Liber­té ché­rie – les leçons de la Science Fiction

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Drapeau français avec sigle de la fédération des planètes

Saviez-vous que le San­glier avait un petit côté ner­dique ? OK, OK, un gros côté ;-) … Après avoir revu – une fois de plus – l’in­té­gra­li­té de la série Star Trek : La Nou­velle Géné­ra­tion, je suis main­te­nant en train de dévo­rer Star Trek : Deep Space Nine (DS9), une série nom­mée après une sta­tion spa­tiale, sorte de port franc pla­cé à un endroit des plus stra­té­giques, près d’un vor­tex qui relie des sec­teurs très éloi­gnés de la voie lac­tée. Cette série est très inté­res­sante, très bien faite, et je vous conseille de vous pro­cu­rer les DVD. Ce n’est pour­tant pas de cela que je vou­lais vous entre­te­nir, mais de la pers­pi­ca­ci­té de ses auteurs en matière de faits ter­ro­ristes et de la réponse qu’il faut y apporter.

La série en ques­tion a été pro­gram­mée sur le petit écran entre 1993 – 1999 (aux USA), ce qui veut dire que le der­nier épi­sode a été tour­né bien avant le désastre du 11 sep­tembre 2001, cette mère de toutes les attaques ter­ro­ristes, désastre ayant entraî­né une foule de mesures sécu­ri­taires dont cer­taines ne sont pas pour déplaîre à des régimes aux relents « auto­ri­taires », comme par exemple l’u­sage de la tor­ture, pudi­que­ment dégui­sée sous l’ex­pres­sion « inter­ro­ga­toire mus­clé » par l’ad­mi­nis­tra­tion de George W. Bush. Si le 11 sep­tembre est sans aucun doute une date qui marque une rup­ture, la menace ter­ro­riste en tant que telle existe depuis belle lurette déjà (pen­sons, pour ne nom­mer que des cel­lules ter­ro­ristes du XXe siècle, aux filières irlan­daise (IRA), pales­ti­nienne (OLP), alle­mande (FAR), ita­lienne (CCC), espa­gnole (ETA), colom­bienne (FARC), etc.), ain­si que les réac­tions par­fois très for­te­ment exa­gé­rées des diri­geants de l’é­poque. Les auteurs de Deep Space 9, très à l’é­coute des phé­no­mènes qui occupent nos socié­tés, se sont empa­rés de ce sujet pour en tirer deux épi­sodes qui illus­trent à mer­veille le véri­table enjeu lié aux attaques ter­ro­ristes, la cible que visent les enca­gou­lés de tous bords, à savoir la liberté.

Avant de conti­nuer, voi­ci quelques infor­ma­tions sup­plé­men­taires à pro­pos de Deep Space 9 afin de ne pas dérou­ter mes chers lec­teurs : De l’autre côté de la galaxie, là où abou­tit le vor­tex, se trouve le Domi­nion, l’empire d’une race qui existe à l’é­tat liquide et dont les membres savent prendre toutes les formes ima­gi­nables. Cette race, qui se désigne elle-même comme Les Fon­da­teurs, part en guerre contre la Fédé­ra­tion et sa pla­nète-capi­tale, la Terre. Dans la qua­trième sai­son de DS9, dans les épi­sodes 84 et 85 aux titres tout ce qu’il y a de plus évo­ca­teurs, Home­front et Para­dise lost, la peur d’une attaque immi­nente contre la Terre s’empare des diri­geants et de la popu­la­tion, mais c’est la réac­tion de cer­tains d’entre eux qui consti­tue la véri­table menace, à savoir la ten­ta­tion d’ins­tau­rer un régime mili­taire, seul capable de réagir de façon appro­priée au dan­ger d’une inva­sion, une forme de gou­ver­ne­ment qui serait plus forte que la démo­cra­tie qui, elle, rime­rait avec « fai­blesse », « inca­pa­ci­té » et « inces­sants palabres ». Aux dires de ceux au moins qui ont la fâcheuse ten­dance de se remettre, eux et leurs sem­blables, entre les mains de l’homme fort, pro­vi­den­tiel, à la moindre occasion.

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Dans la série, le pro­ta­go­niste se réveille à temps de son cau­che­mar et dénonce ses cama­rades qui ont vou­lu sau­ver la Fédé­ra­tion en détrui­sant un de ses prin­ci­paux fon­de­ments. Dans la vraie vie, les choses ne sont pas aus­si faciles et les fins ne res­semblent pas tou­jours à celles des contes de fée. Après chaque atten­tat ter­ro­riste, les médias se déchaînent sur des hommes poli­tiques soi-disant inca­pables et des mesures qui seraient « insuf­fi­santes », et les mêmes hommes (et femmes) poli­tiques, sou­cieux de parer aux attaques et de don­ner une image de force et de capa­ci­té, réclament des lois et des peines tou­jours plus dra­co­niennes. Au prix de la liber­té qu’on n’hé­site pas à sacri­fier pour exor­ci­ser la peur. Sauf que tout cela ne sert à rien. L’his­toire pul­lule d’exemples qui démontrent clai­re­ment que ce n’est pas l’ab­sence d’ou­tils qui faci­lite la vie aux ter­ro­ristes, mais l’in­ca­pa­ci­té, de la part des ser­vices (peu) com­pé­tents, de se ser­vir cor­rec­te­ment de ces mêmes outils mis à leur dis­po­si­tion par le légis­la­teur. Mais il est appa­rem­ment plus facile, pour ras­su­rer ceux qui crient au loup, de brû­ler les forêts que de manier le fusil et d’é­li­mi­ner la bête. Quitte à déchaî­ner d’autres fléaux encore plus voraces. La preuve ? On sait depuis long­temps que les ser­vices col­lec­tionnent et ana­lysent un très grand nombre de don­nées [1]Il n’au­ra pas fal­lu attendre les révé­la­tions de M. Snow­den pour le savoir. L’exis­tence d’E­che­lon, gigan­tesque pro­gramme d’é­coute de la NSA, était connue depuis les révé­la­tions du jour­na­liste … Conti­nue rea­ding. C’est pour cela que sept des huit assas­sins du 13 novembre étaient déjà connus par ces mêmes ser­vices qui se sont révé­lés inca­pables de les sur­veiller d’as­sez près pour inter­ve­nir à temps. Et puis, le comble de l’ab­surde, le « cer­veau » des atten­tats, le tris­te­ment célèbre Abdel­ha­mid Abaaoud, assas­sin de sinistre mémoire, s’est van­té de ses exploits – pas­sés et futurs – dans le maga­zine illus­tré de pro­pa­gande de Daesh, un maga­zine nul­le­ment clan­des­tin que tout le monde peut se pro­cu­rer et où des ter­ro­ristes étalent leurs pro­jets aux yeux de tous. Et l’on nous demande d’in­ves­tir encore plus d’argent dans des tech­no­lo­gies de sur­veillance de masse ? Comme si, face à l’in­ca­pa­ci­té de trou­ver l’ai­guille dans une botte de foin, on nous deman­de­rait encore plus de foin… Et on vou­drait res­treindre les liber­tés civiques, étendre encore les pro­grammes de sur­veillance, quand il suf­fi­rait de tra­vailler sur la base de ce qui est libre­ment acces­sible ? Mais une socié­té qui bazarde ses acquis avec autant de faci­li­té, peut-être qu’elle ne mérite pas mieux ? On peut se poser la ques­tion, mais je m’obs­tine, pour ma part, à pen­ser que, effec­ti­ve­ment, elle mérite mieux. Mais au lieu de crier au loup et de sai­sir le flam­beau, il vau­drait peut-être mieux d’at­tendre des résul­tats et de s’im­po­ser un délai de réflexion avant de pas­ser à l’acte.

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Il faut sau­ve­gar­der nos liber­tés, le fon­de­ment de nos socié­tés libres, riches de leurs diver­si­tés. Céder aux chants des sirènes qui pro­mettent plus de sécu­ri­té, ce serait s’é­ga­rer. Et il suf­fit par­fois de regar­der une série de télé­vi­sion dont les auteurs ont fait preuve de bien plus de sagesse que cer­tains de nos jour­na­listes et de nos diri­geants, pour se rendre compte de cela.

Il ne nous reste plus qu’à prendre Fran­çois Hol­lande au mot quand il invoque « la calme déter­mi­na­tion à défendre la liberté ».

 

Réfé­rences

Réfé­rences
1 Il n’au­ra pas fal­lu attendre les révé­la­tions de M. Snow­den pour le savoir. L’exis­tence d’E­che­lon, gigan­tesque pro­gramme d’é­coute de la NSA, était connue depuis les révé­la­tions du jour­na­liste écos­sais Dun­can Camp­bell en 1988
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95