On ne présente plus Jürgen Werner, le créateur de la Pinup Girl aka Jeune Fille au pull levé, le premier dessin de l’artiste autrichien à entrer dans la collection de votre serviteur. Et voici que, définitivement tombé sous le charme de celui qui sait mettre ses outils et ses couleurs au service d’une beauté élégante et svelte – toute en lignes ! – je vous présente Sexy Back, une deuxième image dont la facture ne laisse subsister aucun doute à propos de ses origines, le style de Werner assurant l’attribution aussi clairement que sa signature.
Contrairement à la Pinup Girl, la jeune femme ici est déjà entièrement nue et présente – fidèle au titre du dessin – son dos aux spectateurs. Cette posture enlève à l’image la dynamique de la Pinup Girl, née du mouvement vers le haut, et lui confère par cela une certaine immobilité. Le modèle se tient debout, sans bouger, la tête – entièrement cachée par la chevelure noire tombant sur l’épaule droite – très légèrement inclinée, les bras ballants. On dirait une statue, sauf que l’incarnat de la peau et le rose tirant sur le rouge du fond rendent au dessin la chaleur de la vie, parfaite opposition à l’attitude statuaire adoptée par la jeune femme. Malgré cette posture figée du modèle, le mouvement n’est pas totalement absent du dessin, même s’il se trouve là où on ne l’attendrait sans doute pas, concentré dans les caractères composant le titre, à gauche de la tête du modèle, et les deux traits qui les soulignent. Ces caractères et ces deux lignes, noirs aux contours rose foncé, semblent, de par le jeu des couleurs et des contours, très légèrement vibrer, ce qui fait efficacement ressortir le titre qui, au lieu de pâlir à côté de la beauté longiligne de la femme, s’impose aux regards.
Au-delà des caractères du titre, le tableau s’enrichit d’autres éléments encore, notamment de deux points d’exclamation et d’une couronne qui, s’Ils ne sont pas à proprement dire étrangers à l’univers du dessin, interpellent le spectateur et retiennent son regard dans cette composition construite autour d’une silhouette féminine certes réduite à l’essentiel, mais essentiellement réaliste avec ses courbes, ses fesses rebondies, le sillon de la colonne vertébrale et les articulations. Et comme chez la Pinup Girl, le dessin évoque la case d’une bande dessinée, et c’est sans doute dans ce contexte-là qu’il faut placer les éléments non-graphiques hérités justement de l’esthétique BD. On pourrait aller jusqu’à imaginer l’artiste formuler une phrase pivotant autour de la tête, la question se posant à propos de la signification de l’espèce de doodle qui serait en quelque sorte proposé par le torse féminin.
L’idée me hante depuis la Pinup Girl, mais c’est en contemplant Sexy Back que cela se précise : Les deux dessins se présentent comme un still d’un dessin animé, comme les fragments d’un univers artistique tellement plus vaste, un de ces fragments chers aux artistes romantiques qui inciteraient le spectateur / le lecteur à compléter le travail laissé incomplet, et de devenir à son tour créateur en usurpant le rôle délaissé. Est-ce pour cela que j’aime tellement les compositions de Jürgen Werner, des images qui nous appelleraient à aller au-delà de la simple réception ? Quoi qu’il en soit, je vous présente son travail digne d’être mieux connu, et je serais ravi de contribuer à le faire découvrir par celles et ceux qui, comme moi, aiment se mettre sur la piste des artistes.
