Mark Gol­ding et Belin­da Mosse, Sex on the beach

La cou­ver­ture de ce texte ne laisse sub­sis­ter aucun doute, et le titre vient confir­mer cette pre­mière impres­sion : Sex on the beach, c’est un récit d’a­ven­tures liber­tines. Et, en l’oc­cur­rence, les aven­tures liber­tines des auteurs, Mark Gol­ding et Belin­da Mosse, vécues dans le sud de la France, aux endroits mythiques d’un cer­tain liber­ti­nage étroi­te­ment lié au natu­risme qui se pra­tique assez cou­ram­ment sur une bonne par­tie des plages le long des côtes lan­gue­do­ciennes. Et il s’a­git bien ici, les auteurs tiennent à le pré­ci­ser, de sou­ve­nirs, d’é­pi­sodes vécus, et non point de fan­tasmes, le texte étant, comme le sti­pule le sous-titre, « un véri­table compte ren­du d’actes expli­cites d’ex­hi­bi­tion­nisme et de voyeu­risme » – « a true account of expli­cit dis­plays of exhi­bi­tio­nism and voyeurism ».

D’a­près ses propres auteurs, le texte n’a donc pas de voca­tion lit­té­raire, et il faut effec­ti­ve­ment l’a­bor­der plu­tôt comme un compte-ren­du de ce qui a pu se pas­ser – et se passe sans doute tou­jours – dans une par­tie deve­nue légen­daire du lit­to­ral du midi de la France. Un compte-ren­du qui, s’il n’o­béit pas pré­ci­sé­ment aux exi­gences de l’eth­no­graphe, rem­pli­ra quand même agréa­ble­ment quelques petites heures d’une lec­ture affrio­lante consa­crée aux joies de la plage – des joies bien plus épi­cées que ce qu’ont pu ima­gi­ner les archi­tectes de la mis­sion Racine :-) Les convo­lu­tions baroques du sous-titre que je viens de citer dans le para­graphe pré­cé­dent – aux­quelles il ne manque que quelques « y » bien pla­cés pour faire encore plus authen­tique – rap­pellent d’ailleurs une cer­taine joie de vivre, telle qu’on l’i­ma­gine à l’é­poque de Rabe­lais avec ses ripailles gar­gan­tuesques et son épi­cu­risme pantagruélique.

Le recueil contient des textes et des pho­tos, ces der­nières accom­pa­gnées d’une sorte de légende où Belin­da Moss – co-autrice du recueil et en même temps modèle des cli­chés – donne des expli­ca­tions à pro­pos du sujet et des cir­cons­tances de la prise. Il faut sans doute pré­ci­ser que Belin­da s’ex­pose dans des poses plus ou moins osées sous l’œil de la camé­ra. Si cela illustre assez bien le pro­pos du recueil qui, rap­pe­lons-le, se nour­rit d’ex­hi­bi­tion et de voyeu­risme, on regrette de ne guère y trou­ver de rap­ports avec les sou­ve­nirs évo­qués dans les textes. Il est certes tou­jours agréable de regar­der une belle femme plus ou moins dénu­dée, mais on aurait pré­fé­ré des pho­tos plus en phase avec le sujet.

Quant aux textes, Mark Gol­ding, l’au­teur res­pon­sable des par­ties nar­ra­tives, pré­cise que les mor­ceaux ras­sem­blés ici ont été rédi­gés bien­tôt après son retour en Grande Bre­tagne, afin de conser­ver le sou­ve­nir de ses séjours dans le Midi. Et ces sou­ve­nirs, il ne se contente pas de les confier à sa plume, mais il les pro­pose à ses lec­teurs comme point de départ de leurs propres fan­tasmes, ce qui peut-être les condui­rait  – qui sait ? – à se lan­cer à leur tour dans leurs propres aventures :

If you want to car­ry on you must now make this part of the sto­ry a fan­ta­sy of your own… [1]« Si vous vou­lez conti­nuer, vous devez faire de cette par­tie du récit votre propre fan­tasme », The inad­vertent voyeurs

Dans les textes, on trouve un peu de tout, des caresses pous­sées, des fel­la­tions, des rap­ports, des chattes qui mouillent et des queues qui jutent, le tout bien évi­dem­ment en public, sous les yeux bien­veillants des spec­ta­teurs qui s’in­vitent sans tar­der aux spec­tacles qui, s’il faut en croire les auteurs – et pour­quoi dou­ter ? – sont nom­breux à se pro­duire sur les plages natu­ristes qu’ils ont hono­rées de leur pré­sence. On doit concé­der à l’au­teur qu’il capte très bien le trou­peau des voyeurs, les couples avides de se pro­duire sous les regards, et cette foule venue des quatre coins du conti­nent pour pro­fi­ter de la légè­re­té d’un été tout droit sor­ti des ima­gi­naires et pour faire vivre la légende du Cap et de tous les autres endroits qui s’en­chaînent en bord de mer. Au risque de par­fois consa­crer un peu trop à la faci­li­té des cli­chés qu’on peut entre­te­nir à pro­pos de cet uni­vers pour­tant si par­ti­cu­lier, si digne aus­si d’une plume de maître qui cap­te­rait l’es­sence humaine des ren­contres, avec ses hauts et ses bas, ses côtés lumi­neux et ses coins obscurs.

À lire :
July Derval, La fleur de Porquerolles - 2. Sea, Sex and Sun

Fan­tasme, exhi­bi­tion­nisme, voyeu­risme – le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ab­sence de vête­ments fait tour­ner les ima­gi­na­tions dans un car­na­val des sens. Et il serait naïf de ne pas voir que le natu­risme jouit effec­ti­ve­ment, au grand dam d’une grande par­tie de ses adeptes, d’une répu­ta­tion assez sul­fu­reuse, au point de deve­nir pour cer­tains syno­nyme de liber­ti­nage. Mes propres lec­tures confirment la pré­sence de ce cou­rant liber­tin, même s’il serait mal venu de tout confondre. Qu’il suf­fise de citer June Sum­mer, autrice pré­sente dans l’é­di­tion 2015 des Lec­tures esti­vales avec son titre Aven­tures liber­tines, Le Cap !, sorte de manuel roman­cé à l’in­ten­tion des tou­ristes curieux d’en savoir plus, ou Syl­vain Lai­né, auteur d’Orgasme cos­mique au Ran du Cha­brier, texte très large qui, par­ti de situa­tions bien réelles et presque quo­ti­diennes, atteint à un ima­gi­naire cha­ma­nique pour faire du liber­ti­nage natu­riste une sorte de voyage initiatique.

Il ne faut pas expli­quer à un public fran­co­phone que l’au­to­bio­gra­phie peut avoir une très forte valeur lit­té­raire, Mme de Sévi­gnée et Jean-Jacques Rous­seau sont là pour le prou­ver. Et je peux confir­mer que les sou­ve­nirs réunis dans ce recueil se lisent avec plai­sir, l’au­teur maî­tri­sant un style léger bien adap­té aux plai­sirs qu’il évoque, à la légè­re­té esti­vale qui fleu­rit sous le soleil du midi et à la bon­ho­mie qui semble régir les inter­ac­tions de la faune qui fré­quente ces hauts lieux d’un cer­tain liber­ti­nage. Et voi­ci un des points que j’ai­me­rais remettre quelque peu en ques­tion. Il me semble per­ce­voir une ten­dance, dans les textes d’ins­pi­ra­tion natu­riste, de pré­sup­po­ser, à l’i­mage de ce bon Jean-Jacques, une sorte de bon­té natu­relle favo­ri­sée par un retour aux ori­gines – dont la nudi­té serait une sorte d’emblème. Il ne faut pour­tant pas oublier qu’il y a aus­si un côté plus obs­cur, et que la liber­té qui s’ex­prime à tra­vers le liber­ti­nage et la pro­mis­cui­té peut atti­rer des pré­da­teurs. Je pro­pose de relire à ce pro­pos l’ar­ticle consa­cré par le Monde au Cap d’Agde, haut-lieu des phé­no­mènes dont se réclame Sex on the beach.

Mais comme c’est l’é­té et que l’am­biance invite à la détente et à la célé­bra­tion de la beau­té, je vou­drais conclure sur une note plus légère : Vous décou­vri­rez que l’au­teur, outre le fait d’a­li­men­ter vos fan­tasmes, ne manque pas d’hu­mour, et d’un genre très bri­tan­nique en plus, quand par exemple il conclut un pas­sage où il a lon­gue­ment été ques­tion de vagins bour­sou­flés aux grandes lèvres très appé­tis­santes, en expli­quant, sur un ton très sobre et en fla­grante contra­dic­tion avec les sen­sa­tions qu’il vient de sus­ci­ter, qu’il aime­rait bien – pas­ser à table :

« Pen­dant qu’elle fai­sait des­cendre son bas­sin pour consu­mer l’acte, on par­tait en direc­tion du petit café près de la plage pour un petit en-cas de moules frites … » [2]« As she lowe­red her­self upon him to com­plete the act, we slip­ped quiet­ly away from the scene to go to the lit­tle café just along the beach for a plea­sant lunch of moules frites … », The Ita­lian job

Mark Gol­ding & Belin­da Mosse
Sex on the beach
Auto-édi­tion

À lire :
Thalia Devreaux, Vacances d'été avec mon chéri
Mark Golding, Belinda Mosse, Sex on the beach

Réfé­rences

Réfé­rences
1 « Si vous vou­lez conti­nuer, vous devez faire de cette par­tie du récit votre propre fan­tasme », The inad­vertent voyeurs
2 « As she lowe­red her­self upon him to com­plete the act, we slip­ped quiet­ly away from the scene to go to the lit­tle café just along the beach for a plea­sant lunch of moules frites … », The Ita­lian job
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95