L’été approche à grands pas, et le Sanglier a tout mis en œuvre pour gâter – une fois encore – ses lectrices et ses lecteurs en leur proposant une illustration estivale exécutée rien que pour les fidèles du site, les inconditionnels de nudité et de sexe qui n’ont pas honte, à l’instar du maître de céans, de se réclamer de leurs aspirations sensuelles et de fréquenter la sombre demeure de la Bête.

Après avoir fait confiance deux ans de suite à Josep Giró, un artiste impressionnant qui a marqué le site de sa griffe formidable, j’ai opté pour un peu de changement. Et – changement là encore – l’artiste que je tiens à vous présenter aujourd’hui, ce n’est pas sur DeviantArt que je l’ai croisée, mais bien sur Instagram, site que j’aimerais éviter vu qu’il fait partie de la nébuleuse Facebook, mais comme pratiquement toutes les aspirations artistiques du jour s’y donnent rendez-vous, il faut avouer que ce site-là est bel et bien – incontournable pour qui veut avoir une idée de ce qui se fait dans les domaines numériques de l’Art. Quoi qu’il en soit, voici donc DLo 168, une dessinatrice canadienne, dont le style sobre et en même temps plein de chaleur et d’une sensualité quelque peu distante – une sensualité qui se mérite à travers un effort visuel – m’a presque aussitôt séduit.
Si je dis presque, c’est pour faire comprendre ce que je viens d’affirmer dans le paragraphe précédent – à savoir que l’art de DLo se mérite à force de regarder et de se laisser absorber par l’univers visuel qui est le sien. J’ai mis un peu de temps avant de comprendre d’où vient la distance – une distance qu’il est difficile de cerner, qui se dérobe et qui est pourtant bien là, agaçante, posée entre le sujet et le spectateur. Je ne suis pas sûr d’avoir trouvé l’explication, mais il me semble que sa façon de créer, l’outil de son art, y est pour quelque chose. Parce que DLo 168 a opté pour l’art à base de vecteurs, une façon de créer entièrement basée sur la mathématique, l’art numérique par définition, et c’est peut-être l’abstraction des chiffres qui ajoute comme un écran qu’il faut savoir percer afin de vraiment apprécier. Mais est-ce bien cette dimension supplémentaire qui, malgré la chaleur de ses lumières et de ses chairs, ajoute comme une brise fraîche à ses tableaux ?

Quoi qu’il en soit de la pertinence de ces considération, le meilleur point de départ pour aller à la rencontre de cette artiste est un de ses deux comptes sur Instagram : dlo168 et dlo168art, le deuxième étant réservé à ses œuvres érotiques. Encore que la différence principale est sans doute à chercher ailleurs que dans le degré de nudité consenti aux personnages : DLo est une portraitiste douée, et un bon nombre de ses images représentent des actrices ou des personnalités des mondes virtuels tels que des cosplayers comme Alicia Marie dont vous pouvez admirer le portrait ci-dessus. Ce genre de portraits basés sur des personnes réelles est absent dans le compte déclaré « érotique » où tout n’est donc que fantaisie, imagination, avec peut-être parfois une brise d’inspiration. Et on peut évidemment imaginer le malaise de certaines de se retrouver dans une scène aussi peu ambiguë comme par exemple le baiser lesbien de ses Amantes. À part cela, DLo est la première à mettre elle-même en doute le caractère plus sage des dessins rassemblés sur son compte principal. Elle fait même preuve d’une bonne dose de sarcasme en donnant une drôle de description de celui-ci par rapport à la partie plus ouvertement érotique de son art :
For family friendly art (sort of) (not really) (safer than here) [1]« Pour un art mieux adapté à un public familial (façon de parler) (pas vraiment) (mieux protégé qu’ici) ». C’est la devise qui accompagne l’incitation aux visiteurs de suivre l’artiste sur son … Continue reading

Un sarcasme qui ne peut pleinement s’apprécier sans prendre en compte la frilosité des censeurs américains pour tout ce qui se rapproche de plus ou de loin des notions de nudité et de sexe, une frilosité qui a vite fait de priver les comptes concernés de visibilité ce qui peut correspondre à un manque de gagner très sensible. La chair dénudée est pourtant loin d’être absente du compte « family friendly », et les gestes qui dévoilent y abondent. Donc, sur le fond, la différence entre les dessins sur les comptes respectifs concerne plutôt l’anonymat des modèles que le caractère plus ou moins explicite de ce qui est représenté.
Mais je profite de ce que je vous ai présenté deux de ses portraits pour vous faire remarquer le petit côté Art nouveau qu’on trouve dans un grand nombre de ses portraits, comme dans celui de Gemma Chan ci-contre. Une réminiscence qui explique sans doute aussi la prolifération des motifs floraux figés dans leurs contorsions qui ne sont pas sans rappeler les arabesques si souvent présents dans l’art fin-de-siècle.
Si ce sont bien évidemment la présence des chairs opulentes et la sensualité des images qui ont attiré votre serviteur, il a fallu un petit plus pour me convaincre de m’adresser à DLo pour réaliser la bannière de l’été 2019. Et ce petit plus qu’on est loin de trouver chez tous les artistes qui se consacrent au nu, c’est que celle-ci a l’été dans l’âme. Pour s’en convaincre, il suffit de contempler un de ses dessins daté de septembre 2015 : « Girls Only ! »

Comment ne pas se laisser emporter par la joie estivale qui se dégage d’un panorama aussi sensuel, et comment passer à côté de chairs aussi délicieusement mises en scènes que celles des personnages de DLo ? Le maillot coincé entre les fesses de la dame sur la droite, le doigt qui, chez celle de gauche, se glisse tout doucement sous l’ourlet du maillot comme s’il voulait laisser entrevoir la possibilité d’une brèche dans la barrière, ou encore la femme du milieu avec son maillot bandage qui fait penser à un atout du BDSM propre à attirer les regards et les désirs plutôt qu’à un ustensile de baignade. Que le tout soit rehaussé par une dose de Steampunk ne fait que mieux ressortir la volonté de saisir l’essence des joies de la plage.

Pour la Bauge littéraire, DLo a opté pour un décor floral, un pré en fleur qui semble vouloir envahir l’intimité de la belle, absorbée par sa lecture et inconsciente de tout ce qui se passe en dehors des pages qu’elle est en train de feuilleter. Mais l’élément qui m’a vraiment surpris, d’abord agacé et ensuite séduit, est ailleurs. Regardez un peu le visage de la femme. On dirait d’abord que s’y peint une certaine froideur voire l’inconscience, l’absence de force vitale. Mais non, c’est en y regardant de plus près qu’on se rend compte de ce que c’est une concentration vraiment peu commune, un effort psychique qui emporte le physique, un véritable exploit réussi par l’artiste qui a rendu avec une force peu souvent atteinte le lien créé par la lecture entre d’un côté le texte avec ses personnages, ses événements et ses réflexions et, de l’autre, celle ou celui qui, pareil aux explorateurs d’antan, consent à mettre les voiles pour des mondes inconnus, de tendre la main – et les yeux – vers des rives où il s’agit de mettre pied à terre en laissant derrière soi les certitudes.

Petit détail à côté : Les rayons qui semblent se dégager des pages ouvertes, ne dirait-on pas celles d’un météore capable d’attirer sur lui les regards et de les enchaîner dans une contemplation céleste ? Et les petites bulles peuplant le bout de ciel visible entre les fleurs et la tête de la demoiselle, ne dirait-on pas l’intrusion d’un élément sous-marin qui rendrait plus totale encore l’immersion de la lectrice, son isolement dans un mode au-delà de toute atteinte possible ?
Quelles que soit vos impressions, je peux dire de mon côté que DLo a réussi à me captiver. Un grand merci à elle ! J’espère que vous serez nombreux à lui rendre visite. Et si vous le faites, n’omettez pas de lui laisser un petit bonjour de la part du Sanglier :
- DLo – son compte Instagram principal
- DLo – son compte Instagram « fun » et « Erotic Art »
Références
↑1 | « Pour un art mieux adapté à un public familial (façon de parler) (pas vraiment) (mieux protégé qu’ici) ». C’est la devise qui accompagne l’incitation aux visiteurs de suivre l’artiste sur son compte principal. |
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