Pen­sées pour une Europe fédérale

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Je viens de faire un tour dans les Ardennes. Rien grand chose, juste deux jours et demi, dans la val­lée de la Semois, une région très pri­sée par votre ser­vi­teur. Région à la beau­té farouche, les rochers à fleur de terre, avec des murailles impres­sion­nantes de schiste qui se dressent devant le ran­don­neur éba­hi. Et comme il pleut sou­vent, dans ces terres trem­pées, il y a de ces jours où l’on dirait que les rochers, tou­chés par quelque miracle, se mettent à pleu­rer. Et qui­conque est au cou­rant des maux que cette terre a vu pas­ser ne sau­rait s’en éton­ner. Qu’il suf­fise de vous citer, très briè­ve­ment, les sou­ve­nirs croi­sés sur mon petit par­cours de ce week-end pro­lon­gé pour vous faire comprendre.

Tout d’a­bord, on est pas­sés par Bas­togne et La Roche en Ardenne, deux petites villes nichées au cœur de la mon­tagne, au milieu d’une nature épous­tou­flante. Et pour­tant, un des sou­ve­nirs les plus tenaces que le pas­sant en garde, ce sont deux chars consa­crés au sou­ve­nir des troupes alliées qui y ont payé un lourd tri­but en s’op­po­sant, pen­dant la Bataille des Ardennes, à la der­nière offen­sive de l’en­va­his­seur nazi.

Ensuite au pro­gramme, la région de la Semois namu­roise, autour de Vresse-sur-Semois, avec des petites loca­li­tés comme Vresse, Bohan, Alle. Une région à deux pas de la France, par­cou­rue par une petite rivière char­mante, la Semois, qui attire des esti­vants, prin­ci­pa­le­ment de Bel­gique et des Pays-Bas, qui y font des des­centes en kayak et des ran­don­nées, à pied ou en VTT. Une région qui a pour­tant un côté plus sombre aus­si. C’est par ici que sont pas­sées les divi­sions méca­ni­sées de Gude­rian, en mai 40, l’ar­mée qui a plon­gé l’é­pée dans le flanc de  la France lais­sé grand ouvert par des géné­raux qui fai­saient par trop confiance aux fron­tières natu­relles. Aujourd’­hui encore, 76 ans plus tard, on peut y trou­ver des pho­tos où des mili­taires alle­mands se pavanent sur les terres conquises. Un sou­ve­nir inef­fa­çable, ren­du pal­pable par des ves­tiges comme l’an­cien pont du che­min de fer de Bohan, sau­té devant l’a­van­cée de l’en­ne­mi, moi­gnon ten­du au-des­sus de la rivière.

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Le pont cassé à Bohan
Le pont cas­sé de Bohan, un moi­gnon ten­du au-des­sus des eaux de la Semois.

Depuis, la paix s’est faite suite à la défaite de l’Al­le­magne nazie. Mais si la paix peut s’ob­te­nir par des armes, il faut aus­si savoir la gar­der, la rendre durable, et les armes ne sont pas très effi­caces quand il s’a­git de conqué­rir la confiance. L’is­sue de la Grande Guerre, avec sa paix dif­fi­ci­le­ment tenue pen­dant à peine un peu plus de vingt ans et qui s’est sol­dée par la mon­tée des dic­ta­tures fas­cistes et com­mu­nistes et la guerre la plus san­glante de tous les temps, peut ser­vir de pense-bête, si qui­conque devrait négli­ger les leçons de l’His­toire. La paix s’est donc faite, en 1945, par les armes, et puis sont venus des vision­naires comme Robert Schu­mann, Charles de Gaulle, Kon­rad Ade­nauer, et c’est grâce à eux, entre autres, qu’un nou­veau pro­jet, d’une enver­gure com­pa­rable à l’ef­fort de guerre, a vu le jour, un pro­jet qui s’est sol­dé, à terme, par la créa­tion de l’U­nion Euro­péenne, une Union fon­dée sur l’é­change, com­mer­cial et cultu­rel, mais aus­si des per­sonnes, et une confiance renou­ve­lée et dif­fi­ci­le­ment recon­quise, un pro­jet de soli­da­ri­té inter­na­tio­nale avec comme pers­pec­tive la créa­tion d’une Union tou­jours plus étroite – une et indi­vi­sible.

Mais les leçons de l’His­toire se perdent, et cer­tains vou­draient reve­nir, pour des rai­sons qui m’é­chappent, au libre jeu des anta­go­nismes natio­naux. Ce même jeu qui a mis en flammes non seule­ment le conti­nent, mais la pla­nète entière, une terre dont le sol est abreu­vée de sang et où les cadavres sont par­fois plus nom­breux que les vivants. Un réseau tis­sé de men­teurs égo­manes, d’hommes poli­tiques peu scru­pu­leux et imbus de leur propre impor­tance, sou­te­nus par des grou­pus­cules xéno­phobes et fas­ci­sants, a réus­si à exploi­ter la bêtise d’un pre­mier ministre qui entre­ra sans doute dans l’His­toire comme le fos­soyeur du Royaume-Uni et comme celui qui a bri­sé les pers­pec­tives de géné­ra­tions entières. Un coup a été por­té à l’oeuvre des géants poli­tiques qui ont don­né le coup d’en­voi, mal­gré tous les res­sen­ti­ments vifs encore quelques années à peine après un  mas­sacre indes­crip­tible, à la construc­tion de l’Eu­rope unie.

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Mais il ne faut pas se lais­ser déses­pé­rer par le spec­tacle des égoïsmes natio­naux et de l’i­nap­ti­tude d’une grande par­tie de la classe poli­tique à l’oeuvre au seuil d’un nou­veau siècle ! Ouvrons plu­tôt grands les yeux pour com­prendre l’en­jeu, et allons ensuite de l’a­vant pour construire une Union plus étroite encore, une Union riche des leçons de l’His­toire et des acquis des décen­nies pas­sés pour ouvrir la voie vers une Europe où les fron­tières seront fina­le­ment abo­lies dans un espace ouvert et tour­né vers l’a­ve­nir. Un espace dédié au res­pect, aux échanges, à la soli­da­ri­té – entre les per­sonnes, les régions et les générations.

Je suis pro­fon­dé­ment convain­cu de la néces­si­té de la construc­tion euro­péenne, construc­tion qui doit se pour­suivre par l’a­vè­ne­ment d’une véri­table Union qui ne connaît plus de nations, qui réunit des régions depuis trop long­temps déchi­rées et qui ouvre un espace immense, riche de ses héri­tages, à qui­conque de ses res­sor­tis­sants, peu importe le lieu de nais­sance. Une Union ouverte sur le monde aus­si qui ne se construit pas comme une forteresse.

Si vous par­ta­gez ces convic­tions, si vous aus­si vou­lez vous oppo­ser aux forces cen­tri­fuges et égoïstes, je vous invite à rejoindre le mou­ve­ment fédé­ra­liste, aujourd’­hui.

Pour une Europe fédéraliste et solidaire
Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95

Commentaires

Une réponse à “Pen­sées pour une Europe fédérale”

  1. Dominique

    Cher Tho­mas, ton billet me met du baume au cœur. J’en ai écris un aus­si, un peu de la même teneur, ici.http://dominiquelemuri.blogspot.fr/2016/06/triste-jour-sad-day-trauriger-tag.html
    J’es­père que nous sau­rons, mal­gré les sur­sauts xéno­phobes que nous obser­vons en Europe, construire une Europe fédé­rale comme celle dont je rêvais quand j’é­tais jeune fille.
    Je vais aller consul­ter ce lien que tu indiques.
    Mit freund­li­chen Grüs­sen ! <3