Je suis auteur, et mon sujet, c’est l’érotisme. Et pas l’érotisme édulcoré tel que vous le trouverez dans les romances érotiques qui se vendent comme des petits pains à peine sortis du four ou encore les tuiles à la sauce BDSM à deux balles dans la lignée des 50 nuances de grisaille. Non, l’érotisme du Sanglier, c’est du dur, celui des désespérés, celui des rageux qui ne vivent plus que par la transgression. C’est pour cela que j’adore le porno cru de gare des Média 1000 qui a le grand mérite, selon moi, d’être sincère !
Belle introduction, dites-vous, pour nous révéler que t’es un pervers. Bon, peut-être bien, qui suis-je pour contredire mes lecteurs ? Mais là n’est pas le point. Il s’agit de vous parler d’une qualité essentielle de l’érotisme, fût-il porno ou autre chose, à savoir la proximité. Parce que la baise, sous n’importe quelle forme, ne peut se pratiquer qu’en abolissant les distances. Je dirais même qu’une des définitions de ce qu’est l’érotisme, c’est l’anéantissement de la distance entre humains, peu importe le sexe et l’orientation sexuelle. Et pour baiser, ceux-ci doivent non seulement se rapprocher. Ils doivent éliminer tout ce qui les sépare, jusqu’à s’introduire l’un dans l’autre. Peu importe la cavité à remplir, qu’elle soit buccale, anale ou vaginale.
Je pense que vous me voyez venir. Parler aujourd’hui de distance – et pire encore de son abolissement – c’est évoquer cette abominable « distanciation sociale » dont on n’arrête pas de nous emmerder depuis des mois, c’est s’en prendre avec véhémence aux « gestes barrières » prônés par une société tellement paniquée qu’elle carrément demande d’être privée de sa liberté et d’être internée – pour son plus grand bien, évidemment. Et peu importe les conséquences pourvu qu’on puisse garder l’illusion de vivre à l’abri de tout risque, une possibilité qu’on nous fait entrevoir de loin en loin afin de mieux nous endormir et de progressivement anesthésier le goût de l’aventure et de la découverte. Sauf qu’on se demande si ça, c’est encore de la vie. Certes, cela peut y ressembler, parce qu’on continue à respirer, à bouffer, pour certains même à baiser et à se reproduire. Mais est-ce bien de la vie encore ? Celle qui consiste à sortir de chez soi, à ouvrir les yeux et tous les sens sur le Monde et de partir à l’encontre des autres ? À se mêler de près, de très près même, à ses semblables, quitte à se retrouver entre leurs bras et leurs cuisses, les bouches collées les unes sur les autres ou sur n’importe quel autre orifice pourvu que celui-ci donne accès à l’intimité des personnes concernées… Et oui, voyez-vous, n’est-ce pas là l’essentiel de l’idée même de vivre et dont on nous prive depuis des mois maintenant ? Sans nous donner des perspectives pour en sortir ? La seule perspective que je vois se dessiner à l’horizon, c’est celle d’une société atomisée qui commence à ressembler à celle de la Matrix si génialement imaginée et mise en scène par les Wachowski : Une société de l’illusion qui n’a plus rien de réel sauf le confinement (!) de nos corps en pleine déchéance qui ne servent plus qu’à produire de l’énergie.
Et dire que les gens non seulement se laissent faire, mais carrément demandent qu’on leur fasse leur compte. Quel concours merdique de circonstances que celui où l’omniprésence des réseaux (anti-) sociaux avec leurs foules d’images venues des quatre coins de la planète et le mirage de l’abolition totale de tous les risques concourent pour créer une panique aussi forte que la liberté n’a plus qu’à en crever.
Vous me pardonnerez ma nerditude, mais je ne peux m’empêcher de citer les mots de Padme Amidala tirés d’un des meilleurs volets – toujours selon moi – de la Guerre des Étoiles, l’illustration avant l’heure de ce qu’on est en train de vivre :
So this is how liberty dies… with thunderous applause…

J’exagère peut-être un peu vu que nos dirigeants actuels sont évidemment loin d’avoir la stature ou la complexité d’un seigneur Sith, mais il faut constater qu’ils sont au moins aussi rusés que les créatures de George Lucas, ayant su créer une menace qui, en vérité, est loin de faire le poids face à sa réputation (oui, je pense évidemment à La Menace fantôme), et en nous habituant tout doucement à nos destins de futures légumes.
Et maintenant, que faire ? Et si on commençait par (se) poser des questions ? Et si on décidait de donner un bon gros coup de pied au cul à la peur et à la panique et à tous ceux et à toutes celles qui voudraient nous y faire succomber ? Et si, au lieu de cela, on continuait à se frotter à nos semblables qui, loin d’être l’Enfer de ce pauvre Sartre, sont l’ingrédient indispensable de la vie en société ? Autrement dit de la vie tout court ? Et si on abandonnait ces gestes barrières dont un seul mérite qu’on le retienne : le coup de poing dans la gueule des puissants ?
Et surtout, SURTOUT, n’ayez pas peur !
Crédit photographique : La photo précédente présente une scène du clip musical Gunman du groupe allemand Orden Ogan, ce qui se traduit par L’Ordre de la Peur ou Order of Fear dans la langue de Shakespeare. Au milieu de la scène se tient Alastair Vale, personnage récurrent dans les vidéos du groupe et souvent présenté avec un masque, détail qui en fait le compagnon parfait des pensées du Sanglier. Si vous aimez le titre en question, n’hésitez surtout pas à ouvrir grands les cordons de vos bourses afin de leur acheter l’un ou l’autre disque, un geste bienvenu en ces temps si difficiles pour les artistes…