« Pour­quoi un blog ? » Réponse avec sirène

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Sirène guerrière de Varsovie

Bah, peut-être parce qu’une Sirène en sortira ?

Vous ne pigez rien à ce que je vous raconte ? Nor­mal, je n’ai pas encore don­né le contexte. Le voici :

Je réponds à une ques­tion posée par Régine Zam­bal­di sur son blog en guise d’introduction :

« Pour­quoi un blog ? […] Un blog de plus dans un océan de blo­gueurs uni­ver­sels qui s’é­tend de jour en jour … »

C’est cette image de l’o­céan de blo­gueurs en crois­sance per­pé­tuelle qui m’a rap­pe­lé une de mes plus belles lec­tures, Sira­mour, long poème de Robert Des­nos. On peut dire que c’est Des­nos qui a véri­ta­ble­ment faire éclore mon amour immense de la civi­li­sa­tion, de la langue et de la lit­té­ra­ture fran­çaises. Je suis tom­bé sur ses textes très tôt dans ma car­rière de lit­té­raire en herbe, et je me suis essayé à tra­duire une par­tie de ses poèmes. Et même après des décen­nies pas­sées loin des rivages de l’é­cri­ture auto­ma­tique, je rêve de Lis­bonne où pous­sait la bel­la­done « aux jar­dins que j’avais ».

Mais reve­nons à notre petite sirène. Au com­men­ce­ment, elle est encore enfer­mée dans une bou­teille, spé­ci­men inof­fen­sif et tout à fait quo­ti­dien de ce qu’on peut trou­ver par mil­liers dans les grandes surfaces :

Il est minuit dans la plaine et sur la mer, il est minuit dans les constel­la­tions vues et voi­ci que l’étoile, la tan­tôt noire, la tan­tôt bleue, sur­git au-delà de l’écume écla­tée comme un orage bas dans les ténèbres liquides. À ses rayons, la bou­teille aban­don­née dans et les ajoncs s’illumine des voies lac­tées paraît conte­nir et ne contient pas car, bien bou­chée, elle recèle en ses flancs la sirène mas­quée, la cap­tive et redou­table sirène masquée …

Puis sur­vint le buveur qui « boit la chan­son et libère la sirène, celle qu’on nomme l’Inouïe et nomme aus­si la Fantomas ».

À lire :
Mini exposition consacrée à Johann-Anton de Peters

Mais ce n’est pas tout, parce qu’à sa suite, elle entraîne les flots déchaî­nés de l’océan

mon­tant la plus for­mi­dable marée de tous les temps,
non hors de son lit géo­gra­phique, mais cou­lant flux rapide
hors de la bou­teille ren­ver­sée tan­dis que, libre, la sirène éten­due
sur le sol non loin de cette cata­racte, consi­dère l’étoile,
la tan­tôt noire, la tan­tôt bleue, et s’imagine la recon­naître
et la recon­naît en effet.

S’en­suit une ter­rible bataille entre l’É­toile et la Sirène, dans les cou­loirs du châ­teau, qui prend des dimen­sions épiques. Mais je ne veux pas vous pri­ver du plai­sir de décou­vrir tout ça par vous-même, un soir, cou­ché dans un lit, accom­pa­gnant par un mur­mure évo­ca­teur les diva­ga­tions du poète mort depuis si long­temps, et dont la voix conti­nue à reten­tir dans les cou­loir déserts du châ­teau tom­bé en ruine.

Voi­là pour­quoi j’ai choi­si d’a­voir un blog, et de me chan­ger en goutte. Goutte qui rem­plit l’o­céan, dans l’es­poir de le voir mon­ter un jour pour libé­rer la ter­rible Sirène.

PS – Le texte est dis­po­nible sur Wiki­source, mais je vous conseille quand-même d’a­che­ter le livre. Sira­mour fait par­tie du recueil For­tunes, paru chez Gal­li­mard dans la pres­ti­gieuse col­lec­tion nrf.

Dessin d'une femme nue debout, vue de profil. Elle tient un gode dans la main droite qu'elle est en train de s'introduire dans le vagin.
Dessin réalisé par Sammk95