduire en dessin les joies de la tonte, une pratique complètement négligée du BDSM. Vous en conviendrez, les soumises de tous poils et les maîtres peu avares en punitions corporelles tiennent le haut du pavé, séduisant par la capacité d’encaisser des unes et l’inventivité sans bornes des autres. Et la pratique, naguère encore reléguée dans l’ombre des back-rooms et des donjons à l’abri des regards curieux, jouit d’une popularité inouïe, au point d’inspirer de nombreuses publications tant dans le secteur littéraire (il suffit de voir passer le cortèges de soumises et d’esclaves de chez Tabou, Dominique Leroy, la Musardine, Évidence, et j’en passe) que dans celui des aides à la vie pratique. C’est parfois à se demander quand sortira le manuel de la ménagère soucieuse de bien entretenir l’arsenal de Monsieur afin de pouvoir ensuite en profiter avec la meilleure conscience possible. Après tout, le moyen de se faire fouetter le postérieur jusqu’au sang sans penser aux vilains microbes qui pourraient se cacher dans le cuir des lanières ? Faut pas déconner, non plus, et je vous promets que le souvenir d’une sepsis s’efface bien moins vite que celui d’une bonne fessée – aussi orgasmique fût-elle.
Mais il y a toujours, à côté de ce courant grand public du BDSM, des variantes plus souterraines dont les pratiques conviennent mieux aux écorchés de l’âme qu’aux personnes soucieuses de rayer un objectif de leur bucket-list. Quant à Boldlyfashion, cet artiste dont je ne sais absolument rien sauf qu’il sait exprimer une rare passion à travers quelques lignes habilement tracées, est-ce qu’il fait partie de ces écorchés, de ceux qui se retrouveraient désarmés devant leur passion s’il n’y avait pas l’art pour donner à celle-ci, à travers une sorte de tangibilité, une certaine – réalité ? Qui saurait le dire ? Toujours est-il que certains de ses dessins font se hérisser les poils de ceux – et de celles bien davantage encore – qui les regardent, tout en faisant appel à une libido qui garde entier son côté d’ombre et qui reste bien souvent – inavouable.

Comme je vous l’avais annoncé, Boldlyfashion a contribué, peu après la publication de mon article à la mi-juin, une illustration pour la Bauge littéraire. Mais comme j’ai décidé de mettre la Bauge aux couleurs de l’été avec les deux superbes baigneuses de Josep Giró, ce n’est que maintenant que je peux vous la dévoiler. Vous remarquerez qu’il y a comme une terreur, une violence sourde, à l’opposé du consentement si souvent invoqué, qui se dégage de cette illustration. Si vous conservez des doutes, profitez de l’occasion pour contempler les échantillons que j’ai décidé de vous offrir pour illustrer l’article dédié à l’artiste, scrutez les visages, les corps et les sexes glabres, les gestes des tondeurs, mettez tout cela dans un contexte historique, pensez aux connotations – en France ! – de la tonte en public, pour comprendre l’humiliation infligée à travers cet acte, et essayez ensuite de comprendre la lubricité qui s’en dégage, la volupté obscure de celles dont la nudité va bien plus loin que l’absence de vêtements. Vous conviendrez que Boldlyfashion a réussi à capturer – et à exalter – un côté trouble de la sexualité, un fantasme qui s’apparente à celui du viol, relégué dans les coins les plus obscurs de la conscience. Où il continue pourtant à palpiter dans le noir.